Belgique

Moins de migrants en transit en Belgique, le Royaume-Uni reste la destination principale

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Par Jean-François Noulet, avec M. Joris et F. Van Eeckhaut

En 2018, la police belge avait trouvé près de 13.000 (12.848) migrants sur le territoire belge qui transitaient par notre pays pour tenter de rejoindre le Royaume-Uni.

En 2022, le nombre de dossiers de ce type, communiqués par la police à l’Office des Etrangers a chuté de plus de 90% par rapport à 2018. L’an dernier, 944 migrants ont été signalés sur le sol belge alors qu’ils cherchaient à se rendre en Grande-Bretagne. Cela fait dire aux autorités judiciaires belges que la Belgique serait moins utilisée par les passeurs et les réseaux de trafiquants d’êtres humains pour acheminer des migrants au Royaume-Uni.

De 2018 à 2022, le nombre de migrants passant par la Belgique à destination du Royaume-Uni a chuté de 90%

"Transmigrants", c’est le terme de plus en plus utilisé depuis quelques années par les autorités et repris plus souvent dans les médias du nord du pays que dans ceux du sud pour qualifier ces personnes, migrants, réfugiés ou demandeurs d’asile, qui passent par la Belgique pour se rendre au Royaume-Uni.

De statistiques communiquées par le ministre de la Justice, ce mercredi à Ostende, il ressort que le nombre de ces migrants qui passent par le sol belge sans s’y établir, mais dans le but de se rendre en Grande-Bretagne serait en forte baisse.

C’est donc l’activité de ceux qui gravitent autour de ces candidats à l’asile, c’est-à-dire les passeurs et les trafiquants d’êtres humains, qui serait en diminution en Belgique.

Alors qu’en 2022, on estime que près de 80.000 personnes ont tenté de passer au Royaume-Uni depuis l’Europe Continentale, ce n’est majoritairement pas par la Belgique qu’ils sont passés. Ainsi, en 2022, la police belge a signalé à l’Office des Etrangers les dossiers de 944 migrants "en transit" vers le Royaume-Uni. C’est 90% de moins qu’en 2018, où 12.848 dossiers de ce type avaient été ouverts.

Cette baisse est particulièrement importante en Flandre occidentale. Le nombre d’interceptions de migrants est ainsi en fort recul dans et autour du port de Zeebrugge où l’on est passé de 3926 migrants repérés en 2018 à 404 en 2022. Le recul est du même ordre à Ostende où 196 migrants "en transit" ont été retrouvés en 2018 contre 30 en 2022. Le nombre de migrants interceptés alors qu’ils tentaient de se rendre en Grande-Bretagne est aussi en baisse à La Panne, Coxyde, Nieuport et Blankenberge.

Pourquoi la Belgique serait-elle moins un pays de transit ?

Pour les autorités belges, ce sont les contrôles poussés et approfondis des conteneurs dans les ports qui porteraient leur fruit.

Ce sont aussi les sanctions infligées aux passeurs qui dissuaderaient ces derniers. Pour rappel, dans la tragédie qui a coûté la vie à 39 migrants vietnamiens, piégés dans un camion frigorifique, en 2019, le chef de la bande des passeurs, un Vietnamien, a été condamné à 15 ans de prison par la justice belge.

Depuis début 2019, 116 personnes ont été condamnées pour des infractions de trafic d’êtres humains organisé. 51 de ces dossiers concernaient du transport de migrants par "petits bateaux". Soit les bateaux ont été interceptés en mer, lors d’opérations de sauvetage, par exemple, soit il s’agissait de matériel saisi en Belgique, par exemple des bateaux et des gilets de sauvetage que les trafiquants faisaient passer par la Belgique, en provenance d’Allemagne ou des Pays-Bas à destination de la France. 65 autres dossiers concernaient du transport de migrants par camions ou conteneurs.

Selon les autorités belges, les condamnations pour intrusion dans l’enceinte du port de Zeebrugge dissuaderaient aussi les migrants de tenter la traversée au départ de la Belgique.

Toutefois, explique-t-on du côté des autorités judiciaires belges, la vigilance reste de mise. "Pour le moment, on voit moins de migrants, mais ce n’est pas pour autant qu’ils ne sont pas là", réagit Ann Lukowiak, Procureure fédérale. "C’est qu’ils ont trouvé d’autres moyens. C’est à nous de détecter quels sont ces moyens", ajoute-t-elle. Et de rappeler que la Belgique a toujours été un pays de transit. "On a aussi des organisations qui regroupent des migrants, par exemple à Bruxelles, pour ensuite les faire partir par les plages du nord de la France", explique Ann Lukowiak.

Alors, les autorités souhaitent étendre les moyens d’action de la police. Actuellement, les enquêtes sont menées en lisant les données des smartphones saisis auprès de migrants ou de trafiquants interceptés. L’an dernier, plus de 600 téléphones portables ont ainsi été saisis et examinés par l’équipe TransIT de la police judiciaire fédérale. Cela permet de découvrir des preuves sur les identités des personnes, les itinéraires d’approvisionnement, les maisons de transit, notamment. Cela a permis, par exemple, en juillet 2022, de faire arrêter 18 personnes en Allemagne sur ordre d’un juge d’instruction brugeois.

Pour le moment, cela concerne essentiellement les saisies effectuées par la zone de police Westkust. L’idée est à présent d’étendre le champ d’activité de cette équipe TransIT à d’autres zones de police de Flandre Occidentale.

 

Chez Myria, le Centre fédéral Migration, on constate le travail réalisé par les autorités belges en matière de lutte contre le trafic d’êtres humains, en particulier à destination de la Grande-Bretagne. "On constate quand même une force de frappe importante, des méthodes de recherche avancée, la capacité en matière de démanteler les réseaux d’une façon remarquable, certainement dans ces arrondissements-là [à la Côte, ndlr]", note Koen Dewulf, le Directeur de Myria.

Selon le Directeur de Myria, cette stratégie des autorités belges "a vraiment un effet sur le phénomène même, sur les stratégies des réseaux". "Je pense qu’on commence à s’intéresser de plus en plus à comment les réseaux s’organisent, quelles routes alternatives ils trouvent, pas seulement pour transporter les migrants, mais aussi pour tout leur matériel, les canots, les vestes [de sauvetage, ndlr] et tous les autres éléments de la chaîne d’approvisionnement", estime Koen Dewulf.

Derrière ces chiffres faisant état de moins d’interpellations de migrants et de trafiquants à destination du Royaume Uni, il semble cependant plus difficile de savoir si le phénomène ne s’est pas déplacé ailleurs ou s'il ne s’est pas développé d’une autre manière. "Il est vrai qu’on voit une diminution dans les interceptions", note Koen Dewulf, de Myria. "On voit aussi une diversification dans les typologies des personnes trafiquées", poursuit-il. Erythréens, Soudanais, Lybiens se retrouveraient un peu plus dans les personnes qui demandent la protection internationale. Les ressortissants du Maroc ou d’Afrique du nord sont aussi présents de manière constante. Même chose pour les Vietnamiens. Dans certains cas, on peut parler de trafic sous circonstances aggravées. "Et nous attirons l’attention sur le fait que les autorités peuvent aussi gagner la confiance des victimes", souligne Koen Dewulf, car les enquêtes "s’orientent davantage contre les réseaux criminels et que les victimes de trafic ne se sentent pas menacées par l’action de la police et de la justice". Des victimes qui, dès lors, collaborent et fournissent des informations utiles aux enquêtes.

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