Médicaments pour lutter contre le Covid-19 : avec l’arrivée du Paxlovid, la Belgique doit-elle continuer à miser sur le Molnupiravir ?

Du Paxlovid en cours de conditionnement dans une usine à Fribourg (Allemagne)

© AFP

Depuis vendredi dernier, le Paxlovid est disponible en Belgique. Si ce traitement anti-Covid, commercialisé par l’Américain Pfizer, n’est pas le seul médicament antiviral, il est actuellement le seul autorisé au sein de l’Union européenne par l’Agence européenne du médicament (EMA).

Or, la Belgique a investi dans un autre antiviral : le Molnupiravir (commercialisé sous le nom de Lagevrio), commercialisé par un autre groupe pharmaceutique américain : Merck & Co ou Merck Sharp and Dohma (MSD). Comme pour le Paxlovid, notre pays en a acheté 10.000 doses.

Malheureusement, les résultats prometteurs du début ont été suivis par des résultats moins positifs : cet antiviral permettrait de réduire de 30% seulement le risque d’hospitalisation et de décès pour les personnes à risque, contre 89% pour le Paxlovid.

Le Molnupiravir, une piste qu’il faut continuer à suivre ?

Malgré tout, et bien qu’il n’ait pas été autorisé par l’EMA, ce médicament est aujourd’hui utilisé en Belgique, de manière très encadrée et documentée, dans des maisons de repos et de soins lors de l’apparition d’un foyer épidémique.

Une étude clinique est également en cours dans notre pays depuis le 15 avril. Mais certains, comme l’immunologue de l’ULB Michel Goldman, se demandent quel est l’intérêt de maintenir cette étude "alors que la firme elle-même reconnaît que le médicament est moins efficace que ce qui avait été annoncé".

Mais pour Karin Rondia, la porte-parole de la Task Force Covid Therapeutics (qui encadre l’utilisation de ces médicaments contre le Covid-19), ce serait une erreur d’arrêter l’étude maintenant. D’autant qu’il s’agit "d’une toute petite étude" qui s’inscrit dans le cadre "d’une vaste étude anglaise" et dont les résultats sont attendus vers le début du mois de juin.

De plus, les derniers chiffres sont basés "sur une population qui n’est plus la même aujourd’hui" et que le variant a changé depuis et qu’il va encore muter : "On ne sait pas ce que l’avenir nous réserve", explique Karin Rondia. "Peut-être qu’on aura un variant sur lequel il sera actif et alors on dira : 'Oui, on l’a depuis un an, mais on ne l’a pas testé'. Il est là, on a la possibilité de l’utiliser".

Autrement dit, cela reste une arme "même si, pour l’instant, elle ne semble pas très convaincante. Mais pas comme, par exemple, l’Hydroxychloroquine où on a vraiment prouvé par A + B que cela ne marchait pas. Donc là, on peut se permettre de dire non. Mais pour le Molnupiravir, on ne sait pas encore tout, comme d’ailleurs le Camostat* qui est l’autre médicament dans cette même étude".

*Précisons que le Camostat est encore un autre médicament antiviral. Non reconnu par l’Union européenne, il est utilisé depuis une trentaine d’années au Japon et en Corée du Sud dans le traitement de la pancréatite chronique et de l’œsophagite de reflux postopératoire. Il semble aujourd’hui jouer un rôle dans la réduction de la contagiosité du Coronavirus.

Les populations ciblées sont très différentes

La porte-parole de la Task Force Covid Therapeutics précise également que "les populations ciblées sont très différentes".

Avec le Paxlovid, ce sont "les patients pour lesquels on est les plus démunis" qui sont visés, "les seuls qui sont véritablement à risque pour l’instant avec l’Omicron, qui sont les patients immunodéprimés, qui n’ont pas développé d’immunité après la vaccination".

"Tandis que le Molnupiravir, c’est pour traiter les petits clusters dans les maisons de repos. Et c’est une possibilité qu’on leur donne, c’est le médecin coordinateur qui décide. C’est toujours mieux que rien".

Un médicament moins risqué pour les personnes âgées

Car il faut le dire l’utilisation du Paxlovid chez les personnes âgées "est dangereuse", selon Karin Rondia. Avec cet antiviral, les interactions médicamenteuses sont nombreuses. Or, "les personnes âgées sont généralement polymédiquées et elles ont des comorbidités qui pourraient vraiment entrer en conflit avec le Paxlovid".

Ce qui n’est pas le cas avec le Molnupiravir : "Le Molnupiravir a l’avantage qu’il n’a pas de problème de toxicité, sauf chez les jeunes, il est mutagène. Raison pour laquelle il faut avoir plus de 40 ans pour se le voir administrer et ne pas être enceinte ou allaitante, par exemple".

L’antiviral est d’ailleurs "utilisé très couramment en Grande-Bretagne et en Amérique".

En attendant les nouveaux résultats, le Molnupiravir ne sera donc pas relégué aux oubliettes.

Un médicament préventif très attendu

D’ici là, un autre médicament est fort attendu : l’Evusheld, mis au point par le laboratoire suédo-britannique.

Ce médicament (des anticorps monoclonaux), à prendre de manière préventive, devrait permettre de protéger les personnes immunodéprimées, avant même qu’elles ne soient en contact le virus : "Cela va permettre de les protéger pendant plusieurs mois, du même genre que la protection assurée par les vaccins, mais des vaccins vis-à-vis desquels eux-mêmes sont incapables de répondre", explique l’immunologue de l’ULB, le professeur émérite Michel Goldman.

Il ne s'agit pas ici de comprimés à avaler, mais de deux injections intramusculaires à réaliser par un professionnel de la santé. 

En France, il est autorisé depuis le 18 mars dernier à tous les patients de 12 ans et plus qui pèsent plus de 40 kg. A condition aussi d'être immunodéprimés et faiblement ou non répondeurs à la vaccination. 

Mais reste que là aussi, le médicament pourrait avoir ses limites.

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