Le 8/9

Matthieu Ricard : "L’altruisme est notre seul salut pour faire face aux défis du 21e siècle"

Matthieu Ricard, pour "Carnets d'un moine errant"

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Par François Saint-Amand

Matthieu Ricard était l’invité du 8/9 pour présenter son autobiographie de voyages, Carnets d’un moine errant. L’essayiste et moine tibétain français de 75 ans, a notamment livré son avis plein de sagesse sur les défis majeurs de l’être humain.

De l’Institut Pasteur à l’Himalaya auprès des maîtres spirituels, Matthieu Ricard est né en 1967, à l’âge de 21 ans, à Darjeeling, en Inde.

Cinq ans plus tard, alors chercheur en génétique à l’institut Pasteur, promis à un bel avenir, Matthieu Ricard abandonne tout pour vivre dans l’Himalaya.

De livre en livre, il met alors son travail d’auteur et ses talents de photographe au service de son message d’amour altruiste. Ses Carnets dont son dernier livre racontent une vie de moine errant, sans attache matérielle ou géographique, toujours en chemin vers la liberté intérieure et le bien d’autrui.

Témoignage d’une vie auprès d’êtres extraordinaires

Traducteur français du Dalaï-Lama, auteur de nombreux ouvrages comme Les folles histoires du sage Nasredin avec Ilios Kotsou, Matthieu Ricard est sûrement le moine français le plus célèbre.

Il retrace cette fois-ci sa vie avec son Carnets d’un moine errant. Mais dès les premières pages, il précise que ce livre n’est pas vraiment une biographie. "Mon histoire n’a aucun intérêt. Je voulais faire un témoignage, témoigner des êtres remarquables, hommes et femmes que j’ai rencontrés pendant un demi-siècle dans l’Himalaya. C’est un peu comme si j’avais vécu 20 ans auprès de Socrate, cela vaut la peine de le raconter" précise-t-il dans Le 8/9. "Puis quand même pas mal d’aventures, 21 voyages au Tibet, 10 ans de vie au Bhoutan, je me disais qu’avant que mon cerveau ne fonctionne plus, ce n’était pas une mauvaise idée de témoigner de toutes les beautés intérieures et extérieures que j’ai vécues".

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Trouver le bon sens de sa vie

Autre affirmation qui marque dans le livre de Matthieu Ricard : sa 'naissance' à 21 ans en Inde, parce qu’une rencontre dans ce pays y changera sa vie.

Né pourtant dans une famille aisée, il trouve le bonheur de devenir un homme bon dans l’enseignement spirituel d’un moine bouddhiste. "Vous prenez 100 jardiniers, 100 philosophes, 100 scientifiques, vous avez la même répartition de gens heureux et malheureux, bienveillants et malveillants, impossibles à vivre et extrêmement agréables. Il n’y a pas de corrélation entre du génie particulier et un bon être humain. C’est donc un peu déconcertant que des jeunes cherchent des modèles de vie sans une direction dans l’existence" observe-t-il.

"Quand je suis arrivé dans l’Himalaya à Darjeeling et que j’ai rencontré le maître tibétain, qui est devenu un peu mon maître spirituel, j’ai eu l’impression que l’adéquation était parfaite entre la personne et l’enseignement. Le messager était le message. Ce n’était pas seulement apprendre entre ce qu’il sait en tant que connaissances théoriques, mais devenir ce que cette personne est. Pour moi il était l’exemple de cette perfection humaine. J’avais le sentiment d’une direction dans mon existence".

Il effectue ensuite 7 allers-retours entre la France et l’Himalaya avant de s’installer durablement dans la plus haute chaîne de montagnes du monde.

Etre au service d’autrui

Fort de son expérience d’ermitage, Matthieu Ricard livre aussi son avis sur la mondialisation et donc sur cette société ultra-connectée. Pour lui, un bon moyen de prendre du recul et de se purifier de la dépendance numérique est de s’investir pour le bien commun.

"Il faut avoir le cœur pur et les mains dans le cambouis. J’ai décidé qu’il fallait aussi mettre la compassion en action" déclare-t-il, actif depuis 20 ans dans Karuna-Shechen, une ONG qui aide 350.000 personnes par an en Inde, au Népal, au Tibet, dans les secteurs de la santé et de l’éducation. "Le but est de se transformer pour être au service des autres. La meilleure formation pour mener une ONG est de commencer à éliminer la haine, l’animosité, l’obsession, la jalousie, l’orgueil. Si on dysfonctionne en permanence en essayant d’aider les autres, ça ira mal" conseille-t-il.

Matthieu Ricard paraphrase le journaliste Bruno Patino, auteur de La civilisation du poisson rouge et Tempête dans le bocal : "On est totalement l’esclave de tous ces réseaux sociaux et médias qui nous donnent une illusion de la connaissance".

Maintenant les gens s’imaginent qu’en 3 clics sur internet ils vont remplacer des années de formations, d’études, d’entraînements, notamment des chercheurs.

"Mon garagiste est formidable pour réparer les carburateurs, mais n’est pas un spécialiste pour traduire du tibétain ou me dire ce qu’il faut faire sur l’ARN messager" souligne-t-il.

L’altruisme pour s’en sortir au 21e siècle

Ses interventions signifient-elles qu’il faut changer de vie et devenir moine tibétain comme lui ? Matthieu Ricard adopte une vision plus large : "Tout le monde peut essayer peu à peu de devenir un meilleur être humain, homme ou femme et de mettre ses qualités au service des autres, à savoir le double accomplissement du bien d’autrui et de son bien propre". En résumé, il faut prendre le contrepied de l'individualisme :

Je crois que l’altruisme est notre seule porte de salut pour faire face aux défis du 21e siècle notamment la question de l’environnement, parce que c’est l’altruisme des générations à venir qui est le défi ultime.

© Nils Quintelier / Belga

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