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Mystère à Cognelée : d'où vient cet anti-inflammatoire retrouvé sur une carcasse ?

© Bergerie des Fauves Laineux

Comment vérifier que les produits alimentaires qui parviennent jusqu'à nos assiettes sont bien conformes aux règles en vigueur ? Comment garantir leur traçabilité tout au long de la chaine, du producteur au consommateur en passant par les intermédiaires qui peuvent être plus ou moins nombreux selon les filières ? Autant de questions en filigrane d'une affaire qui oppose la Bergerie des Fauves Laineux (Cognelée, Namur) à l'Agence fédérale pour la sécurité de la chaine alimentaire (AFSCA).

Le 25 janvier dernier, à l'abattoir de Gedinne (Province de Namur), l'AFSCA procède à un prélèvement sur plusieurs animaux abattus ce jour-là. Comme l'exige la procédure, le choix est effectué de manière aléatoire et se porte notamment sur une certaine carcasse de mouton. Une concentration anormalement élevée d'un anti-inflammatoire y est alors détectée, du Meloxicam, à un taux dépassant pratiquement deux fois la limite autorisée.

Une inspection qui ne donne rien

L'étiquetage de la viande permet de relier la carcasse à la Bergerie des Fauves Laineux à Cognelée. Rapidement mis en cause, l'éleveur Julien Artoisenet et sa compagne Adèle Selvais se défendent alors d'être responsables de cette contamination. Car, en effet, il apparait que leur élevage n'a jamais fait usage de ce traitement médical bien spécifique. "On en a jamais eu ici à la ferme pour la simple et bonne raison qu'il n'est pas utilisé pour les moutons en général mais plutôt pour les bovins" explique t-il d'emblée, "On tient un registre de médicaments, tous nos papiers sont en ordre ainsi que ceux de notre vétérinaire".

L'enquête menée sur place par l'AFSCA ne permettra d'ailleurs pas d'obtenir la moindre indication sur un usage de Meloxicam. "Nous avons entendu l'exploitant et son vétérinaire, vérifié le registre, et rien jusqu'à présent n'a permis de déterminer les raisons de la présence de ce produit dans l'échantillon de viande" reconnait Aline Van Den Broeck, porte-parole de l'agence fédérale.

Un contrôle renforcé qui ne passe pas

Le risque sanitaire continuant donc de peser sur la chaine alimentaire et les consommateurs, la provenance du Meloxicam n'étant toujours pas identifiée, l'AFSCA décide alors d'approfondir ses recherches et notifie à la bergerie namuroise son intention de la surveiller plus étroitement encore. "On doit évidemment continuer à enquêter, raison pour laquelle la Loi prévoit que l'on soumette l'exploitation à un contrôle renforcé pour une période de huit semaines. Cela veut dire que si des animaux sont emmenés à l'abattoir, nos vétérinaires vont prélever un échantillon par dix animaux. Pendant toute cette procédure, l'éleveur peut continuer à commercialiser sa viande".

Julien Artoisenet ne décolère pas depuis qu'il a pris connaissance de cette décision alors qu'il faudrait plutôt, estime t-il, investiguer les autres maillons de la chaine de production de viande : "Ce qu'on ne trouve pas normal c'est que l'AFSCA nous demande d'apporter une explication alors que nous n'avons pas les moyens de mener l'enquête à leur place. Ce qu'on leur reproche aujourd'hui, c'est d'arrêter l'enquête à ce stade-ci et de nous faire porter le chapeau alors qu'il y a plein d'autres explications possibles: les carcasses sont manipulées à l'abattoir, il peut y avoir une contamination au moment de la prise d'échantillon, pendant le transport ou l'analyse en laboratoire. Toutes ces pistes là doivent être creusées autant que celle de l'éleveur !"

Du côté de l'AFSCA, si l'on admet que le risque zéro n'existe pas, on réfute, à ce stade, l'hypothèse d'une faille dans la procédure d'analyse ou d'une erreur de manipulation. "Avant de prendre une telle décision, on fait des double check et on s'assure d'éviter au maximum toute erreur potentielle" assure la porte-parole Aline Van Den Broeck, "On est quasi sûrs qu'il s'agit des bons échantillons et qu'il s'agit bien d'un animal de cet élevage là. De manière générale, il n'y a pas de sécurité alimentaire à deux vitesses, donc il n'y a pas de traitement différent entre des grosses industries ou des petits opérateurs. Il faut agir tous ensemble pour assurer la santé publique et, en l'occurrence, pour éviter que des résidus de médicaments se retrouvent dans l'assiette des consommateurs".

Un recours possible

Puisqu'ils s'opposent à cette décision de l'AFSCA, Julien Artoisenet et Adèle Selvais auront la possibilité de faire valoir leurs objections et demander qu'on réexamine leur dossier, ce qu'ils ont bien l'intention de faire : "On va rédiger une objection, sans doute avec l'aide d'un avocat, et évidemment on va solliciter le fait de pouvoir être entendus par cette commission d'évaluation."

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