Environnement

Natagora : "Tondez moins et vous aurez davantage d’espèces d’oiseaux", explique Anne Weiserbs, ornithologue

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Par Marie-Laure Mathot sur base d'une interview de Sophie Brems

Sortez vos jumelles. Ouvrez grand les yeux. Ce week-end se déroule le grand recensement des oiseaux de jardin. Natagora fête cette année les 20 ans de l’opération. À l’occasion, Anne Weiserbs, ornithologue, rappelle le double objectif de l’opération.

D’abord, c’est "donner envie aux gens de s’intéresser à la nature et pour nous, ça nous permet de voir ce qui se passe dans des zones où normalement on n’a pas accès. Et en hiver justement, les oiseaux viennent plus facilement, viennent plus près des maisons et donc sont plus faciles à observer. Donc c’est un bon moment pour inciter les gens à nous aider."

Un seul oiseau, encodez quand même

Pas besoin pour cela d’avoir un grand jardin. "C’est important aussi pour nous de savoir dans les jardins où il n’y a pas beaucoup d’oiseaux justement. Sinon c’est biaisé en faveur des jardins qui ont beaucoup de données. Donc, si vous n’observez rien, si vous observez un seul oiseau, encodez quand même, ce sont des résultats importants pour nous."

Normalement, il y a des oiseaux partout, toujours, tout le temps. Mais en 20 ans, il y a eu d’évolution. S’il y a plus d’oiseaux dans les jardins, ce n’est pas forcément un signal positif. "On sait que les espèces sont en diminution, on sait que c’est parce que les habitats sont de plus en plus détruits et donc si les oiseaux viennent de plus en plus au jardin, c’est parce qu’ils y trouvent un refuge en hiver et parce que c’est là qu’ils vont trouver la nourriture qui se trouve peut-être moins facilement ailleurs."

Faut-il nourrir les oiseaux ?

Se pose alors une question : faut-il nourrir les oiseaux ? Parce que s’ils reviennent au jardin, c’est parce qu’on les nourrit et donc ils ne vont plus dans leur habitat plus large, dans les champs voisins.

Nourrir proprement

"On peut nourrir pour avoir le plaisir de les observer plus près, mais dans ce cas-là, il est important de savoir qu’il vaut mieux nourrir bien que nourrir mal. On peut faire du tort en donnant de la nourriture qui va être renouvelée trop rarement et qui pourrait se pourrir. Si on nourrit sur des supports en forme de plateau où les oiseaux vont venir se poser sur la nourriture, vont venir faire leur fiente sur la nourriture, dans ce cas-là, on va favoriser la propagation des maladies et donc là c’est mieux de rien faire que de faire quelque chose comme ça. Donc si on nourrit, oui c’est proprement."

Comment ? Plusieurs éléments donnés par Anne Weiserbs :

  • Dans des silos verticaux à graines où les oiseaux vont se poser sur le petit support et vont aller chercher les petites graines plutôt que se poser sur la nourriture.
  • On peut disperser la nourriture un peu plus dans le jardin, mettre un peu au sol de sorte que les oiseaux n’aillent pas tous concentrés au même endroit.
  • Il faut vraiment essayer d’éviter l’agglomération à l’endroit où les oiseaux vont faire leur fiente.

Mieux vaut mettre l’accent sur l’habitat que de donner à manger. "Ce qui est très important, c’est que le jardin donne un milieu accueillant. C’est bien plus important que le jardin soit diversifié, qu’il y ait des buissons, qu’il y ait des arbres à bais, etc."

Le réchauffement climatique change la biodiversité

Le nourrissement amène également des changements dans la biodiversité : on observe même en hiver, des oiseaux qu’on ne voyait pas auparavant.

"On voit notamment des espèces qui normalement sont absolument absentes tout l’hiver. De plus en plus, ces espèces sont présentes pendant l’hiver et certaines de ces espèces-là maintenant sont observées chaque année."

Par exemple, en Grande-Bretagne, la fauvette à tête noire voit sa population qui se développe en lien avec ce nourrissage. Mais ce n’est pas le seul facteur. Le réchauffement climatique joue un rôle plus important encore que le nourrissage.

Une fauvette à tête noire
Une fauvette à tête noire © Sandra Standbridge

Mais les espèces les plus répandues chez nous restent toujours les mêmes. "On a une constante au niveau du top dix : le rouge-gorge, le pigeon ramier, les mésanges charbonnières, mésanges bleues. Ces espèces-là, elles sont plutôt stables. Les espèces très communes, ce sont les espèces qui sont les moins exigeantes. Et donc au fil de l’opération, on constate qu’elles ont une bonne stabilité."

Une mésange charbonnière
Une mésange charbonnière © Getty images

Les observateurs auront aussi observé de plus en plus de corvidés : des corbeaux, des corneilles. "Les corvidés, le public ne les aiment pas beaucoup. Pourtant, les gens fabriquent des jardins attractifs pour ces espèces-là. Donc il y a un petit paradoxe de ce côté-là. Si vous n’aimez pas les pies, les corneilles, il vaut mieux éviter d’avoir de grandes pelouses avec juste un ou deux arbres et un jardin extrêmement dépouillé parce qu’ils aiment bien se balader dans l’herbe, ces oiseaux-là, pour chercher la nourriture dans la pelouse."

Une corneille
Une corneille © Getty images

Donc, si vous voulez davantage de biodiversité :

  • Tondez moins souvent.
  • Mettez des buissons,
  • Mettez des zones avec des herbes plus hautes,
  • Variez la structure.

"Et vous observez au moins de corvidés même s’ils ont un rôle important."

L’ornithologue reconnaît que "les pies, on ne les aime pas trop parce que pour se nourrir, elles viennent prélever dans les nichées des petits passereaux." Mais c’est parce qu'’il y a une trop grande pression. "Elles ne trouvent pas à manger ailleurs. Donc, améliorez la qualité d’accueil de votre jardin et vous aurez plus d’espèces et plus de plaisir."

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Le 02/02/2023

A vos jumelles, le dénombrement des oiseaux , c'est ce week-end!

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