Mégafusion Monsanto/Bayer: l'alimentation de la Planète entre les mains de trois groupes mondiaux

Le 17 mai dernier des militants manifestaient lors de la "journée Mondiale" contre Monsanto.

© FABRICE COFFRINI - AFP

La Commission européenne enquête sur le rachat de Monsanto par Bayer. Elle craint que l’opération réduise la concurrence dans des activités déjà très concentrées dans l’agrochimie. L’acquisition de Monsanto par Bayer pour 66 milliards de dollars, annoncée il y a un an, créerait la plus importante entreprise intégrée au monde dans le secteur des pesticides et des semences. Hugues Falys, Agriculteur et Corinne Lepage, avocate, veulent mettre le monde en garde contre le plus dangereux des monopoles, puisqu'il concernerait toute l'alimentation de la communauté humaine.

Hugues Falys, également enseignant en agronomie dans l’enseignement supérieur et administrateur à la FUGEA, remarque dans son métier une concurrence exacerbée en aval de l’agriculture : "Les gens pour qui on produit sont déjà des gros groupes agro-industriels concentrés. Et cela tire nos prix de vente vers le bas. Ensuite, on constate qu’en amont de l’agriculture, nos fournisseurs d’intrants sont obligés de se concentrer. Au niveau de la concurrence, cela nous pose évidemment un problème."

Les Chinois peu regardant sur l’environnement

Mais l’aspect environnemental pose aussi un souci, explique Hugues Falys : "On constate par exemple, que l’Europe a laissé faire la fusion, et autorisé la reprise de Syngenta par les Chinois. Et l’on sait que ces derniers ne sont pas excessivement regardants en termes d’environnement. On trouve maintenant sur Internet des produits phyto, pesticides chinois, qui sont en vente libre en toute illégalité. Tout cela fait peur."

"On nous a vendu le Roundup comme  un désherbant écologique "

Et la crainte est identique dès que l’on évoque le nom de Monsanto: "On connaît bien tous les aspects environnementaux problématiques du Roundup et d’OGM de Monsanto. Ça fait des années qu’on sait, qu’ils ne sont pas très regardants. Quand j’étais étudiant, on nous a vendu le Roundup comme le désherbant écologique. Donc une entreprise qui est capable de cacher à ce point-là les problèmes, ça fait peur".

C’est pourquoi, ce son côté, Corinne Lepage avocate en droit de l’environnement, et ancienne ministre de l’Environnement sous Jacques Chirac, appelle à un veto européen à cette mégafusion: "J’avais lancé une pétition qui n’a pas eu un succès fou, soyons clairs, quelques milliers de signatures, pour demander précisément à la Commission de bloquer cette mégafusion, c’est insuffisant".

Mettre toutes les semences dans le même panier

Selon Corinne Lepage, il existe trois grands groupes dans le monde. En cas de fusion, Bayer/Monsanto, s’ajouterait à Syngenta et à un troisième groupe. Et cette situation serait, selon elle, extrêmement dangereuse. "C’est une menace non seulement pour le monde agricole qui, par définition, forme un grand nombre d’exploitations -même si de plus en plus de grandes exploitations se mettent en place-  et c’est une menace  pour la communauté des humains parce que cela veut dire que vous mettez les semences dans les mains de 3 grands groupes absolument colossaux. Cela revient à leur confier toute l’alimentation humaine."

Mopnsanto en quête d’une irresponsabilité de fait

Corinne Lepage ne craint pas d’évoquer ‘l’arme de la faim’. "C’est quelque chose d’extrêmement puissant. On ne comprendrait pas que l’Europe qui, à certains égards est tellement regardante sur la concurrence, laisse passer une mégafusion de cette ampleur."

L’avocate se demande si l’ambition de cette fusion n’est pas simplement d’éviter que la responsabilité de Monsanto doive inévitablement être mise en cause, dans les années qui viennent, pour le Roundup et pour un certain nombre d’autres produits, et que cette responsabilité soit rendue totalement impossible.

Et l’éthique de Monsanto?

Corinne Lepage fait allusion à ce qui a été appelé le Tribunal Monsanto qui s’est tenu à La Haye voici mois: "C’était un tribunal (informel ndlr.) composé de magistrats, mais qui s’est tenu à la demande de la société civile et qui a jugé la non-conformité du comportement de Monsanto par rapport aux règles de droit international public et privé. Qu’il s’agisse du droit à la liberté pour les agriculteurs, du droit à la recherche pour les scientifiques ou du droit à la santé et à l’environnement pour vous et moi. Par voie de conséquence, je pense que cette opération est une très mauvaise opération pour nous tous. "

"Aucun respect à l’égard de la communauté humaine"

Et joindre Monsanto semble mission impossible, ce que confirme Corinne Lepage: "On l’a bien vu pour le tribunal que nous avions fait. Nous leur avons envoyé un acte extra judiciaire pour qu’ils viennent s’expliquer. Et ils nous ont répondu dans une longue lettre pour nous faire comprendre que nous étions plus bas que terre, des fourmis. Que  nous n’existions pas. Mais sans aucune explication. Parce que Monsanto n’a pas une stratégie explicative et de respect vis-à-vis des autres membres de la communauté humaine. "

La Commission européenne devra montrer son indépendance

Que peut-on attendre de la nouvelle enquête approfondie de la Commission européenne? Une nouvelle fois, l’ancienne parlementaire européenne émet des doutes: "J’étais première vice-présidente de la Commission santé et environnement, CENCO, j’ai vu la manière de travailler, la puissance que pouvaient avoir les groupes agrochimiques à Bruxelles. Donc j’espère que la Commission pourra montrer son indépendance."

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma...Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Articles recommandés pour vous