Cinéma

Michael Haneke revient avec "Happy End", un condensé de son oeuvre

Jean-Louis Trintignant, Isabelle Huppert et Michael Haneke à Cannes en mai 2017

© VALERY HACHE - AFP

La bourgeoisie déshumanisée, la famille qui implose, la vieillesse naufragée et tout autour, la mort : "Happy End", porté par un immense Jean-Louis Trintignant, est un condensé de l'oeuvre du réalisateur Michael Haneke, en salles mercredi.

Après avoir glané deux Palmes d'or au cours de sa carrière pour ses précédents longs métrages, "Le ruban blanc" (2009) et "Amour" (2012), l'Autrichien de 75 ans pénètre cette fois l'intimité d'une grande famille bourgeoise qui vit à Calais, dans le nord de la France.

Sous un même toit sont réunis Georges, le grand-père faussement sénile et véritablement suicidaire (Trintignant), Anne, sa fille, qui gère d'une main de fer les affaires de la famille (Isabelle Huppert), Thomas, son fils médecin, incapable d'émotions (Mathieu Kassovitz, nouveau venu dans l'univers du cinéaste).

L'arrivée dans ce microcosme sclérosé d'Eve (glaçante Fantine Harduin), la fille de Thomas qu'il n'a pas vue depuis des années et recueille, à présent que la mère est gravement malade, est l'élément perturbateur de ce calme trop apparent.

"Happy End" n'a pas fait l'unanimité à Cannes, où il a été présenté en compétition et aurait pu rapporter une troisième Palme d'or à son réalisateur. La réception par les médias a oscillé entre des "Haneke à son meilleur" et des "Haneke en mode mineur".

De l'aveu du réalisateur, "le film est un instantané d'une famille bourgeoise européenne".

"J'ai une vision de la famille qui n'est pas désespérée, mais réaliste", a-t-il confié à Cannes.

Humour à froid

"Une espèce d'autarcie affective rend ses membres aveugles et sourds au monde qui les entoure", a pour sa part estimé Isabelle Huppert. Notamment celui des ouvriers et des migrants, qui font quelques incursions dans leur univers glacé.

Déconcertant dans ses deux tiers, "Happy End" grandit d'un coup dans sa dernière partie. D'abord par l'intensité d'une scène dialoguée entre cette préadolescente et ce grand-père que tout oppose mais que la mort rapproche. Ensuite, par la séquence finale dérangeante, qui donne tout son sens au titre du film.

"Une violence sourde se dégage de ces rapports familiaux", souligne Huppert, qui a tourné pour la quatrième fois sous la direction de l'Autrichien.

A la manière de Claude Chabrol, autre cinéaste de la bourgeoisie avec lequel a beaucoup tourné l'actrice, Haneke manie aussi un humour à froid, ce qui ne lui était plus arrivé depuis "Funny Games" (1992). Mais il y ajoute une bonne dose de désespoir, dans une mise en scène sèche qui impose la distance.

De la même façon, l'Autrichien revisite dans cet opus d'autres thèmes récurrents, comme les névroses de la sexualité ("La pianiste"), le racisme latent ("Caché") ou encore la distorsion du réel par les écrans ("Benny's Vidéo"), comme l'annonce l'affiche du film.

Il se permet même de faire référence à son précédent film, "Amour", dans lequel le personnage de Georges, déjà incarné par Trintignant, aidait sa femme à mourir. Quelques années plus tard, on retrouve l'octogénaire, lui-même accablé par le poids d'une vie qui ne vaut plus la peine d'être vécue.

 

"Happy End" sort en Belgique le 11 octobre prochain.

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