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Mike Trésor (Genk) sur le Gril : "Chez les jeunes, on me disait que je posais trop de questions…"

Sur le Gril

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C’est le jeune (23 ans) maître à jouer du leader actuel du championnat : avec ses 5 buts et 8 assists, il est aussi le joueur le plus décisif de Pro-League. Il évoque le coup du sombrero, Wouter Vrancken, le génocide au Rwanda, Raùl, les séries criminelles, Charles De Ketelaere, le racisme, Bilal El Khanouss et le tiki-taka. Mais aussi Noa Lang, les plans de carrière, Manchester City, les assists, Neymar, l’arrogance, l’Académie de Neerpede et Ronaldinho. Et surtout… la mousse des ballons Nike. Mike Trésor Ndayishimiye (Genk) passe " Sur Le Gril ".

La conversation, passionnante, a duré 50 minutes : plein focus, Mike Trésor en a oublié l’heure… et un membre du staff de Genk vient le chercher car la séance d’échauffement a déjà commencé ! Trois jours avant le sommet à l’Antwerp, Genk baigne dans une douce nonchalance… symptomatique de cette jeune équipe à qui tout sourit depuis début août.

On est tous mus par la volonté d’apprendre chaque jour et de faire toujours mieux… mais on ne se pose pas trop de questions " commence Mike Trésor Ndayishimiye, qui se fait volontiers appeler juste par son double prénom… pour faciliter la vie des transcripteurs. " C’est vrai qu’on a perdu quelques cadres par rapport à la saison passée (NDLA : ponctuée par une 6e place, la première… non-européenne) et que le staff a changé. Mais dès le Jour 1 de la préparation, le coach Wouter Vrancken nous a expliqué très clairement ce qu’il attendait de chacun de nous. Sa philosophie de jeu matche parfaitement avec tous les joueurs, que ce soient les jeunes ou les plus anciens. Tout le monde regarde dans la même direction avec le désir d’apprendre, ce qui produit une bonne énergie collective et une saine concurrence. Et comme les résultats confortent notre travail, la confiance est au maximum. On est une équipe très technique et les adversaires commencent à cerner notre jeu… mais on n’est pas du tout en surrégime, comme certains le pensent. Il y aura forcément des moments plus difficiles, mais si on reste fidèles à notre méthode, on devrait les surmonter. "

Mike Trésor : " Aujourd’hui, je joue avec de la bonne pression… "
Mike Trésor : " Aujourd’hui, je joue avec de la bonne pression… " © BELGA

" Aujourd’hui, je joue avec de la bonne pression… "

En tête du championnat, meilleure attaque, meilleure défense, avec un ratio de points… qui surpasse, au même stade du parcours, le rythme de ses deux derniers titres de champion (2011 et 2019), le Racing limbourgeois produit aussi le meilleur jeu de Pro-League. Pétillant, dynamique, technique et toujours offensif. Avec Mike Trésor dans un rôle-phare : avec 5 buts et 8 assists, il est l’actuel joueur le plus décisif de Pro-League.

C’est ma meilleure saison, forcément, car… c’est aussi la première fois que je joue régulièrement des matches à ce niveau. Je suis arrivé à Genk en 2021, mais comme je n’ai quasiment pas joué l’année passée, c’est comme si je faisais ma première saison : pour moi, c’est un peu le début de tout (sic)… Le staff a changé, les consignes ont changé, ma position sur le terrain aussi… Et surtout : je reçois du temps de jeu et la confiance de mes partenaires. Des places se sont libérées suite à plusieurs départs (NDLA : Junya Ito, Theo Bongonda, Kristian Thorstvedt, Jhon Lucumi, Cyriel Dessers) et j’ai pris ma chance en jouant libéré, avec de la bonne pression (sic). La philosophie du coach me convient très bien : beaucoup de mouvements et de permutations, ce qui rend notre jeu très imprévisible pour les adversaires. "

Mike Trésor : " Je veux être important pour l’équipe où je joue "
Mike Trésor : " Je veux être important pour l’équipe où je joue " © BELGA

" Je veux être important pour l’équipe où je joue "

Formé à Anderlecht de ses 14 à 19 ans (2013-18), Mike Trésor contient dans son jeu toutes les facettes du joueur Made In Neerpede : dribble, accélération, facilité technique… et même nonchalance et arrogance.

C’est vrai, je vois ce que vous voulez dire : on a tous ça en nous quand on sort de l’Académie d’Anderlecht … " dit-il sans arriver à dissimuler un petit sourire. " A Neerpede, il y une quantité invraisemblable de talent. Quand on est passé par là, on garde cette touche… mais on doit aussi arriver à l’épurer, à minimiser les trucs inutiles, à canaliser les gestes techniques pour être surtout efficace. Tout cela vient avec l’expérience : on apprend à devenir froid, au bénéfice de l’équipe. Moi, personnellement, j’ai toujours été un joueur plutôt altruiste (sic) : j’ai toujours d’abord pensé au bien de mon équipe avant d’essayer de faire des trucs pour moi. Ce que je veux, c’est être important pour l’équipe où je joue (sic). Après, plus jeune, je pouvais faire des coups du sombrero, mais on m’a vite dit que ça pouvait être mal interprété et qu’il fallait toujours garder le respect de l’adversaire. En aucun cas, ce type d’action doit être faite pour dénigrer autrui (sic), sinon ça peut faire dégénérer un match… A l’entraînement, on se fait parfois des petits ponts, mais en match, le coach veut vraiment que ce soit utile... Ce qui compte, c’est le ‘game plan’ (sic), le plan de jeu collectif. Moi, ce que je ressens quand on me fait un petit pont ? (Il réfléchit) Je pense qu’on ne m’en n’a jamais fait ! " (Il rigole)

Avec son coach à Genk Wouter Vrancken
Avec son coach à Genk Wouter Vrancken © BELGA

" Le titre ? On n’en parle pas "

Bosuil, dimanche 13h30, Antwerp-Genk : c’est le choc des chocs, le duel des deux équipes insubmersibles qui ont écrasé le championnat jusqu’ici. Après 10 victoires de rang, l’Antwerp a piqué du nez ces derniers temps : défaites à Courtrai et au Standard. De son côté, à l’exception du tout premier match perdu injustement au Club Bruges, Genk a… tout gagné, à l’exception d’un partage dans le derby contre Saint-Trond.

Dimanche, c’est le genre de match qu’on a tous envie de jouer : on va rester fidèles à nous-mêmes et donner le maximum. Mais après ce dimanche, la route sera encore très longue, donc je ne pense pas que ce duel aura un impact psychologique s’il y a un vainqueur et un perdant. Les deux équipes ont deux styles de jeu très différents, et le fait qu’on ait pris la tête ne change rien en termes de pression : on continue à jouer notre jeu, avec, je le répète, l’envie de progresser à chaque sortie. On verra où ça nous mène. Si on parle du titre au vestiaire ? Pas du tout ! On veut d’abord se qualifier pour les Play-Offs (NDLA : Genk a déjà 12 points d’avance sur le 5e classé, le Standard) et puis… ce sera un autre mini-championnat qui recommencera. Moi, des matches comme celui de dimanche, je les joue beaucoup à l’intuition, en suivant mes sensations du moment… (On lui fait remarquer que le 5e but de Genk, mardi face à Westerlo, inscrit par Daniel Munoz, faisait suite à une séquence… de 31 passes enchaînées, façon tiki-taka barcelonais, sans que les Campinois ne touchent le cuir !) Le fait de beaucoup toucher la balle nous donne confiance, mais le but reste d’aller marquer au bout !  On prend de la confiance en faisant tourner le ballon… et de l’énergie quand on marque ! "

Mike Trésor : " Anderlecht ? Il y a beaucoup d’autres portes pour devenir pro… "
Mike Trésor : " Anderlecht ? Il y a beaucoup d’autres portes pour devenir pro… " © BELGA

" Anderlecht ? Il y a beaucoup d’autres portes pour devenir pro… "

Parti d’Anderlecht dans un contexte difficile, Mike Trésor a dû passer par les Pays-Bas (Nimègue et Willem II) pour percer dans le football pro. Alors même que des grands clubs comme la Juventus et le Bayern Munich lui faisaient les yeux doux…

" Depuis tout jeune, j’ai toujours privilégié le projet sportif au contrat. J’aurais bien aimé, forcément, jouer en équipe A d’Anderlecht… mais pas à n’importe quel prix. Des joueurs de ma génération (NDLA : il est de la génération d’Alexis Saelemaekers, Albert Sambi Lokonga et Yari Verschaeren) ont reçu leur chance, mais le Sporting considérait à ce moment que je n’étais pas encore suffisamment mûr. Pourtant, j’avais été surclassé et je m’entraînais déjà à 17 ans avec les U21... Moi, je voulais juste m’entraîner pour continuer à progresser : je ne demandais pas forcément du temps de jeu... Le club avait sa vision, moi la mienne : on n’a pas trouvé de terrain d'entente. Après, il y a beaucoup d’autres portes pour devenir pro, et la suite l’a prouvé… (clin d’œil) Moi, je ne suis pas obsédé par le nom du club : je regarde le projet et la philosophie de jeu… qui, en plus, évolue au sein du même club selon l’identité de l’entraîneur ! Regardez Manchester City : c’est un magnifique club, mais c’est le football voulu par Pep Guardiola ! Donc il faut analyser au coup par coup : mon père, qui a été international burundais (NDLA : en 1995, Fredy Ndayishimiye, capitaine de son équipe, marque en finale du Mondial U20 contre l’Espagne des Raùl, Salgado et Morientes), m’a toujours donné les bons messages : ce qui compte, ce n’est pas la vitesse de réussite, mais la cohérence du projet. Progresser palier par palier. "

Bilal El Khannous
Bilal El Khannous © BELGA

" Entre El Khannous et moi, c‘est du football ! "

Grand admirateur de Ronaldinho, de Cristiano Ronaldo et surtout de Neymar (" Le Brésilien est vraiment un joueur unique : il est très critiqué… mais ce qu’il fait, personne n’en est capable ! "), Mike Trésor savoure aussi les pépites de Pro-League.

Le joueur du championnat qui m’impressionne le plus ? (Il réfléchit longuement) Euh, aucun particulièrement… mais si, Noa Lang ! J’ai joué contre lui quand j’étais aux Pays-Bas et lui à Ajax, et on se connaît depuis les matches internationaux de jeunes. Ici, à Genk, celui qui crève vraiment les écrans, c’est Bilal El Khannous : on se connaît depuis les jeunes à Anderlecht, il est mature, il est technique, il fait toujours les bons choix. Sur le terrain, on connecte bien à deux : on n’a pas besoin de se parler, on se ressent ! (sic) Entre nous, c’est du football, quoi ! (clin d’œil) Bilal a 18 ans… mais en football, ce qui compte, ce n’est pas l’âge, c‘est la maturité footballistique ! Il faut aussi la discipline et le respect des consignes… et El Khannous est totalement tourné vers ses équipiers et toujours au service de l'équipe. A Anderlecht, on apprend ce jeu dominant, mais aussi cet esprit de gagne : on dit souvent que les Anderlechtois ne sont pas combatifs, mais ce n’est pas vrai ! Dans les matches de jeunes en Belgique, c’est vrai qu’on avait souvent la balle 80% du temps et qu’on ne devait pas travailler notre jeu défensif : du coup, ça peut créer quelques failles (sic). Mais dans les matches internationaux, on avait intérêt à ne pas se reposer sur nos lauriers ! "

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Des vidéos de frappes…

Une rumeur court à Neerpede : des vidéos de tirs à distance de Mike Trésor sont montrées aux jeunes d’Anderlecht. Car le médian de Genk dispose d’une technique de frappe, notamment sur coup franc, meurtrière pour les portiers : le ballon monte… avant de repiquer soudainement, sorte de frape-banane façon Vercauteren.

Oui, j’ai aussi entendu cette rumeur… (sourire) C’est une technique que je travaille à l’entraînement : Ronaldo faisait pareil à sa première époque à Manchester United. Il faut tendre le pied sous le ballon, puis fouetter à mi-balle : dit comme ça, ça a l’air simple mais ça ne l'est pas du tout. (Il rigole) Avec les ballons actuels de Pro-League, les Select et les Kipsta, j’ai un peu de mal. Les meilleurs ballons pour ça, ce sont les Nike : il y a de la mousse qui donne un meilleur confort et un meilleur grip sur la balle, le pied entre mieux dans le ballon (sic). Je prolonge les séances à l’entrainement, mais pas tant que ça : les coups francs ne sont pas si nombreux en match. Je travaille davantage mon jeu en mouvement : en match, je dois encore plus utiliser ma vitesse et ma profondeur. "

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LES PETITS PAPIERS

Le moment venu des petits papiers : parmi une quinzaine de papiers-mystères, il en choisit 5 au hasard. Et commente.

PAPIER 1 : RWANDA. Ma mère est rwandaise et elle a fui le pays au moment du génocide du 1994 : elle était encore à l’école à l’époque… Elle m’a tout raconté… et pour moi, c’est difficile d’en parler. (Il marque un silence) Elle a dû tout lâcher en quelques minutes, sur un claquement de doigt (sic) : c’était ça ou mourir… Le peuple a été victime de conflits entre les gens du pouvoir : on sait bien qu'au fond de l'être humain, il y a cette barbarie… J’ai posé beaucoup de questions à ma mère : je suis d’un naturel curieux, je dois toujours comprendre les choses. Je suis un amateur de séries policières, avec de grands criminels : j’aime bien pénétrer l’âme humaine. Rien n’arrive par hasard : souvent, on se rend compte que les meurtriers agissent suite à des traumas subis dans leur jeunesse. Il y a des causes à tout. Quand j’étais plus jeune à Anderlecht, je posais toujours des questions aux entraîneurs car j’ai besoin de comprendre les choses pour bien les exécuter… Je veux toujours savoir où je mets les pieds (sic). D’ailleurs, on me le reprochait : ‘arrête de réfléchir et de poser des questions, fais ce qu’on te dit !’ On me disait parfois que j’étais moins facile qu’un autre. (sourire) Mais je suis toujours resté respectueux… "

PAPIER 2 : CHARLES DE KETELAERE. On était adversaires chez les jeunes, puis équipiers chez les Diablotins : c’est un grand talent. Après, le prix (NDLA : 35 millions d’euros pour Charles De Ketelaere, plus gros transfert sortant de l’histoire du foot belge) ne définit pas le potentiel (sic) : moi, je ne regarde pas ma valeur financière sur les sites spécialisés (clin d’œil). Après, c’est clair que l’argent vous permet de mieux vivre… et que le football est un sport bien servi dans ce domaine. Sans le football, j’aurais sans doute continué l’école… mais c’était très clair pour moi que je voulais faire carrière dans le foot : c’est normal, j’étais international depuis le plus jeune âge… Au final, je suis devenu ce que j'ai toujours voulu, et c’est une chance que je savoure chaque jour. "

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PAPIER 3 : RACISME. Ça, c’est un point sensible… qui n’est pas assez sanctionné. J’ai la chance de ne pas l’avoir trop subi mais ça existe dans les stades, on l’a encore vu lors de Liverpool-Arsenal. C’est triste car le foot est par définition un brassage de cultures différentes. Je ne sais pas si c’est du vrai racisme ou juste de la frustration pour déstabiliser… mais si c’est ça, c’est encore plus bas ! (sic) Il faut continuer les campagnes anti-racistes… et le foot doit jouer son rôle, car il y a beaucoup de gens qui nous suivent : on peut avoir une vraie influence. "

PAPIER 4 : ASSIST (NDLA : avec 8 passes décisives, Mike Trésor domine actuellement le classement des assists de Pro-League). " J’aime marquer… et j’aime donner des assists : ce que je veux, je le répète, c’est être important pour mon équipe. Des joueurs pensent à leurs statistiques… mais c’est le collectif qui permet à un joueur de se montrer individuellement. Un joueur qui ne pense qu’à lui, l’équipe va vite le sentir… et sur la durée, ça ne va pas le servir. Moi, ma priorité c’est de jouer un gros match pour l’équipe… et si je peux être décisif, c’est la cerise sur le gâteau. Mais marquer, allez, je l’avoue, c’est vrai, ça reste quand même la joie suprême ! " (clin d’œil)  

PAPIERS 5 : PLAY-OFFS (Il grimace)Je n’aime pas trop ce format des play-offs : je trouve que ça chamboule tout (sic) et que c’est l’équipe la plus régulière qui devrait être championne. On a bien vu le cas de l’Union l’année passée, c’était vraiment injuste pour eux… Mais je reconnais que cette formule produit du spectacle, des gros matches et du suspense en fin de saison. On connaît le règlement à l’avance, on doit faire avec… Je pense qu’il y a des équipes qui sont plus habituées à ces formules de haut niveau, avec des matches au sommet qui s’enchaînent sur quelques jours. Nous, Genk, on profite peut-être actuellement d’un calendrier sans Europe… mais on devra être capable au printemps de gérer la répétition de sommets. Ce ne sont pas deux ou trois joueurs, mais toute l’équipe qui devra être focus et en forme au bon moment : tout s’enchaîne, on n’a pas le temps de s'adapter, il faut prester tous les 3 jours… Il faut bien récupérer, se reposer, s’alimenter… et se remettre tout de suite à bloc (sic). Comme je l’ai dit, tout cela fait partie de notre apprentissage : le principal, c’est qu’on continue à faire les choses… comme on sait bien les faire. " (clin d’œil)

Mike Trésor : " Les Diables Rouges ? C’est la suite logique… "
Mike Trésor : " Les Diables Rouges ? C’est la suite logique… " © BELGA

" Les Diables Rouges ? C’est la suite logique… "

On ne pouvait pas terminer sans la question qui tue : à quand Mike Trésor Diable Rouge ? Sa réponse est très calme.

Bien sûr que j’y pense : c’est la suite logique… Chaque jour, je bosse en me disant que c’est le prochain palier. Je reste fidèle à ma vision de carrière : progresser marche par marche… Ce serait très, très, très beau (sic) de pouvoir faire partie de ce groupe… Au Qatar ? Après le Qatar ? On verra bien : à moi de continuer à travailler et de rester performant semaine après semaine. Des contacts avec Roberto Martinez ? Non, il ne m’a jamais téléphoné… "

Mike Trésor (Genk) en mode selfie
Mike Trésor (Genk) en mode selfie © Tous droits réservés

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