Moins d'engrais et de pesticides : le Parlement européen approuve la stratégie "De la ferme à la table"

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Par Belga

Le Parlement européen a apporté en séance plénière son soutien à la stratégie "De la ferme à la table" de la Commission européenne, lui demandant de maintenir un niveau d'ambition qui placerait le système alimentaire européen dans les clous du Green Deal. Le texte de la résolution a été voté mardi soir, après un débat organisé lundi après-midi à Strasbourg. Les résultats ont été annoncés mercredi matin: 452 voix pour, 170 contre et 76 abstentions.

La Commission avait présenté sa stratégie "De la ferme à la table" en mai 2020. Ce carnet d'intentions doit se traduire dans les prochains mois par toute une série d'initiatives, législatives ou non (27 en tout), pour rendre le système alimentaire européen plus durable, résilient, plus respectueux du bien-être animal et de la santé humaine.

Pour les eurodéputés, les objectifs doivent être contraignants

La Commission prévoit par exemple une révision de la directive sur l'utilisation des pesticides, de proposer un étiquetage nutritionnel obligatoire sur les emballages de produits alimentaires, ou encore de revoir les règles sur les mentions de dates limites de consommation. Elle veut aussi s'attaquer au gaspillage alimentaire et propose de viser pour 2030 une réduction significative de l'usage de pesticides chimiques (-50%) et d'engrais dans l'agriculture (-50% de pertes de nutriments), et de la vente d'antibiotiques pour l'élevage et l'aquaculture (-50%). 


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Dans leur texte, les eurodéputés demandent à l'exécutif de veiller à ce que ces objectifs soient rendus contraignants dans la législation. Pour ce qui est des pesticides, les États membres devraient définir des objectifs dans le cadre de leurs plans stratégiques relevant de la PAC, indiquent-ils. 

Des indicateurs scientifiques communs en matière de bien-être animal

Les élus suggèrent aussi des indicateurs communs scientifiques en matière de bien-être animal. Ils rappellent qu'il faudrait améliorer l'évaluation des risques des produits phytopharmaceutiques, pour tenir compte des effets combinés et d'accumulation. Ils attirent l'attention sur l'importance de veiller à la diversité des semences pour l'agriculture, par exemple. Ils suggèrent de davantage refléter dans le prix des aliments leur coût réel de production et leur impact environnemental et sanitaire, en jouant, pourquoi pas, sur les taux de TVA. Et ils demandent à la Commission d'envisager des stocks alimentaires stratégiques pour les temps de crise, à l'instar des stocks de pétrole.

Pour les eurodéputés, il s'agit de transformer la manière dont l'UE produit et s'alimente, pour parvenir à un système alimentaire "durable, équitable, sain, respectueux des animaux, plus régional, diversifié et résilient". On sait en effet que notre alimentation, en-dehors de ses effets sur notre santé, est responsable d'une énorme part (un gros tiers) des gaz à effet de serre dus à l'homme, et que l'agriculture et l'élevage intensifs appauvrissent la biodiversité et l'environnement, avec aussi des effets pervers à long terme (zoonoses, pollution de l'eau et des sols, etc.). 

"Des incohérences"

Le texte voté était le fruit d'un compromis entre les commissions parlementaires de l'agriculture et de l'environnement, représentées par des rapporteurs aux visions a priori très différentes: l'Italien germanophone Herbert Dorfmann (PPE) et la Néerlandaise Anja Hazekamp du Partij voor de Dieren (groupe de la Gauche GUE/NGL). Cette dernière a indiqué lors du débat, lundi, qu'elle aurait souhaité que le texte du Parlement soit "beaucoup plus ambitieux sur de nombreux points". Mais il offre malgré tout "de l'espoir, celui d'un futur viable dans lequel les aliments que l'on consomme ne sont plus produits au détriment des générations futures".

La Néerlandaise rappelle certaines incohérences dans les politiques européennes: "Nous ne pouvons pas réellement restaurer la biodiversité et parvenir à une transition protéique (de l'animal vers le végétal, NDLR) si on continue de subsidier lourdement l'élevage intensif et de signer des accords de libre échange contredisant directement ces objectifs". 

Une agriculture plus vertueuse

Pour le socialiste Marc Tarabella (groupe S&D), "il est primordial que nous changions de modèle agricole et alimentaire, et d'accompagner les agriculteurs dans ces changements". Le contraire équivaudrait à "nier l'évidence" de l'exigence d'une agriculture "plus vertueuse". L'élu socialiste demande parallèlement des "outils de régulation pour garantir le revenu des agriculteurs" et de "changer les règles de l'OMC totalement inadaptées à la réalité actuelle". 

Le cdH Benoit Lutgen (groupe PPE) pointe que des règles européennes plus strictes en matière environnementale et de bien-être animal sont une bonne nouvelle, pour l'élevage bovin wallon, par exemple. Actuellement, il est déjà "essentiellement extensif et durable" mais est concurrencé par de la viande européenne de moindre durabilité. La stratégie "De la ferme à la table" devrait avoir pour effet une baisse de la production européenne de viande, mais avec une hausse des marges et du prix revenant à l'agriculteur, souligne Benoit Lutgen.

15% de fermes bio en Wallonie, l'objectif est de 25% en 2030

L'accent mis sur le bio (objectif de 25 % des terres agricoles dédiées au bio en 2030) est aussi une bonne nouvelle pour le sud du pays, rappelle-t-il. La Wallonie, qui connait une agriculture plus familiale qu'en Flandre, est bien avancée en cette matière, "avec près de 15% de ses fermes en bio". 

L'implication nécessaire des agriculteurs dans les futures nouvelles normes est un point souligné par des nombreus élus, dont la libérale Hilde Vautmans (Open Vld, Renew). ll faut "un cadre pour faire de l'agriculture durable un modèle économique viable", insiste-t-elle mercredi. 

Les Verts, qui soutenaient aussi le projet, y voyaient une "dernière chance pour la Commission de se placer sur la ligne du Green Deal", selon les mots de l'Ecolo Saskia Bricmont. Les écologistes estiment en effet que la réforme de la PAC (Politique agricole commune), approuvée en septembre en commission agriculture du Parlement européen et qui doit encore passer en plénière, rate complètement le coche pour ce qui est de la biodiversité et de la voie vers la neutralité carbone en 2050. La stratégie "Farm to Fork" rassemble quant à elle des pistes intéressantes, comme le note aussi Sara Matthieu (Groen), qui est particulièrement satisfaite d'y voir mentionnée un une interdiction d'exportation des pesticides dangereux interdits dans l'UE.

 

Reportage du 4 octobre :

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