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Molenbeek : Sylvie Lahy attaque Ahmed El Khannouss en justice et lui réclame une indemnisation

Ahmed El Khannouss est cité à comparaître par Sylvie Lahy.

© D. R. / PS

Par Karim Fadoul

C’est une action en justice pour le moins inédite. Sylvie Lahy attaque Ahmed El Khannouss ! La première projetait de devenir secrétaire communale (le plus haut poste dans une administration locale) à Molenbeek. Le deuxième est conseiller communal "Molenbeek Autrement" et a mis en lumière au travers d’une action politique, médiatique et sur les réseaux sociaux, le contexte jugé selon lui problématique entourant la candidature de Sylvie Lahy.

Une réputation ruinée

Cette ex-cheffe de cabinet de l’ancien bourgmestre Philippe Moureaux et de l’actuelle bourgmestre Catherine Moureaux mais aussi du ministre-président Rudi Vervoort (PS), ancienne candidate PS aux élections, en charge aujourd’hui des questions de police pour la commune, estime que la campagne d’Ahmed El Khannouss "a nui gravement" à sa réputation et "a affecté très profondément sa tranquillité avec pour conséquence un préjudice médical et psychologique, une réputation ruinée" ainsi que la perte de chance de devenir secrétaire communale et de trouver un autre emploi.

Pour l’ensemble de ces préjudices, Sylvie Lahy, défendue par le cabinet de l’avocat Marc Uyttendaele, réclame auprès d’Ahmed El Khannouss, d’après ce que la RTBF a pu lire dans la citation à comparaître devant la justice en date du 13 juin, "une somme évaluée à 10% de la rémunération" qui aurait été celle de Sylvie Lahy jusqu’à la fin de la carrière et une somme de 25.000 euros couvrant la perte de chance de trouver un autre emploi.

Une nomination rejetée en conseil communal

Petit retour en arrière, pour comprendre la raison de la citation… Fin décembre 2022, le conseil communal doit se prononcer sur la nomination de Sylvie Lahy au poste de secrétaire communale. Ce n’est pas rien : sous sa responsabilité se retrouveront plusieurs centaines d’agents communaux. Un vote à huis clos est organisé mais des conseillers communaux se trouvent en visioconférence. Trois votes émis à distance sont refusés par la bourgmestre. Après décompte, le résultat est le suivant : 16 voix pour la nomination, 15 contre et 2 nuls. Les trois votes refusés auraient donc pu changer la donne.

Ahmed El Khannouss, qui avait déjà dénoncé la proximité entre Sylvie Lahy et le pouvoir communal, à coups de posts sur Facebook, estimant également que le poste de secrétaire communal devait être neutre politiquement, porte plainte auprès de la Région bruxelloise. Il veut faire annuler le vote. La tutelle lui donne raison.

M’attaquer, c’est attaquer la démocratie

Avril dernier, les conseillers se prononcent donc une nouvelle fois. Catastrophe pour Sylvie Lahy et la bourgmestre : 19 élus votent contre, 16 pour, trois s’abstiennent. La candidature, qui n’a donc pas convaincu tous les membres de la majorité PS-MR est rejetée. La claque est immense pour Sylvie Lahy qui estime qu’elle paie une campagne de diffamation orchestrée par Ahmed El Khannouss. Pour rappel, Sylvie Lahy avait été licenciée en 2014 de son poste de directrice du service Prévention par l’ancienne législature MR-cdH-Ecolo à laquelle appartenait Ahmed El Khannouss. Elle est revenue à Molenbeek lorsque Catherine Moureaux a remporté l’élection communale de 2018.

"Je suis stupéfait", réagit en tout cas Ahmed El Khannouss, poursuivi en justice par Sylvie Lahy. "Sylvie Lahy m’attaque pour ma fonction de conseiller communal, parce que j’ai fait mon travail, parce que j’ai sensibilisé l’ensemble des conseillers à sa future désignation qui était contraire au droit, à l’éthique et à la morale, à la bonne gouvernance aussi… M’attaquer, c’est attaquer la démocratie. Elle essaye de m’intimider et à travers moi tous les conseillers communaux qui veulent faire leur travail dans leur commune respective. C’est inadmissible. Je rappelle que Sylvie Lahy a été candidate aux élections, elle a eu un parcours particulier dans la commune toujours en occupant des fonctions politiques. Je n’ai fait qu’utiliser tous les moyens que la démocratie locale permet pour dénoncer cette situation. Elle était candidate à un poste et a bénéficié d’une série de facilités pour cela. Je n’ai jamais été diffamant à l’égard de Madame Lahy, je n’ai fait qu’exposer des faits."

Ahmed El Khannouss insiste : "Les conseillers communaux ont voté en leur âme et conscience contre sa nomination. N’ayant pas accepté cette décision démocratique, elle a décidé d’intenter une procédure devant la justice civile pour réclamer des indemnités. C’est relativement grave. C’est une forme d’intimidation."

Le cabinet Uyttendaele nous confirme la citation à comparaître au civil, devant le tribunal de première instance de Bruxelles.

Restaurer l’honneur de ma cliente

Contacté par la RTBF, Maître Marc Uyttendaele précise que l’objectif de cette citation est de "restaurer l’honneur de ma cliente. Le débat public politique implique une certaine violence. Mais, il ne faut pas confondre cela avec un punching-ball. Il est extrêmement lâche, douteux et lourdement fautif de transformer un débat politique en s’en prenant à un personnage qui n’est pas public. Ce n’est pas parce que ma cliente a été candidate à une élection qu’elle est un personnage public. Indépendamment de cela, c’est une technicienne qui ne souhaite pas être sous les feux de la rampe. Elle souhaite bénéficier d’une protection par rapport à ce lynchage, à l’acharnement de M. El Khannouss."

Maître Uyttendaele ajoute par ailleurs que ce dernier, "plutôt que de s’attaquer en direct au personnel politique, met en place un billard à trois bandes impliquant une personne qui n’a pas les mêmes moyens pour répondre que ceux dont bénéficie un politique qui peut s’exprimer dans les médias, dans un conseil communal…"

Le pénaliste précise aussi que "lorsqu’on parle de 'copinage' concernant ma cliente, on laisse croire que celle-ci a bénéficié de passe-droits. C’est insultant non seulement pour elle et pour les quatre autres membres de jury qui sont des hauts fonctionnaires régionaux et communaux qui ont avalisé sa candidature au poste de secrétaire communale. C’est une manière de considérer qu’ils sont malhonnêtes, qu’ils font œuvre de ce prétendu copinage. C’est insultant pour toutes ces personnes alors que le processus de désignation a été objectif."

Enfin, "il me paraît inimaginable que la justice ne constate pas le caractère fautif de M. El Khannouss. En démocratie, il y a une ligne rouge à ne pas franchir. Ce n’est pas un blanc-seing au 'tout est permis'. Il faut respecter des valeurs et des principes de droit garantis par la Constitution et la Convention européenne des Droits de l’Homme".

 

 

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