Bouli m’a expliqué que vous et les acteurs britanniques posiez des milliers de questions concernant leur personnage, et il devait connaître la biographie complète de ces rôles. Quelles étaient les questions que vous vouliez poser à Bouli, quelle était la clef de ce personnage ?
Michelle Fairley : Parfois, vous avez envie de garder cela privé parce que la nature de Millie est très discrète, mais l’idée était d’écouter beaucoup Bouli, parce que Bouli adore l’Ecosse, en particulier les îles de Lewis et Harris, et il adore cet environnement. Et en l’écoutant parler de cet environnement, de ce qu’il aime chez les gens qui habitent là, de ce qui le fascine là-bas, l’omniprésence de la religion, le fait qu’il y ait tellement d’églises, il ne pouvait pas comprendre cela. Et les plages, alors que la religion est basée sur la répression, vous avez ces gigantesques plages, si larges, et vous avez la mer, la terre, et le ciel, et la liberté ! Mais ces gens ne sont pas libres du tout ! Le contraste et l’opposition de ces éléments, créent des personnalités très spéciales. Un insulaire est quelqu’un de très différent de celui qui habite sur une grande surface de terre : soit vous avez envie de partir, soit vous n’avez qu’une envie, celle de rester. Et pour Millie, il y a un déchirement, il y a une part d’elle qui n’a pas le courage d’aller nulle part ailleurs et l’autre part lui crie : va-t’en d’ici ! Emotionnellement, j’avais envie de reconstruire son passé et j’en ai parlé avec Bouli, de quoi ça parle, et la relation avec son père, et qu’est-ce qui est arrivé à sa mère, tous ces aspects de la vie, c’est quoi son boulot ? depuis quand ? est-ce qu’elle a une voiture ? de quelle marque ? Toutes ces petites choses se rassemblent pour créer une vraie vie. Et pour moi, c’est important de les mettre en place.
Est-ce que le jeu est différent pour vous dans une histoire intimiste comme celle-ci ou dans une grande fresque avec autant de personnages que Game of Thrones ? C’est la même méthode de jeu ou vous vous adaptez ?
Michelle Fairley : Ça dépend. Ça commence toujours avec le scénario, et si vous vous connectez à l’histoire, la première question est toujours : qu’est-ce qui fait que je me connecte à cette histoire ? est-ce que ça m’intéresse, est-ce que ça attise ma curiosité ? est-ce que j’aime ça, est-ce que je les aime ? mais le processus de travail est pratiquement le même. L’environnement et les conditions de travail peuvent changer, et vous devez vous y adapter. Mais le processus de travail et ce que j’ai aimé dans le projet de Bouli, est que tout n’était pas noyé dans les dialogues. Il y avait des regards, et vous devriez être capable de lire dans leurs pensées : c’est le non-dit qui est important.
Bouli est francophone, mais il est très Belge. Une très grande différence entre la Belgique et la France, est que nous aimons les images et les sous-entendus, et pas tant de dialogues. La France est le pays du Verbe. Et vous avez dû découvrir cela en travaillant avec Bouli.
Michelle Fairley : Oui, et Bouli n’arrêtait pas de s’excuser pour son mauvais accent. Et je lui disais : Ton anglais n’est pas mauvais ! Tu es en fait sacrément bon ! Mais ça, c’est l’humilité de Bouli, et il était également l’auteur du scénario, c’était son "bébé", tiré de son expérience en Ecosse, et il voulait travailler là, donc il a créé une histoire qui allait s’intégrer naturellement dans cet environnement, honnêtement et organiquement. Ce n’est pas du tout tape-à-l’œil, c’est une histoire d’amour et de douceur, dans un endroit particulièrement rude…
Après ce type de projet, avez-vous maintenant la curiosité de continuer à travailler avec des réalisateurs étrangers ?
Michelle Fairley : Oui, j’ai envie et j’ai adoré ! J’ai eu la chance de travailler dans une série qui s’appelle "Gangs of London", et ils engagent régulièrement des réalisateurs internationaux, et j’adore travailler avec eux ! Ils travaillent différemment, ils sont curieux, ouverts, ils sont libres et ils aiment expérimenter, et j’apprécie vraiment de travailler comme ça.