C’est un arrêt de douze pages qui rétablit la bourgmestre dans son écharpe. Les magistrats commencent par apprécier l’urgence et la recevabilité de la requête. Certes, Muriel Targnion a déjà subi un préjudice, puisque la motion qui la débarque la déclare inapte à l’exercice de sa charge, mais ce serait plus grave encore de ne pas la laisser récupérer son titre, dès lors qu’elle a expressément manifesté l’intention de reprendre sa place à l’hôtel de ville si elle est rétablie dans ses fonctions.
Le raisonnement juridique qui suit est relativement complexe. Il se concentre sur le cas de l’échevine Sophie Lambert. Dans le cadre de la motion de méfiance "mixte", elle a été personnellement visée par une motion de méfiance "individuelle". Mais ce texte ne la vise pas expressément comme potentielle bourgmestre. Si elle laisse investir un élu de sa liste avec moins de voix de préférence qu’elle, c’est qu’elle renonce à exercer cette fonction. Elle ne peut donc plus siéger comme échevine non plus. Et, puisqu’il n’y a eu qu’un seul vote au conseil communal, les aspects individuels et collectifs ne peuvent pas être dissociés. C’est toute l’opération qui est irrégulière.
Blocage pendant un an
Il aurait donc fallu procéder dans l’ordre : une motion collective contre le collège, puis installer Hassan Aydin, puis le destituer, puis installer Sophie Lambert, puis la destituer, jusqu’à arriver à Jean François Istasse, porté par un nouveau pacte de majorité. Mais apparemment c’est trop tard pour recommencer : avec la suspension, la motion de méfiance perd tous ses effets dans l’immédiat, mais elle n’est pas annulée, elle existe toujours, jusqu’à une décision définitive du Conseil d’Etat. Et selon le code wallon, il faut un délai d’un an avant de représenter une motion de méfiance. Du côté socialiste, cette lecture est contestée. La bataille des prétoires n’est pas terminée.
Muriel Targnion réagit: "Des instances nous permettent de faire respecter la loi, et ça, ça fait du bien"
"Quand on est élu, on prête serment d'obéissance à la loi, et on avait le sentiment, Alexandre Loffet et moi-même, que la loi avait été complètement contournée par le dispositif qui avait été mis en place pour m'évincer" explique Muriel Targnion. "Ici, on a la plus haute instance administrative de notre pays qui annonce qu'elle pense qu'effectivement, la loi a été complètement contournée. C'est la preuve que, quand on est élu, encore plus que quiconque, on ne peut pas faire ce qu'on veut, la démocratie a des instances qui nous permettent de faire respecter la loi, et ça, ça fait du bien".
Concrètement, Muriel Targnion peut retrouver dès à présent son bureau: "Immédiatement, je suis redevenue bourgmestre, mais je suis quelqu'un de correct et je ne vais pas aller mettre Monsieur Istasse dehors dans la minute. Vu qu'on est vendredi, je reprendrai mon bureau lundi matin. On a déjà prévu -la directrice générale le souhaitait- un collège cette fin d'après-midi".
Muriel Targnion repart avec l'ancienne majorité, mais la situation est politiquement toujours très bloquée: "C'est sûr qu'il y a eu des tensions, des crises très graves, mais je pense qu'on est aussi des adultes responsables".