On sait combien la musique, composée par Paul Dessau, est fondamentale dans la pièce. Elle rythme les pas de l’héroïne et commente l’action. Là aussi, Christine Delmotte-Weber a choisi un compromis astucieux : puissantes et très modernes, les mélodies demeurent, mais les arrangements ont été confiés à Pierre Slinckx. Entre rock et électro, ils apportent une touche actuelle qui séduira le public jeune. Comédienne et chanteuse, Daphné D’Heur campe une Mère Courage débordante de vigueur et de gouaille, fière de sa liberté, roublarde aussi, et qui continue jusqu’au bout à courir les champs de bataille pour y exercer son commerce. Elle est entourée d’excellents acteurs qui contribuent à insuffler à l’ensemble un rythme et un dynamisme neufs en regard de l’œuvre originale.
Dans la vision qu’en donnent Christine Delmotte-Weber et son équipe, la pièce de Brecht n’a rien perdu de sa pertinence et de sa charge critique. Elle reste, aujourd’hui encore, un brûlot contre l’horreur de la guerre, de toutes les guerres. Si celle de Trente Ans a éclaté pour des motifs religieux, on sait qu’elle est devenue par la suite une lutte de pouvoir entre les grandes puissances européennes. Mère Courage en fera elle-même les frais. La guerre la fait vivre, mais elle lui ravira ses deux fils. Par son commerce, elle dépend du cycle perpétuel des guerres et le nourrit en même temps, à l’instar des marchands d’armes aujourd’hui. Elle incarne aussi la figure du pauvre, du faible, à la merci des puissants, et obligé, pour survivre, de subir le pire des destins.