Malgré sa pancarte dans le dos de "plus gros transfert entrant de l’histoire du Great Old", malgré ses galères avec Sclessin, il n’a pas perdu son légendaire sourire. Il évoque le racisme, Radja Nainggolan, l’ADN rouche, Stephen Curry, la finition, la CAN, les clauses de buts marqués et l’Union St-Gilloise. Mais aussi Charles De Ketelaere, les statistiques, Didier Frenay, la lutte pour le titre, Paul Onuachu, le Classico, David Beckham, la loi de 1978 et Michael Frey. Et bien sûr… la Chapelle Sixtine. Michel-Ange Balikwisha passe "Sur Le Gril".
Il déboule en mode " cool-à l’aise ", grand sourire et high five poing serré façon Covid, au 3e étage du Bosuil. Avec vue imprenable sur le pitch qui accueillera Charleroi, ce dimanche, pour la reprise en Pro-League.
" Michel-Ange ? Oui, c’est mon prénom… et je l’adore ! " sourit Michel-Ange ‘Mickey’ Balikwisha. " C’est ma grand-mère qui a demandé qu’on m’appelle comme ça, en hommage à son propre père : c’était un homme fort… et moi aussi, je veux être un homme fort ! (clin d’œil) Le sculpteur ? Le peintre ? La Chapelle Sixtine ? (Il marque une hésitation, sans manifestement saisir la référence) Euh… non, rien à voir. Vous savez, moi et l’art, ça fait deux… (Il éclate de rire) On me chambrait aussi souvent avec ‘Michelangelo’, l’une des tortues Ninja… Faut dire que des surnoms, j’en ai collectionnés… ‘Beckham’ notamment : parce que j’aime être libre et que sur le terrain, je suis un peu le joueur qui s’en fout (sic) et qui veut s’amuser… David Beckham, c’était une légende : fallait pas lui dire ce qu’il devait faire sur un terrain ! (clin d’œil) Mais attention : si le coach me dit de jouer en deux touches, je le fais ! J’applique les consignes, je ne pose aucun problème dans un vestiaire : je ne fais pas la superstar, loin de là, ce n’est pas moi, ça ! Mais c’est vrai qu’à choisir, je préfère recevoir de la liberté et qu’on me laisse m’amuser… Car après, mon niveau de jeu va augmenter, et toute l’équipe en bénéficiera. J’attaque, je défends, je bouge, je demande la balle : c’est ça qui fait ma force. "
" Nos concurrents pour le titre ? Anderlecht et Gand ! "
A 20 ans à peine, et après une blessure tenace en début d’exercice, Balikwisha a retrouvé du niveau et du temps de jeu, au sein d’une équipe qui, ouvertement, clame ses ambitions pour le titre.
" Ce serait mon plus beau rêve… et on peut le faire ! On fait bien tourner la balle, mais parfois, c’est vrai, on montre trop de confiance et d’assurance, comme contre le Standard ou à Saint-Trond… et on se fait avoir. Comme concurrents pour le titre, je vois surtout Anderlecht, qui revient bien, et La Gantoise, qui est revenue de nulle part. Le Club Bruges ? Moins : c’est une équipe qui connaît des relâchements et qu’on peut surprendre en cours de match. L’Union Saint-Gilloise ? Je trouve leur parcours très sympa, il me fait penser à Leicester… et je suis choqué ! (sic) Mais je ne pense pas qu’ils iront au bout… même si je leur souhaite évidemment ! "
Le vestiaire anversois compte son lot de grosses personnalités. Parmi elles, l’incontournable Radja Nainggolan…
" Ah oui, le Ninja, la classe ! Il est toujours bien sapé (sourire) et… il va droit au but. Il peut vous dire que vous avez été nul, c’est devant tout le monde et droit dans les yeux : parfois, c’est exagéré... Mais il est comme ça : on le connaît… et quand il parle, je me tais et j’écoute ! Il nous a montré ses tatouages, à nous les jeunes, lors du stage la semaine passée : il en a partout. Moi, si j’en fais un jour, ce sera avec les dates de mes parents… mais juste un : je ne veux pas m’abîmer la peau ! " (clin d’œil)
" Je ne suis pas Dieu, je ne suis que Michel-Ange… "
Une saison-canon… et puis s’en va : pour sa toute première année professionnelle, Mickey avait aligné les buts (9) et les assists (2) pour le Standard de Philippe Montanier, puis Mbaye Leye. Convoité par le Club Bruges, il a choisi la Métropole où une blessure l’a freiné les premiers mois.
" Personnellement, je veux être l’homme du second tour : obligé ! (sic) Pour la première partie de saison, je me donne une cote de 5 sur 10… mais maintenant, je veux montrer qui je suis ! L’Antwerp a payé beaucoup d’argent pour moi (NDLA : 6 millions d’euros, transfert-record de l’histoire du Matricule 1) et je veux en être digne… même si au début, c’était lourd à porter car des joueurs comme Refaelov et Mbokani ont quand même joué ici ! Je veux marquer 25 buts… mais c’est plus un challenge de motivation qu’une véritable cible : je ne suis pas Dieu, je ne suis que Michel-Ange… (sic) Et donc si je marque 10 buts et que je donne 10-12 assists, j’aurai été 22 fois décisif… et c’est bien aussi ! Je n’ai pas perdu mon sens de la finition, mais je dois retrouver tous mes réglages : parfois, je dois aussi être plus agressif dans le dernier geste et plus penser à moi. Mais non, je n’ai pas demandé de prime dans mon contrat au prorata des buts marqués : je laisse ça à de vrais 9 comme Michael Frey, Deniz Undav ou Paul Onuachu. " (sourire).
" Sclessin qui me siffle, ça m’a choqué… "
L’été dernier 2021 reste marqué par son bras de fer avec son club formateur rouche… qui voulait pousser le joueur vers le Club Bruges, auteur d’une offre à 7 millions d’euros.
" J’ai de la personnalité, je sais ce que je veux et je ne me laisserai jamais marcher sur les pieds… mais je vais le dire poliment car je suis bien éduqué. Je suis respectueux et très gentil (sic), sûrement pas arrogant comme certains ont essayé de le faire croire quand on a parlé d’activer la Loi de 78. On a dit : ‘Ce gamin fait n’importe quoi, il se prend pour qui ?’ Je n’ai jamais fait n’importe quoi : on a parlé avec le Standard… mais il a tout refusé. Je sais que mon agent Didier Frenay a déjà été mis en garde à vue, mais je lui ai déjà dit d’être moins gentil : après, vous vous faites tirer dans le dos… Ca m’a fait mal de me faire siffler lors de mon retour à Sclessin… Même à Charleroi, l’ennemi juré, ils m’insultaient et je me suis dit ‘Mais où on va comme ça ?’ Moi, les insultes, je m’en fous, mais c’est pour ma famille, qui est tout pour moi… Parfois, j’ai eu envie de répondre sur les réseaux sociaux… puis je me suis dit que ça se retournerait contre moi et que ça pouvait bousiller ma carrière. Aujourd’hui, la page est tournée. Mais c’est choquant : pendant des années, vous donnez tout pour votre club, vous terminez les matches à terre tellement vous êtes vidé… et au final, on vous insulte ! Quand on aime un joueur, il faut continuer à l’aimer toute sa carrière car partout où il va, il donne tout pour son équipe, même si le maillot change... Mais apparemment, on est des marchandises… C’est le football qui est comme ça. "
" Je me fous de l’argent… "
Passé au Great Old… mais toujours sous maillot rouge, Balikwisha avait buté face au Standard lors du match retour… avant que le score ne s’inverse. Exhibant un t-shirt rageur en l’honneur de son grand frère.
" J’avais mis ‘Libérez William’ car au Standard, ils le bloquent en Réserves… mais sans lui donner du temps de jeu. J’ai l’impression qu’ils lui font payer la note de mon départ. Alors que si vous faites jouer des jeunes, vous faites monter leur valeur, vous les revendez cher et vous remplissez vos caisses… ou vous payez vos dettes. Je ne comprends pas ce raisonnement : ce n’est pas avec des vieux joueurs que vous allez gagner de l’argent… Et les jeunes, si vous les bloquez en Réserves, vous ne gagnez rien du tout. Mais soit : moi, je m’en fous de l’argent (sic), je joue pour avoir du plaisir et en donner. On me demande des tickets, j’en donne si je peux faire plaisir. Je suis allé rendre visite à un supporter de l’Antwerp hospitalisé pour un cancer : ça m’a profondément touché de voir son attachement à son club et ce que nous, joueurs, on représentait pour lui. Je suis revenu au club un jour de congé pour lui ramener un maillot dédicacé. Je ne me vante pas, je suis comme ça : si je peux faire plaisir, je le fais… et l’argent ne me changera pas. Jamais ! Il ne faut pas oublier d’où on vient et il faut toujours rendre la monnaie… même si on ne te la demande pas ! " (sic)
" Le Classico, c’est la bagarre… "
Dimanche après-midi, après le duel entre l’Antwerp et Charleroi, le Classico Anderlecht-Standard fera en tout cas… au moins un spectateur attentif.
" Je vais suivre ce match avec intérêt, car un Classico, c’est toujours chaud. Le Standard est très bas au classement, et ça me fait mal car le noyau vaut beaucoup mieux que ça. Ces joueurs, avec les qualités qu'ils ont, c'est impossible qu'ils soient là ! Mais ils ne vont pas descendre, il reste encore beaucoup de matches : je les vois même aux Play-Offs 2 ! Mais c’est un problème de continuité, typique à Liège : dès qu’on gagnait un grand match, on faisait la fête… puis au prochain match, on se plantait ! Même chez les jeunes, le Classico était comme une guerre… et pas que de prestige : on voyait de la bagarre et des tacles bien agressifs, surtout du côté du Standard. Aujourd’hui, les deux formations se sont rapprochées : avant, Anderlecht c’était le passing et la possession, tandis que le Standard c’était plus athlétique et plus… de musculation, on va dire. Moi, comme j’ai connu les deux maisons, j’ai les deux ! " (clin d’œil)
" Je peux jouer à tous les postes… "
Car oui : avant de rejoindre l’Académie rouche en compagnie de son frère William, de deux ans son aîné, Michel-Ange avait porté le maillot mauve en équipes de jeunes.
" J’avais 7 ans : j’accompagnais mon père au test de mon frère. On faisait des passes au bord du terrain… et le Directeur nous a dit : ‘Le petit frère, là, on le veut aussi !’ Au départ, ma mère ne voulait pas car on n’avait pas l’argent pour payer les deux cotisations… Mais Anderlecht nous a dit qu’il prenait tout en charge, alors on a rejoint Neerpede. Plus tard, quand le Standard s’est manifesté, ma mère ne voulait pas qu’on y aille… car le jeu y était trop engagé : ça taclait de partout ! On y est allés quatre ans après. J’ai même marqué pour le Standard dans des Classico de jeunes. Mais aujourd’hui, je n’ai pas de club de cœur : je préfère ne pas en avoir… sinon je vais avoir des problèmes. (sourire) Mais c’est là que j’ai tout appris tactiquement : on m’a fait jouer partout… sauf gardien. J’étais attaquant, puis un jour on m’a mis au back pour un match contre Brian Limbombe, le frère d’Anthony, car il courait vite… et moi aussi. Puis j’ai fait défenseur central, back gauche, 6, 8, 7, 11… Le coach Brian Priske m’a déjà fait jouer en 8 en Coupe, mais je ne lui ai pas dit que je savais jouer partout… car je veux rester à mon poste offensif ! " (rire)
" Pour l’instant, je ne suis... personne "
Grand fan de basket (" Si je n’étais pas footballeur, je me verrais bien basketteur… et shooteur à 3 points, comme Stephen Curry ! ") et amateur de… promenades en bateau (" En vacances, je vais à Monaco chez mon agent qui possède un bateau et on va plonger dans la mer, j’adore ça… "), Balikwisha a franchi tous les étages des Diablotins et fait partie du noyau qualifié pour le prochain Euro Espoirs.
" On a une fameuse génération 2001, avec Charles De Ketelaere, Adama Onana, Yari Verschaeren et mon pote Nicolas Raskin : on va faire de grandes choses dans le futur. Imiter les Diables Rouges ? Je ne me projette pas si loin, car si je le fais et que j’échoue, je serai détruit mentalement. Je vis au jour le jour... d’autant que pour l’instant, je ne suis personne ! Je suis d’origine congolaise mais j’ai fait toutes mes classes ici, donc ma priorité va à la Belgique. Mais je regarde aussi la CAN même si le Congo n’est pas qualifié : c’est un peu notre Coupe du Monde à nous ! Il s’y passe des trucs incroyables : cet arbitre qui arrête deux fois le match trop tôt, cet hymne national mauritanien qu’on ne retrouve pas… Moi ça me fait marrer, mais ça va encore donner une image bordélique (sic) de l’Afrique… Les clichés sont tenaces : quand Paul Onuachu dit à la cérémonie du Soulier d’Or que l’Africain doit travailler trois fois plus qu’un autre pour être reconnu, il a raison. Samuel Eto’o ne dit pas autre chose. A l’Antwerp, j’ai été très bien accueilli, mais ailleurs, j’ai déjà ressenti ça… Le racisme invisible, ça existe... Mais un jour, tout cela changera : il faut continuer à porter ce message… "