"La pandémie n'a pas eu raison de notre enthousiasme": la Fête des morts bat son plein et marque le retour à la vie normale au Mexique après avoir été suspendue en 2020 pour cause de Covid-19, qui a entraîné une mortalité-record.
A Santa Cruz Atizapan, près de Mexico, Antonio Briseño, 35 ans, dresse un petit autel pour la Toussaint, célébrée avec ferveur au carrefour des croyances chrétiennes et des rituels indigènes.
Le jeune homme a posé les photos de sa mère, sa grand-mère et sa belle-mère au milieu des offrandes faites aux défuntes: fruits, haricots, "pan de muerto" (brioche saupoudrée de sucre à la fleur d'oranger), sans oublier les inévitables têtes de morts multicolores.
Antonio a dispersé à même le sol des pétales orangés de "cempasuchil" - fleur mexicaine emblématique qui donne sa couleur à la Fête des morts - pour dessiner une allée jusqu'à l'autel afin de guider les esprits.
Ville la plus touchée par le Covid
La Fête des morts prend un relief particulier à Atizapan. La petite bourgade du grand Mexico est la ville du pays la plus frappée en proportion par le Covid-19, avec 303 morts pour 12.894 habitants, selon l'Université autonome du Mexique (UNAM).
Ces cadeaux honorent l'âme des morts qui reviennent visiter les vivants dans la nuit du 1er au 2 novembre, selon la tradition. "Nous les attendons avec beaucoup de tendresse et de respect", résume Antonio, dont la belle-mère est morte pendant la pandémie.
"C'était horrible", se souvient Sandra Jiménez, 64 ans, selon qui le toscin du clocher de l'église suscitait une telle panique chez les habitants qu'ils l'ont fait taire.
Sandra a perdu deux de ses soeurs, Estela, 76 ans, en juin 2020 et Maria Luisa, 74 ans, en décembre 2020. Estela est morte dans ses bras faute d'oxygène en quantité suffisante, sur le chemin de la clinique. "Je lui ai fait un bouche à bouche", se souvient Sandra, en s'occupant des tombes de la famille au cimetière du coin.
"On enterrait même la nuit"
Atizapan ne dispose que d'un hôpital et de nombreux patients ont dû être transférés à une heure de distance. "Les gens bloquaient le passage des ambulances pour faire monter leurs proches qui étaient moribonds, en menaçant de nous agresser", se souvient un jeune infirmier de 27 ans, en préférant taire son nom.
"Il y avait deux ou trois morts par jour. On enterrait même la nuit", selon le responsable du cimetière, Freddy Gonzalez. "Mais tout est plus tranquille. Maintenant, ce sont deux ou trois morts par mois", ajoute le jeune homme de 29 ans.