Les Diables rouges vont tourner sous peu une grande page de leur histoire. L'équipe nationale, qui a titillé les sommets du football mondial va voir partir après cette coupe du monde certains de ses joueurs cadres, qui ont marqué l'histoire sportive de notre pays.
Petit coup d'oeil dans le retroviseur pour se remémorer les différentes étapes qui ont petit à petit ramené la fierté d'un peuple pour son équipe nationale. De Pékin à Saint-Pétersbourg, en passant par Salvador et Lille, retour sur les marqueurs d'une génération dorée, à laquelle il n'aura pas manqué grand chose pour décrocher un trophée.
La naissance d’un groupe
19 août 2008. L’équipe olympique belge s’incline en 1/2 finale du tournoi de football à Pékin. Ecrasée par le Nigéria (4-1), les têtes sont basses du côté belge après un parcours qui a alterné le moins bon (défaites contre le Brésil et le Nigéria) et l’exceptionnel (victoire à 10 contre 11 face à l’Italie en 1/4 de finale). Mais le plus important est ailleurs. Depuis plusieurs mois, les retours des centres de formation belges sont positifs. Une série de jeunes talents émerge et pour la première fois depuis plusieurs années, on aperçoit une éclaircie dans à travers le ciel sombre de l’équipe nationale, qui n’a pas réussi à se qualifier pour la dernière Coupe du monde, en 2006. Ces jeunes performent. Ils ont été jusqu'en 1/2 de l'Euro espoirs en 2007. Les piliers de la future génération des Diables sont là : Vincent Kompany, Thomas Vermaelen, Jan Vertonghen, Marouane Fellaini, Moussa Dembele. Des noms dont on va de plus en plus parler et qui vont, à côté d’autres, être incorporés petit à petit à l’équipe A.
C’est durant la phase qualificative pour l’Euro 2012 que le déclic va petit à petit se faire. D’équipe habituée à décevoir, la formation belge commence à croire en ses capacités. Elle ne se satisfait plus du moyen et vise l’excellence. La qualité est là. Des 5 noms précités s’en sont ajoutés d’autres : Toby Alderweireld, Eden Hazard, Steven Defour, Axel Witsel, Romelu Lukaku. Ils accompagnent l’ancienne garde Daniel Van Buyten et Timmy Simons.
Après une première partie de matches moyenne, la Belgique de Georges Leekens est encore en lice pour décrocher un ticket qualificatif mais se heurte, à sa dernière rencontre, au mur allemand, qui éteint les espoirs de qualification pour l’Euro, compétition pour laquelle la Belgique ne s’est plus qualifiée depuis 1984 (la participation en 2000 étant due à l’organisation du championnat dans notre pays).
La progression et le retour d’une fierté nationale
Marc Wilmots a remplacé Georges Leekens, démissionnaire en mai 2012 pour aller coacher le FC Bruges après avoir réalisé "90% du boulot". La Belgique ne fait plus rire personne en Europe. Les Diables réalisent un 26 sur 30 en poule qualificative pour la Coupe du Monde au Brésil. D’autres jeunes ont reçu leur chance au plus haut niveau comme Thibaut Courtois, Kevin De Bruyne, Nacer Chadli ou Dries Mertens.
L’engouement est immense en Belgique. Pour les derniers matches avant la validation pour le Brésil, le public belge accompagne ses joueurs jusqu’à l’étranger. L’aéroport de Glasgow est bondé pour accueillir l’avion des Diables le 5 septembre 2013. Les fans belges envahissent les rues écossaises. La fédération a bien senti ce regain d’attention et depuis plusieurs semaines teste son public en lui demandant de réaliser des défis multiples. L’effet est immédiat et rassembleur.
C’est officiellement le 11 octobre que la génération dorée obtient son ticket pour sa première grande compétition. Face à une équipe croate compacte et bien en place, un homme se met en évidence : Romelu Lukaku. L’attaquant place deux pions qui envoient la Belgique au Mondial. Une qualification que tout un pays attendait depuis 2002. Perdue dans les tréfonds du classement FIFA quelques années auparavant, la Belgique est désormais la 5e meilleure équipe du monde.
Les trois matches de groupe du Mondial offrent trois visages différents mais prouvent que le danger belge peut venir de partout.
Face à l’Algérie, c’est le banc belge qui apporte la solution via Marouane Fellaini et Dries Mertens. Face à la Russie, c’est un petit jeunot, Divock Origi (19 ans) qui débloque le verrou. Face à la Corée, c’est un cadre de l’équipe, le capitaine Jan Vertoghen qui permet à la Belgique d’afficher 3 matches et 3 victoires. Une première en Coupe du monde pour notre pays.
Pour la 1e fois depuis les années 80, la Belgique fait partie des 8 meilleures équipes du monde. Pour cela, il a fallu passer par les prolongations et deux buts de Kevin De Bruyne et Romelu Lukaku pour se défaire des Etats-Unis en 1/8e, malgré un exceptionnel Tim Howard.
La marche suivante était trop haute. En 1/4 de finale face à l’Argentine, un but à la 8e minute de jeu de Gonzalo Higuain démontre aux Belges qu’il faut encore progresser et être concentré à 110%, tout le temps. La réalisation de l’attaquant argentin est un peu inattendue mais elle sera la seule de la rencontre. L’Argentine se replie et les tentatives belges sont annihilées.
Mais au pays, la population est fière de son équipe nationale. L’avenir s’annonce radieux car la plupart des titulaires ont moins de 25 ans. Le bilan de cette Coupe du Monde 2014 est extrêmement positif.
L’envol
Les éliminatoires pour l’Euro 2016 sont couronnés de succès. Première place (dans un groupe avec le pays de Galles et la Bosnie-Herzégovine), 7 victoires, 2 partages et une défaite (face aux Gallois). La Belgique est tête de série pour le championnat d’Europe et pour la première fois de son histoire, elle trône sur la plus haute marche du classement FIFA. Une première place mondiale qu’elle va occuper plusieurs années.
A l’Euro, l’entrée en compétition refroidit complètement l’ardeur des supporters. 6 mois après les avoir battus en amical, les Italiens donnent une leçon de football aux Diables. Heureusement, une victoire enthousiasmante face à l’Irlande, avec notamment un exemple de contre-attaque venu des pieds d’Eden Hazard, et une victoire face à la Suède qualifient les Belges.
Le 1/8e de finale ne fait que confirmer le ressenti. 4-0. La Hongrie est complètement dépassée. Les Belges sont euphoriques. Tout fonctionne. Le parcours est ouvert. Le pays de Galles se profile en 1/4 de finale avant le Portugal en 1/2.
En 1/4 de finale, face au pays de Galles, Radja Nainggolan ouvre rapidement le score. Un deuxième scenario à la hongroise se profile mais la machine se dérègle et les Diables s’inclinent au final 1-3. La chute est lourde tant le pays croyait aux qualités de son équipe nationale. Les Belges rentrent la tête basse et la génération dorée connaît sa plus grosse désillusion.
Le rebond et la confirmation
Marc Wilmots est débarqué après la désillusion galloise. Roberto Martinez est nommé à la tête de l’équipe nationale. Il embarque avec lui Thierry Henry. La composition du staff prouve encore plus que la génération belge a du talent et que le gratin des entraîneurs souhaite travailler, façonner ces talents. Les qualifications pour le Mondial sont une formalité. Les Diables ne croisent plus de grands pays dans leurs matches officiels. Bilan : 9 victoires et un partage en 10 matches. Romelu Lukaku inscrit à lui seul 11 buts dans un groupe où se situe la Grèce, la Bosnie-Herzégovine, l’Estonie, Chypre et Gibraltar.
La Coupe du monde en Russie s’ouvre par 3 victoires pour les Belges. Le Panama (0-3) et la Tunisie (2-5) ne font pas le poids. La victoire face à l’Angleterre sur un but d’Adnan Januzaj donne la 1e place du groupe et promet aux Diables le parcours le plus ardu pour atteindre la finale.
Le Japon se dresse sur le chemin des hommes de Roberto Martinez en 1/8e de finale. Après une première mi-temps équilibrée, c’est la douche froide en début de deuxième période. Haraguchi (48') et Inui (52') font coup sur coup 2-0. Le spectre gallois refait surface et l’on pense de nouveau que la génération dorée va chuter face à un adversaire à sa portée.
C’est sans compter sur une volonté farouche des joueurs belges qui enclenchent un exceptionnel retournement de situation. Jan Vertonghen réduit l’écart à la 69e minute avant que Marouane Fellaini n’égalise (74'). Les arrêts de jeu vont produire un moment magique, que seul le sport peut apporter. A la 94e minute, une relance rapide de Kevin De Bruyne arrive à Thomas Meunier qui centre pour Romelu Lukaku, qui laisse passer le ballon entre ses jambes. Nacer Chadli est derrière et délivre tout un peuple.
9 secondes 94 centièmes, chrono en main : comme sur un 100 m de Usain Bolt. Le temps précis entre le moment où le cuir quitte le gant droit de Thibaut Courtois et, tout au bout de l’action, franchit la ligne du but nippon défendu par Kawashima. La Belgique se qualifie par le chas de l’aiguille mais a su montrer du caractère et remonter une situation bien mal embarquée. Place maintenant au Brésil.
Le Brésil c’est 5 titres de champion du monde et une star au sommet de son art : Neymar. Et les Belges vont réaliser le match parfait face l’armada sud-américaine. Tout d’abord dans la préparation du match. Roberto Martinez change sa tactique. Il passe à 4 défenseurs derrière et Romelu Lukaku est placé sur la droite de l’attaque belge. Une sorte de pointe décentrée pour profiter des espaces laissés dans son dos par un Marcelo trop offensif. Une tactique décidée en 20 minutes à l’entraînement avant match.
L’application des joueurs est parfaite. Vincent Kompany place un premier coup de boule à la 13e minute. Celui-ci est légèrement dévié et trompe Alisson (13'). Un peu moins de 20 minutes plus tard, Kevin De Bruyne double la mise en contre (31'). Les assauts brésiliens se multiplient. Renato Augusto réduit le score mais Thibaut Courtois sort le grand jeu en fin de match.
La Belgique se qualifie pour les 1/2 finales en réalisant l’un des plus grands exploits de son histoire. La France se dresse devant elle.
Le match de 1/2 finale est complètement différent, beaucoup plus fermé. La tactique qui a fonctionné face au Brésil est reconduite mais la France de Didier Deschamps gère parfaitement la domination belge. Le match est frustrant pour toute une nation. Le coup de tête de Samuel Umtiti (51') met fin aux espoirs de titre des Belges. Les regrets sont immenses. Les Diables atténueront d’un rien ce sentiment en décrochant la 3e place face à l’Angleterre.
Mais la Belgique est fière de ses joueurs. Le retour au pays des Diables est triomphal. Une marée humaine accompagne le bus des joueurs jusqu’à la Grand-place de Bruxelles. La communion est totale entre le public et les joueurs. Un petit pays de 11 millions d’habitants a fait chuter le Brésil et a rivalisé avec le grand frère français, finalement titré.
La fin d’une ère
Certains cadres vont petit-à-petit annoncer leur retraite internationale. Vincent Kompany, Moussa Dembele ou Marouane Fellaini, entre autres, font un pas de côté. Le reste du groupe, logiquement, vieillit. Cela fait maintenant 10 ans que le cœur de l'équipe nationale est le même. Les records de sélections tombent, celui des buts inscrits aussi. Preuve de la longévité du groupe.
Directement après la Coupe du monde, les médaillés de bronze sont surpris par la Suisse et ratent leur qualification pour le final four de la Nations League. Un match pourtant à leur portée mais les Belges s'inclinent 5-2.
L'Euro 2020, joué en 2021, annonce ce chant du cygne. La Belgique est toujours pointée parmi les favoris, mais l'âge de son noyau est désormais pointé par les observateurs. Cela n'empêche l'équipe nationale de continuer à apporter des joies à ses fans. Après une phase de groupe maitrisée, les Diables se défont du Portugal, champion d'Europe en titre.
Un maitre tir de Thorgan Hazard, suivi d'une défense hargneuse, qualifie les hommes de Roberto Martinez pur les 1/4 de finale, où ils chuteront face à l'Italie (2-1), future lauréate.
La Nations League qui suit quelques mois plus tard montre le plafond de verre de cette génération dorée. Qualifiée pour le tour final, elle s'incline face à la France en 1/2 finale malgré une première période exceptionnelle. Le match pour la 3e place est lui aussi perdu, face à l'Italie (2-1).
La Coupe du monde 2022 marque la fin de l'âge d'or. Le bilan est famélique : une élimination en phase de groupe. Une seule victoire, contre le Canada qui a largement malmené les Diables rouges. Une défaite méritée face au Maroc. Seul le dernier match, face à la Croatie était réellement au niveau mais s'est soldé par un partage insuffisant pour passer au stade éliminatoire. Le Qatar marque la fin de la collaboration avec Roberto Martinez.
Merci!
Même sans titre, ce groupe des Diables a effectué des miracles. Il a redonné vie à une équipe nationale moribonde depuis plusieurs années et a ramené la fierté de supporter son équipe, là où les stades étaient presque vides dans les années 2000.
Certes, aucun trophée ne vient ponctuer cette génération dorée mais pendant 10 ans, la Belgique a été placée au centre du monde du football. Une "anomalie" pour un petit pays comme le notre entouré de machines à gagner, de formations habituées à truster les sommets. Un parcours qui mérite bien mieux que la mention dans ces moments où une page se tourne. Où certains indéboulonnables vont passer la main à une nouvelle génération. Qui espérons-le, ira elle aussi titiller les records de ses ainés.