Après quelques années d’absence, MHD est revenu, le 15 juillet 2021, avec un nouvel album intitulé " Mansa ". Le troisième projet du prince de l’Afro Trap. Itinéraire d’un artiste du Paris centre au destin en dents de scie.
Mohamed Sylla de son vrai nom, nait le 10 septembre 1994 à La Roche-sur-Yon, en Vendée. Une commune du Centre-Ouest de la France qu’il quitte pour s’installer à Paris durant son jeune âge. En effet, ses parents décident d’emménager dans la capitale française. D’abord installés dans le 20e arrondissement, ils déménagent ensuite à Porte de la Chapelle (18e). C’est à l’âge de 15 ans que MHD trouve un pied-à-terre définitif dans le 19e à La Cite Rouge, là où tout commence pour lui et sa musique.
De la Trap à l’Afro Trap
Durant son enfance, le petit Mohamed patauge pendant le cursus scolaire. MHD a la tête ailleurs. Il se détache petit-à-petit de la voie classique, la tête dans les nuages. Passé par le football également, il manque de discipline et n’est pas régulier aux entraînements. En recherche de sa voie, il finit par se spécialiser dans la restauration.
En parallèle, MHD évolue dans sa vie et absorbe les influences de son environnement : la musique traditionnelle au sein du cocon familial le berce avec des artistes tels que Espoir de Coronthie ou encore Tanaka Zion (artistes guinéens). Dehors, MHD rencontre un groupe de copains avec lesquels il découvre le rap et rejoint le groupe du quartier : 19 Réseaux. Il trappe comme l’exige l’époque puisque le courant est en pleine expansion. Un mouvement qui se place en haut des charts depuis quelques années. Cependant, l’année 2015 symbolise un renouveau dans le rap français : la Trap bête et brutale fait son tour de manège et le public se lasse petit à petit. Une opportunité pour une flopée d’artistes qui émergent cette année…dont MHD par un coup du hasard.
Un voyage avec ses potes à Montpellier change la donne et forge définitivement sa direction artistique. Pour s’amuser, il décide de rapper sur une boucle instrumentale du morceau de P Square, " Shekini ". MHD filme sa prestation avec son téléphone portable et là publie sur Facebook. L’histoire du prince de l’afro-trap commence.
Quelques heures plus tard, MHD découvre les statistiques : plus de 2000 partages de son freestyle. Les premiers balbutiements de son art sont palpables. L’afro Trap est né. Au micro de la radio Mouv’, MHD explique l’essence du courant : " Pour moi, c’est un mélange de sonorités africaines et de textes de rap. J’ai fait le mélange des deux et c’est ce qui a donné l’Afro Trap ". Bien entendu, ce genre de cocktail a déjà été expérimenté notamment par l’énorme tube de Gims et Niska, " Sapés comme jamais ". Cependant, MHD estampille ces atmosphères sonores par le mot " Afro Trap " et, par conséquent, érige les fondations d’un courant.
Enchaîner et perdurer
Suite au succès de cet extrait, le rappeur ne tarde pas et perpétue sa série des Afro Trap. Cinq morceaux sont dévoilés, un à un, bouleversent la vie du livreur de pizza. MHD devient l’artiste le plus convoité du moment que ce soit par le public, les maisons de disques et les artistes.
Pour MHD son succès est un imprévu certes, mais reste tout-à-fait compréhensible à une époque où la trap inonde le marché et commence à lasser les auditeurs : " Les gens attendaient une personne qui allait arriver avec son propre délire ", raconte MHD au micro de Yard. Il fait partie de ces artistes qui sont arrivés, en 2015, avec leurs propres univers tels que SCH, Jul ou PNL. MHD s’impose comme THE rappeur Afro Trap et démocratise encore davantage ce genre de musique en créant un nom et un courant.
Sa technique est simple, il continue d’écrire sur des instru trap et insère le texte, ensuite, sur un beat afro. " Si j’écris sur une instrumentale afro directement, je vais rester dans le délire trop mignon. Il n’y aura plus de délire trap, ce sera que de l’afro ", explique l’artiste à Yard en 2016. Petit à petit, MHD se trouve et enfonce le clou pour débuter son aventure musicale à succès.
En 2016, son premier projet " MHD " voit le jour. Le succès est directement au rendez-vous et le projet propulse MHD au devant de la scène. Après avoir écumé les premières parties de Booba au Zénith de Paris notamment, MHD enchaîne ses propres dates suite à la popularité de son art. Un double disque de platine plus tard, le monde lui fait les yeux doux. A l’aube de son second album " 19 ", MHD est invité à rapper aux quatre coins du monde dont au festival Coachella en 2018. Par ailleurs, c’est le premier rappeur français à faire partie de cet évènement. De plus, MHD étend ses tentacules et débarque au cinéma dans un rôle important dans l’excellent film " Mon frère " de Julien Abraham. Tout lui sourit, mais la vie finit par le rattraper et freiner son ascension fulgurante.
Case prison
En juillet 2018, un événement tragique vient bouleverser son existence. Les mois qui suivent sont drapés de silence sur les réseaux sociaux. Pourtant, une publication arrive comme un pavé dans la mare : MHD a des envies d’ailleurs juste avant la sortie de son second album " 19 ". " Plus envie de rien, plus envie de musique. Je pense bien arrêter après cet album, cette vie n’est pas la mienne ", confie MHD sur son compte Instagram. Tout s'enchaîne très vite et le monde entier découvre la partie cachée de l’iceberg. On soupçonne l’artiste d’être impliqué dans une sordide histoire de meurtre : une expédition punitive collective dans le 10e arrondissement qui cause la mort de Loïc Kamtchouang, 23 ans, dans laquelle MHD aurait été impliqué. Pour rappel, Loïc a été percuté à vive allure par une berline noire mat qui appartiendrait au rappeur MHD. Ensuite, une horde de jeunes s’acharnent sur le corps du jeune homme. 22 plaies par arme blanche sont constatées sur le corps inerte du jeune homme qui meurt dans cet acharnement. Après six mois d’enquête, la justice révèle que 10 personnes sont impliquées…dont MHD. Le 17 janvier 2019, le rappeur est mis en examen pour homicide volontaire et écroué.
Depuis ce jour, MHD a été placé en détention provisoire en attendant son procès. Un an et demi plus tard, le 16 juillet 2020, l’artiste est libéré sous contrôle judiciaire suite à l’expiration de la validité de son mandat de dépôt. "Pour éteindre toute fausse information, je confirme que la cour d’appel a enfin accepté ma mise en liberté. Je ne m'exprimerai pas sur le dossier et continuerai à me battre pour démontrer mon innocence", avait alors tweeté MHD.
Mansa, le troisième album
Un an après sa sortie de prison, MHD dévoile son nouvel et troisième album " Mansa " (trad. Roi). Un projet de 15 titres dont trois featurings (avec Tiakola, Naira Marley et Adekunle Gold). Même si " Mansa " se range dans la lignée de sa musique, ce troisième est teinté d’émotions tranchées : de la déception, de la maturité, de la tristesse mais aussi une forme d’espoir. MHD se livre et peine à retrouver la joie d’antan : " C’est pas le disque d’or qui va me redonner le sourire " (Afro Trap 11). Il revient également sur son passage en prison à plusieurs reprises : " Je me retrouve dans un 8 mètres carrés, j’étais pas préparé. Du dépôt aux arrivants wAllah que c’est pas carré " (Elle).
" Mansa " est un album qui trouve l’équilibre parfait entre balades aux sonorités afro et textes mélancoliques et personnels. Un album d'un homme devenu solitaire qui vomit sa solitude et ses déceptions en attendant un nouveau cycle lumineux. " Mansa " est clôturé par un morceau fleuve " 9min ". MHD laisse de côté son costume de troubadour pour se livrer à nu durant neuf minutes. Mention spéciale pour les morceaux Petit coeur, Elle, Tudo Bem et Thieba et Pololo en featuring avec Tiakola.
Pour sa première semaine d’exploitation, l’album s’est écoulé à 6500 exemplaires. Un retour convaincant pour celui qui a connu un coup d’arrêt brutal en 2019.
Nikita Imambajev
