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MotherFather, le nouvel album de Petite Noir ou l’art et la manière d’être à l’aise avec l’obscurité

© Vivek Vadoliya

Par Laurenne Makubikua via

Voilà maintenant huit ans que ses fans l’attendaient. MotherFather, le deuxième album studio de Petite Noir vient tout juste de sortir. Le temps d’un entretien, l’artiste revient sur son parcours artistique, son processus créatif et son univers musical.

 

Aussi loin qu’il s’en souvienne, son "premier amour est sans aucun doute la musique". Depuis son plus jeune âge, Petite Noir nourrit son intérêt pour la musique grâce à son environnement familial. "La première chose dont je me souviens, c’est ma famille jouant de la musique dans la maison et d’autres moments de ce genre. J’ai appris et je suis tombé amoureux de la musique en regardant MTV. J’ai grandi dans cette génération MTV et de la télévision de manière générale. Je regardais tout le temps la TV et ça s’est avéré être très inspirant. À chaque fois que je voyais un instrument, surtout la guitare, cela m’inspirait encore plus et me donnait envie d’en jouer. Mon cousin avait une guitare et je ne la lâchais pas des mains. J’ai fini par apprendre comment en jouer de moi-même et j’en suis encore plus tombé amoureux quand j’ai compris que je pouvais, en fait, créer des chansons. Et c’est ce sentiment de création qui a vraiment nourri mon amour pour la musique."

Il évolue alors dans la musique congolaise de ses parents et différents genres musicaux proposés par MTV. En grandissant, il découvre le métal, le hard-core et le punk. "Ce type de musique a vraiment inspiré mes débuts. Surtout au lycée, où je faisais partie d’un groupe de musique. Ça a aussi vraiment inspiré ma façon de produire aujourd’hui, en tant que Petite Noir". Après avoir fait ses premiers pas en tant que chanteur et ses premières armes en tant que producteur au sein de ce groupe, grandit en lui l’envie d’offrir ses propres idées au plus grand nombre. Pour ce faire, il lui faut un nom et ce sera celui de Petite Noir. "Ça m’est venu totalement au hasard, de manière inconsciente pour être honnête. C’est le premier nom qui m’est arrivé à l’esprit et je me suis dit qu’il était assez unique à cause du "e" dans "Petite" et l’absence du "e" dans "noir". La manière dont je l’écris aux genres masculin et féminin, c’est une idée que j’aimais bien. "

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Animé par le besoin de mêler toutes ces influences dans sa musique, il crée un tout nouveau genre qu’il appelle Noirwave. "J’ai deux sortes d’influences assez différentes. Au début, je cherchais surtout à réunir ces deux éléments ensemble. Je voulais trouver comment apporter ces types de sons plus agressifs et les mélanger à une esthétique africaine (pour avoir cette base africaine). C’est en gros ce qu’est la Noirwave." Mais ça, c’était il y a maintenant dix ans, au début de sa carrière solo.

Huit ans après son premier album, les ambitions sont quelque peu différentes même si l’intention reste la même pour ce nouvel opus : "J’ai essayé différents sons. MotherFather propose toujours ce son plus gros et plus agressif qui m’inspire depuis mes débuts. J’ai toujours eu envie d’intégrer mon parcours dans ma musique. S’il y a quelque chose que j’aime vraiment, comment puis-je l’inclure dans le type de musique que je fais ? Donc, pour moi, ma recherche en musique est de savoir comment faire pour que ces deux énergies musicales que j’aime vraiment se mélangent : un son très agressif, de type hard-core, et un son plus afro. Mais je ne considère plus ça comme de la noirwave maintenant. Aujourd’hui, je considère juste ce que je fais comme de la musique. Je cherche juste à réellement m’exprimer."

MotherFather, c’est trois à quatre ans de travail en France, à Londres, à Los Angeles et en partie en Afrique. Des années de conception et des destinations nécessaires pour "explorer d’autres voies, explorer des sons différents, travailler avec différents producteurs". C’est en se laissant guider par son intuition, le courant ou encore le mouvement que Petite Noir parvient peu à peu à tailler sur mesure un album à la hauteur de ses espérances. "J’avais aussi envie de travailler avec des artistes africains. L’idée était de repousser les limites ou les frontières de la musique, mais aussi de créer de belles chansons aux accents pop grâce à ces artistes et à leurs productions. J’avais quelques noms de producteurs en tête et j’ai pu travailler avec certains d’entre eux. Pour ce qui est du choix des morceaux de cet album, je pense que je choisis généralement la couleur que je vois pour les chansons de l’ensemble du projet. Je veux dire par là, des thèmes spécifiques, des couleurs spécifiques qui s’accordent entre elles."

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Dans MotherFather, la trame narrative s’articule autour de questions existentielles et spirituelles : "MotherFather symbolise, en fait, Dieu. C’est un peu comme si le féminin (mother) et le masculin (father) en un créent Dieu. Mais au sens premier du terme, c’est aussi la mère et le père en tant que parents. C’est ce questionnement sur comment se passe ta relation avec Dieu, avec tes parents, avec toi-même. Ça reflète toutes ces conversations avec Dieu et aussi cette sorte d’appel à l’aide pendant les périodes les plus sombres. En fait, il s’agit d’être à l’aise avec l’obscurité. Il y a eu des périodes dans ma vie où j’avais comme besoin de Dieu. Tu sais, quand tu vis ce type de période où tu penses à prier parce que tu ignores où tout cela va te mener. Cet album, c’est un peu comme si on traversait un espace sombre, mais qu’on en sortait à la fin. Je dirais que c’est une sorte de longue prière à soi-même, à Dieu."

Comme le confie l’artiste, cet album a été plutôt thérapeutique pour lui. "Je me guéris aussi en écrivant ce genre de choses. C’est aussi une façon de m’offrir une thérapie à travers l’écriture, le chant, et en réécoutant ce que j’ai créé. Je pense que, pour moi, c’est lorsque je suis le plus en proie à un problème que les choses deviennent beaucoup plus curatives. Je veux dire qu’il est important pour moi d’utiliser mon expérience négative et créer quelque chose de beau à partir de cela."

Cette recherche du beau se matérialise également dans l’aspect visuel du projet. En effet, qu’il s’agisse de la pochette de son album, de ses clips ou des visuels accompagnant les différents singles de MotherFather, le souci du détail ici aussi est présent. "Le visuel du projet est très important pour moi, car il ajoute une couche au gâteau. Il crée une image complète. J’aime faire en sorte que ma musique soit très visuelle en termes de ce que j’amène visuellement parlant, mais aussi simplement en termes de musique. Je veux en quelque sorte englober l’auditeur dans cet univers. Je m’assure que l’ensemble est complet et qu’il s’agit d’une expérience à part entière. Je veux que les choses soient tangibles. Pour moi, le visuel est la dernière pièce du puzzle dans le sens où il termine le puzzle. Ils sont donc très importants et je veux qu’ils se complètent l’un l’autre et qu’ils soient toujours d’une grande qualité."

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Toujours dans cette idée d’offrir une expérience à 360°, la tournée de Petite Noire vient tout juste de démarrer. "Pour cette tournée, il faut s’attendre à un tout nouveau Petite Noir. Il faut s’attendre à quelque chose de nouveau que nous n’avions jamais vraiment vu avant. C’est une sorte de renaissance. C’est quelque chose qui sera beaucoup plus énergique. Le son va être différent par rapport aux tournées précédentes. C’est beaucoup plus organisé qu’il y a quelques années. Ça va être quelque chose de vraiment incroyable. Je suis très enthousiasmé par tout ça. Toute l’équipe est différente, le groupe est différent, donc tout est tout neuf. Bref, je suis impatient". Celui qui est né en Belgique, qui a grandi en Afrique du Sud et vit à présent entre Paris et Londres sera de passage à Anvers ce 4 mai 2023 au Trix.

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