Hainaut

Mons : des conseils communaux interminables, bienfait ou danger pour la démocratie locale ?

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C’est un haut lieu de la démocratie locale: le conseil communal. C’est là que les élus locaux débattent et participent à la gestion de la commune et où les citoyens peuvent interpeller leurs élus. À Mons, ce conseil communal a une particularité : il dure longtemps, très longtemps. Parfois jusqu’à 11 heures de débat. Majorité et opposition se rejettent la responsabilité de ces conseils sans fin.


►►► À lire aussi : Mons : les conseils communaux avancés de plusieurs heures pour éviter de finir dans la nuit… Et envoyer un message à l’opposition


Une situation qui dure depuis 2016 et le passage du groupe Mons en Mieux dans l’opposition (MR à l’époque). Depuis, ce groupe offre une opposition féroce à la majorité PS-Ecolo. Les débats sont rudes, parfois violents. Vrai travail démocratique pour les uns, tactique politique qui vise à épuiser pour les autres. Mais des conseils aussi longs ne sont-ils pas un danger pour la démocratie locale ? Nous avons assisté au dernier conseil communal du mardi 21 mars pour y voir plus clair.

Trop de prise de parole

Il est 16h15 lorsque le bourgmestre de Mons, Nicolas Martin, ouvre la séance en souhaitant la bienvenue à ses collègues. Une septantaine de points sont à l’ordre du jour. Presque tous les conseillers ont amené de quoi se sustenter, certains commandent des repas, la soirée s’annonce longue et elle le sera.

Durant de nombreuses heures, les échanges se concentreront principalement entre le groupe Mons en Mieux et la majorité PS/Ecolo. Des joutes verbales parfois vives mais souvent constructives. Le bourgmestre doit régulièrement rappeler les conseillers à l’ordre, qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition. Pour Nicolas Martin, cette situation des conseils à rallonge est à imputer au groupe Mons en Mieux de Georges-Louis Bouchez.

Je pense qu’on pourrait avoir des débats beaucoup plus efficaces s’il n’y avait qu’une seule prise de parole.

 

"On a déjà fait à plusieurs reprises des chronométrages du temps de parole par groupe politique. On a vu qu’il y avait un groupe qui représente moins d’un quart des élus au conseil et ce groupe monopolise plus de trois quarts du temps de parole. On remarque qu’il est impossible pour certains groupes d’avoir une seule expression sur chacun des dossiers inscrits à l’ordre du jour. La tradition, que ce soit au parlement ou dans les conseils communaux ailleurs en Wallonie, c’est que chaque groupe s’exprime (une fois) sur un point. Ici, le principal groupe de l’opposition (Mons en Mieux) aime multiplier les interventions, ce qui allonge inutilement les débats. Je pense qu’on pourrait avoir des débats beaucoup plus efficaces s’il n’y avait qu’une seule prise de parole, voire deux pour chaque point à l’ordre du jour", déplore Nicolas Martin.

Nicolas Martin, bourgmestre de Mons

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Les multiples casquettes du bourgmestre

Les interventions à répétition des conseillers Mons en Mieux seraient donc une tactique volontaire pour faire durer les débats selon la majorité. Une accusation balayée par Georges-Louis Bouchez, chef de file de Mons en Mieux. Il pointe plutôt Nicolas Martin comme responsable de cette situation : "Je pense qu’il y a une difficulté majeure, c’est que la présidence du conseil communal est réalisée par le bourgmestre. Donc ici le bourgmestre joue à la fois le rôle de chef du collège, de chef de file du parti socialiste et en plus d’arbitre des débats. À un moment ça ne va plus", réagit Georges-Louis Bouchez.

Dès que nous interrompons, on nous rappelle à l’ordre mais les socialistes peuvent nous interrompre à de multiples reprises.

"D’ailleurs on le voit dans ses prises de parole. De temps en temps, il attribue la parole puis il revient derrière pour vous attaquer. Soit parce qu’on a attaqué le collège, soit le parti socialiste au sens strict puisqu’il est président aussi de la fédération PS de Mons Borinage. Et donc ce mélange des rôles fait qu’on a du mal à avoir un débat qui, à nos yeux, est correctement cadré et qui se fait de façon assez juste et égalitaire. C’est-à-dire que dès que nous interrompons, on nous rappelle à l’ordre mais les socialistes peuvent nous interrompre à de multiples reprises", répond le président du MR

Quant au nombre d'intervention des conseillers Mons en Mieux, il estime réaliser avec ses conseillers un réel travail d’opposition auquel le PS montois n’était plus habitué. "On ne va pas non plus s'interdire d'intervenir parce que les débats sont longs. C'est le monde à l'envers. Vous savez, il y a dans le monde des régions où il n'y a pas beaucoup de débat, ça s'appelle la Chine ou encore la Russie".

Georges-Louis Bouchez, chef de file du groupe Mons en Mieux

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Des citoyens désintéressés

Mons en Mieux n’est pas la seule force d’opposition à Mons. Il y a aussi le PTB, un conseiller indépendant et les Engagés. Du côté de l’ancien cdH, on déplore cette situation qui se résume en un conflit entre le PS et Mons en Mieux. Une sorte de reflet de ce qui existe à d’autres niveaux de pouvoir mais qui risque aussi de pousser les citoyens à se désintéresser de la politique locale selon Yves André, conseiller des Engagés : "On en arrive à une situation où les citoyens ne suivent plus les débats". Yves André s’inquiète aussi que des conseils si longs ne fassent fuir de potentiels futurs candidats aux élections communales.

Yves André, conseiller communal des Engagés

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Des guerres d’ego

Retour à la majorité avec cette fois l’avis de l’échevine Ecolo Charlotte Dejaer. Elle pointe trois causes à ce climat politique délétère et une crainte, celle de voir la situation empirer à l’approche des élections d’octobre 2024. "La difficulté c’est la répétition, la guerre d’ego et alors le fait de monter dans les tours et de s’énerver, c’est ça qui fait durer les débats". L’échevine Ecolo qui tente des pistes de solutions et notamment de limiter le nombre d’intervention à une ou deux personnes par groupe pour chaque point à l’ordre du jour.

Charlotte Dejaer, échevine Ecolo

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Le juste milieu

Reste les citoyens pour qui le conseil communal devient peu à peu inaccessible avec des débats aussi longs. C’est d’ailleurs une des conséquences soulignée par Pierre Vercauteren, professeur en sciences politiques à l’UCLouvain-Fucam. "Il est important de trouver le juste milieu entre des débats qui doivent être menés parce qu’on est au cœur de la démocratie la plus proche des citoyens. Mais d’un autre côté, trop de débat tue le débat, ce qui risque d’avoir un effet de désintérêt de plus en plus marqué des citoyens à l’égard de ces débats politiques qui semblent de plus en plus leur échapper". Le politologue de l’UCLouvain-Fucam redoute que la situation au sein du conseil communal empire avec l’arrivée du scrutin de 2024.

Pierre Vercauteren, professeur en sciences politiques à l'UCLouvain-Fucam.

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Il sera près de 3 heures du matin au moment de quitter le conseil communal après 10h30 de débat. Une très longue soirée comme attendu. S’il semble indispensable que les élus locaux raccourcissent la durée des conseils communaux pour le bien des Montois et Montoises (mais aussi pour le leur), il faut aussi souligner que chacun des thèmes abordés l’a été en profondeur avec un authentique travail de majorité contre opposition.

10h30 au sein du conseil communal montois

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