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"Mourir pour des idées" de Brassens, l'un des premiers punks - un punk à moustaches et en polo beige acheté au marché

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" Mourir pour des idées " de Georges Brassens est une chanson de 1972 - parfaitement " à la Brassens ", c’est-à-dire d’apparence simple mais extrêmement complexe – sur un texte kilométrique et truffé de références et de petites énigmes linguistiques. C’est une chanson polémique puisque Brassens y explique que les idées ne valent pas que l’on meure – par exemple au champ de bataille. Un texte qualifié d’antimilitariste par certains, de provocation par les autres. Dans une interview à la télé, Jean-Jacques Goldman avait déclaré que " Mourir pour des idées " était une chanson " obscène ". Confirmant ses propos, dans un entretien à L’Obs, Goldman disait : " Personne n’est tenu d’être un héros. Mais quand - après la guerre - alors que des résistants se sont battus, se sont fait torturer ou fusiller, pour que monsieur Brassens puisse reprendre sa guitare, chanter que toutes les idées se valent, alors oui, je trouve ça obscène. "

 

La chanson attaque ainsi : " Mourir pour des idées. L’idée est excellente. " Une seule strophe et il y a déjà une figure de style. C’est ce qu’on appelle une antanaclase : la répétition d’un même mot pour deux significations différentes.

Et on poursuit : " Mourir pour des idées, l’idée est excellente. Moi j'ai failli mourir de ne l'avoir pas eue (cette idée de mourir pour les idées). Car tous ceux qui l'avaient, multitude accablante. En hurlant à la mort me sont tombés dessus. " Ici, il parle de lui, de sa propre expérience de chanteur et il explique que - ce qu’il est en train de chanter – " Mourir pour des idées " est une réponse à une autre chanson – encore plus polémique – qui avait indigné la France du général de Gaulle en 1962 :

Georges Brassens - Les deux oncles

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" Les deux oncles " est une chanson scandale où il met face-à-face l’ennemi et le combattant, l’allié et l’Allemand, le nazi et le résistant. Et dans laquelle il dit déjà : " Il est fou de perdre la vie pour des idées. Des idées qui viennent et qui font 3 petits tours – 3 petits morts – et puis s’en vont. "

Ce à quoi répond le fameux refrain – absolument magnifique - de l’autre chanson : " Mourir pour des idées, d’accord. Mais de mort lente. " Énorme foutage de gueule de la part de Brassens qui déclare : " Moi, je veux bien mourir pour mes idées mais en vivant le plus longtemps possible. Mourir pour mes idées de mort violente, de mort brutale, en martyre de guerre : ce sera sans moi. "

Toute la philosophie de la chanson est résumée dans cette phrase ironique mais géniale : " Mourir pour des idées, d’accord. Mais de mort lente. "

 

Et la critique du système des idées, et de la mécanique de l’engagement politique se poursuit avec ces mots assassins. Pire que tout, des mots sans pitié prononcés de façon détachée, comme si on avait quelque chose de plus important à faire – par exemple, vivre – plutôt que de défendre ses idées : " Jugeant qu'il n'y a pas péril en la demeure. Allons vers l'autre monde en flânant en chemin. Car, à forcer l'allure, il arrive qu'on meure. Pour des idées n'ayant plus cours le lendemain. Or, s'il est une chose amère, désolante. En rendant l'âme à Dieu c'est bien de constater. Qu'on a fait fausse route, qu'on s'est trompé d'idée. " Cette notion du " rien à foutre de vos idées à la con " fait de Brassens l’un des premiers punks – un punk à moustaches et en polo beige acheté au marché.   

 

On y trouve de petites énigmes linguistiques… Exemples. Il parle des " Saint Jean Bouche qui prêchent le martyre " (le martyre de la guerre). Les Saint Jean Bouche, ce sont des " beaux parleurs ". L’expression fait référence à Saint-Jean, orateur hors-pair dont le surnom Chrysostome signifie – en grec – " bouche d’or ".

En parlant toujours du monstre de la guerre, il dit " Les dieux ont toujours soif, n'en ont jamais assez. Et c'est la mort, la mort toujours recommencée. " Et là, il fait écho à " la mer, la mer toujours recommencée ", sampling du poème de Paul Valéry – " Le cimetière marin ". Il y a beaucoup d’autres subtilités linguistiques.

Et puis, il y a des punchlines comme : " Mourir pour des idées, c'est bien beau mais lesquelles ? "…

 

Écoutez " Mourir pour des idées " de Georges Brassens :

[HQ] Georges Brassens - Mourir pour des idées

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« Mourir pour des idées » de Georges Brassens

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