C’est par l’escalier d’honneur, tout en chêne, aux marches incurvées et à la rampe sculptée de lyres qu’on découvre le vestibule de l’étage. Chermanne y a élevé une rotonde sur deux étages, de plus de 12 m de haut! Sa blancheur rehaussée de motifs en stuc rococo éblouit et irradie de lumière. Comme les courettes intérieures que l’architecte a conçues au rez-de-chaussée, c’est bien à l’intérieur d’un puits de lumière qu’on se trouve. Plus encore, Chermanne a créé des fenêtres intérieures dans la cage d’escalier et au-dessus des portes afin d’apporter dans les petits couloirs et les salons la clarté si désirée.
Les chambres et antichambres de l’étage, à l’aspect moins riche qu’au rez-de-chaussée, étaient réservées à l’intimité et desservies par des petits couloirs dont certains sont accessibles. Elles ont pour la plupart été aménagées en salon aujourd’hui. On y découvre les monumentales armoires namuroises à forte corniche et inspirées des confessionnaux d’églises, le goût immodéré pour les statuettes en terre cuite ou faïence représentant tantôt des amours sous forme de Cupidon, tantôt des petits couples comptant fleurette. Plus loin, un clavecin de la célèbre famille des facteurs d’instrument anversois Ruckers en impose par son baroquisme. Tout près, une ancienne cheminée de bois a survécu aux travaux d’agrandissement de Chermanne, qui lui préférait le marbre. Elle est sans doute un des vestiges de l’ancien refuge de l’abbaye de Villers englobé dans le bâtiment. Deux salons illustrent le jeu, divertissement particulièrement apprécié au 18e siècle. On y voit un jeu de loto ou de cavagnole si l’on pariait de l’argent. Chaque carton est peint à la main, représentant des métiers de l’époque autour d’un médaillon central illustrant des paysages ou des bâtiments de la région namuroise. Une antique paire d’échasses et des tableaux anciens illustrent plus loin cette très ancienne tradition namuroise des échasseurs, comme on dit ici !
Par un petit couloir contournant l’escalier, on accède aux appartements de Madame. Le boudoir d’abord, avec ses hautes fenêtres et ses toiles peintes de paysages idylliques dans lesquels des paysans vaquent à leurs occupations près de ruines antiques imaginaires. On se trouve ici presque dans un pavillon à portique au centre de la Nature. Une Nature rêvée, idéalisée, bien loin de la réalité tragique de l’époque… Près d’une crinoline en papier de l’artiste Isabelle de Borchgrave, une robe posée à même un fauteuil attend sa maîtresse. Plus loin, on découvre la chambre de celle-ci et son alcôve intime bordée de tentures roses et fleuries. Voici la salle de bain qu’on devine par une porte entrebâillée. La baignoire cuivrée est garnie de linge blanc pour protéger la peau et garantir la douceur du moment. Les onguents sont prêts. Il en aura fallu des siècles pour qu’on découvre à la fin du 18e, les vertus du bain chaud. En repassant par la chambre, on imagine Madame terminant sa mise en beauté assise à sa coiffeuse…
Enfin, ne manquez pas, au sortir du musée, de visiter la cuisine des maîtres. On y est impressionné par l’immense cheminée qui permettait d’y faire cuire un sanglier, par son authentique potager, sorte de fourneau pour la cuisson sur braise mais plus encore par les centaines de carreaux de faïence de Rotterdam, dans le style de Delft, qui recouvrent les murs.
Comme Jacquouille la Fripouille et Godefroid de Montmirail qui y firent une incursion, les visiteurs quittent le musée comme on sort d’un voyage dans le temps…