À quelques jours de la Coupe du monde, la RTBF vous propose de vous replonger dans une phase finale vécue par nos Diables Rouges. Aujourd’hui, place à la plus récente des épopées. La plus réussie, aussi, d’un point de vue purement statistique. Place au Mondial 2018. Celui de tous les records. Celui qui gardera aussi, sans doute pour toujours, un léger goût d’inachevé.
Des qualifs' en mode rouleau compresseur (28/30)
Pour mieux dresser le décor, replongeons-nous d’abord dans les qualifs pour cette Coupe du monde 2018. Versés dans un groupe plus qu’abordable avec une Grèce à la recherche d’un second souffle et une Bosnie en fin de cycle, les Diables font figure d’épouvantail.
Et ils ne laissent aucun suspense. 9 victoires en 10 matches, 43 buts marqués et 6 petites roses encaissées, la Belgique est la 1e équipe européenne à se qualifier pour le Mondial 2018 (en plus de la Russie, qualifiée d’office).
Romelu Lukaku finit 3e meilleur buteur de la zone Europe, Dries Mertens meilleur passeur et la Belgique… meilleure attaque. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Et Dries Mertens surgit face au Panama… (3-0)
Sauf que pendant 45 minutes face au Panama en ouverture, les certitudes des derniers mois sont subitement balayées. La faute à cette 55e nation mondiale, qui n’aurait dû être qu’un oiseau pour le chat, mais qui se montre plus coriace que prévu. "Il n’y a pas de match facile en Coupe du monde" avait martelé Roberto Martinez avant la rencontre. Pendant une mi-temps, les Diables, sans idées, en font l’amer constat : 0-0.
Et dans ces cas-là, quand une rencontre semble irrémédiablement cadenassée, il faut souvent un coup de génie pour s’en sortir. Ce coup de génie, il provient du tibia de Dries Mertens. A l’entrée de la surface, le Belge balance une volée aussi sensationnelle qu’instinctive qui trompe le gardien adverse. Bim, le verrou panaméen est explosé, les Diables (enfin) lancés. Enroués en 1e mi-temps, ils déferlent désormais sur le but adverse. Romelu Lukaku y va de son doublé. 3-0, la messe est dite.
Les Diables ont mis plus de temps que prévu mais la mission est accomplie : trois points précieux avant de retrouver la Tunisie, annoncée plus dangereuse que le Panama sur papier.
Les leaders répondent présents, la Tunisie en fait les frais (5-2)
C’est donc regonflés à bloc que les Diables se présentent sur la ligne de départ face à la Tunisie. Ce 6/6, ils le veulent et ils vont tout faire pour l’avoir. Et après six petites minutes, la défense tunisienne vole déjà en éclats. Eden Hazard, fauché à l’entrée de la surface, se fait justice lui-même sur pénalty et met les Belges devant Dix minutes plus tard, Romelu Lukaku plante (déjà) son 3e but du tournoi sur un service trois étoiles de Dries Mertens.
A 2-0, les Diables, peut-être trop présomptueux se pensent déjà à l’abri. Mais le Gantois Dylan Bronn climatise l’engouement belge en catapultant une tête au fond des buts de Thibaut Courtois. Il faut ensuite attendre les arrêts de jeu de la 1e mi-temps pour voir les Diables reprendre deux buts d’avance grâce à l’inévitable Romelu Lukaku.
Définitivement aux commandes d’un match qu’ils ne veulent plus lâcher, les Belges se font plaisir en 2e mi-temps et plantent deux roses de plus grâce à Eden Hazard et Michy Batshuayi. En fin de match, Khazri vient donner au score son allure finale : 5-2, les Diables signent la plus plantureuse victoire de leur histoire en coupe du monde et se qualifient déjà pour les 8e de finale. Cap désormais sur l’Angleterre, le gros morceau du groupe. L’occasion de marquer un grand coup.
Adnan Januzaj crucifie l’Angleterre… pour le meilleur et pour le pire (1-0)
Déjà qualifiés, les Diables sont radicalement remaniés par leur chef d’orchestre Roberto Martinez pour affronter l’Angleterre. Pas question de prendre des risques, le sélectionneur espagnol procède donc à 9 changements : exit tous les titulaires à part Thibaut Courtois et Dedryck Boyata. Les jeunes Youri Tielemans, Leander Dendoncker voire Adnan Januzaj ont l’occasion de se faire les dents.
Januzaj ne le sait d’ailleurs pas encore mais c’est lui qui va se transformer en héros quelques dizaines de minutes plus tard. On joue la 50e minute. Malgré une ribambelle d’occasions de part et d’autre, le marquoir n’a pas encore évolué. Januzaj récupère le ballon à l’entrée de la surface. D’un geste technique, il met son défenseur dans le vent. À l’instinct, il déclenche une délicieuse frappe enroulée du pied gauche qui ne laisse aucune chance à Jordan Pickford. Splendide !
Ce sera le seul but du match. Les Diables mettent l’armada british K.O et arrachent leur 3e victoire consécutive. Ils sont officiellement 1e de leur groupe. Pas forcément un cadeau puisqu’ils sont reversés dans la partie de tableau du Brésil, de l’Argentine ou de la France. Mais avant, il va falloir venir à bout du Japon, en 8e de finale…
Le Nippon des miracles envoie les Diables en quarts (2-3)
Ce qui est fou en football c’est que ce ne sont pas toujours les matches les plus alléchants sur papier qui entrent dans l’histoire. Ce Belgique-Japon, programmé en 8e de finale du Mondial, n’avait a priori pas grand-chose pour entrer dans la légende. Les Belges étaient favoris et semblaient bien décidés à poursuivre sur leur belle lancée.
Mais ce qui est tout aussi fou en football, c’est que parfois, tout peut aller très vite. Entre la 48e et la 52e minute d’un match qu’ils maîtrisent pourtant (stérilement), les Belges perdent pied. Comme si, subitement, l’enjeu pesait un poids colossal sur leurs épaules. 4 minutes en enfer. 4 minutes qui leur coûtent deux buts. Et qui les oblige à redresser une situation périlleuse. Pas une mince affaire, surtout que ces Diables de Japonais ont de la ressource.
Mais ce qui est encore plus fou en football, c’est que même les situations les plus mal embarquées peuvent être renversées. Chanceux, Jan Vertonghen, coupable sur le 1e but japonais, sonne un début de révolte d’une tête-centre qui surmonte Kawashima. Dans la foulée, l’inévitable Marouane Fellaini déploie sa longue carcasse pour égaliser. Soulagement énorme dans les rangs belges.
Mais rien n’est fini. Le marquoir est toujours figé sur un score de parité (2-2) qui envoie les deux équipes virtuellement en prolongation. Et même rattrapés, les Japonais semblent déchaînés. Ils se forgent un ultime corner, aux confins du temps additionnel. Il est mal botté, Courtois cueille le ballon. Il dégage vite, très vite dans les pieds de Kevin De Bruyne. Le maestro a le ballon collé dans les pattes. Il avale les mètres et décale Thomas Meunier. Le centre en un temps est parfait, Romelu Lukaku laisse filer. Nacer Chadli est là, seul, dans la surface pour reprendre : 3-2 ! Les miracles existent, les Diables sont qualifiés pour les quarts. Revenus des enfers, ils s’apprêtent désormais à affronter le grand Brésil.
Courtois tentaculaire, De Bruyne en patron, le Brésil écœuré (1-2)
Et ils auront beau dire ce qu’ils veulent, quand on affronte l’une des plus grandes nations du football mondial, il y a forcément un tantinet d’appréhension au moment de fouler la pelouse. A fortiori quand on s’apprête à disputer un quart de finale d’un Mondial.
Pour la 1e d’ailleurs, les Belges ne sont peut-être pas placardés grandissimes favoris de cette rencontre. Peut-être parce que le Brésil, malgré des résultats un peu moins glorieux, reste le Brésil.
Il faut donc aborder cette rencontre avec sérieux et avec une certaine humilité. Deux qualités qui se dégagent d’emblée du onze belge. Les hommes de Martinez répondent présents et tiennent le choc.
Au quart d’heure, Fernandinho est poussé à la faute et trompe son propre gardien. Vingt minutes plus tard, Kevin De Bruyne nous sort sa spéciale et double la mise d’une frappe lointaine mais diablement vicieuse. Les Belges mènent 2-0, on croit rêver tant le scénario idyllique se présente.
Mais encore faut-il tenir. Jamais la plus mince des affaires en football. Tenir sans trop reculer. Laisser l’adversaire jouer sans tendre le bâton pour se faire battre. Heureusement pour ce faire, Thibaut Courtois est là. Malgré un but concédé à Renato Augusto, le Belge est partout. Tentaculaire, gigantesque pour arrêter tous les ballons. Son arrêt magistral sur une ultime frappe de Neymar à la 93e sonne le glas des ambitions brésiliennes. La Belgique est en demi-finale !
"Casse l’enthousiasme comme Samuel, Samuel Umtiti…" (0-1)
Belgique-France, un duel fratricide pour une place en finale. Deux équipes, deux styles, un parterre de stars et au final l’une des plus grandes désillusions de l’histoire récente de notre équipe nationale.
On ne refera évidemment pas l’histoire mais face à la France ce jour-là, il y a la place pour passer. Encore faut-il parvenir à contourner le bloc ultra-solide des Bleus. Auteurs de 14 buts en 5 matches, les Diables n’y parviennent pas.
Leur domination est stérile, leurs tirs sans danger, leur tension palpable. Les sourires, si prégnants sur les visages belges quelques jours plus tôt, ont eux aussi laissé place à un masque de concentration.
En face, la France, elle, plus rodée à ce genre de joutes, joue son jeu. Sans briller, sans impressionner, sans même jouer bien. Mais en jouant intelligemment et surtout en laissant passer l’orage. La fenêtre de tir s’ouvre finalement juste avant l’heure de jeu. Antoine Griezmann botte un corner. Samuel Umtiti s’isole entre les crânes de Toby Alderweireld et Marouane Fellaini. Sa reprise est parfaite, sa célébration iconique.
Thibaut Courtois ne peut rien faire, les Diables sont à terre. Appliqués en poules, héroïques face au Japon, cyniques contre le Brésil, ils se sont fait prendre à leur propre jeu. Impitoyable, la France file en finale et laisse, derrière elle, la Belgique et sa montagne de regrets.
Le bronze face à l’Angleterre pour retrouver des couleurs… et écrire l’histoire (2-0)
Pour beaucoup, le plus dur après la désillusion française c’est de rebondir. Parvenir à retrouver ses esprits pour s’offrir l’Angleterre dans la petite finale et signer le meilleur résultat de l’histoire de notre pays en Coupe du monde. Les Diables en sont-ils capables ?
Sur le terrain, ils donnent très vite un élément de réponse. Après quatre minutes, Thomas Meunier envoie déjà valser les espoirs anglais en déflorant la marque. En face, la révolte anglaise est timide et on sent ces Diables plutôt sereins.
Peut-être trop sereins… à l’heure de jeu, Eric Dier efface Thibaut Courtois et croit égaliser. Il faut un sauvetage miraculeux de Toby Alderweireld à-même la ligne pour garder le zéro. Le tournant du match.
À dix minutes du terme, Eden Hazard plante le but du K.O et met fin au suspense. Les Diables inscrivent leur 16e but du tournoi et arrachent une somptueuse médaille de bronze. Ils font mieux que la génération 86, référence en la matière depuis plus de 30 ans.
Après le match, les sourires sont sincères, les scènes de joie réelles. Les Diables sont fiers d’eux. Et ils peuvent l’être. Même si, au fond d’eux, on imagine qu’un infime goût d’inachevé persiste toujours. Celui d’être passé à quelques détails de la montre en or. Mais bon, à quoi ça sert de ressasser le passé ?