Nestlé s’invite sur Minecraft : sensibilisation ou greenwashing ?

À partir de ce 10 novembre, Nestlé ouvre un serveur sur Minecraft, le jeu vidéo le plus vendu de l’histoire, dédié à l’agriculture dite "responsable". Appelé Farmtopia, ce lieu virtuel a pour objectif de sensibiliser et questionner les nouvelles générations aux sujets de l’agriculture responsable et de la biodiversité.

Le concept est simple : grâce aux mécaniques de cultures présentes dans le jeu, les joueurs pourront prendre le rôle d’agriculteurs et comprendre les enjeux de la protection de l’environnement dans ce secteur. Lors de la première saison, les gamers pourront entretenir les sols pour qu’ils restent fertiles ou encore de se pencher sur des thématiques comme l’agroforesterie.

Mais Nestlé ne s’arrête pas là !

Participer aux activités dans Farmtopia permettra de gagner des points, et ces points cumulés débloqueront des actions dans la vie réelle.

Mathieu Ovaert, Directeur du Numérique chez Nestlé, explique : "Au bout de 40.000 points gagnés par la communauté Farmtopia, 12.000 haies seront plantées par Nestlé France. 10.000 haies supplémentaires seront plantées une fois le cap de 80.000 points atteints." Donc, plus il y aura de joueurs sur Farmtopia, plus Nestlé financera la plantation de haies dans la vie réelle.

D’ailleurs, au-delà des 120.000 points, l’industriel s’engage à aider la transition de 150 agriculteurs des Hauts-de-France vers l’agriculture régénératrice (en lien avec l’ONG Fondation Earthworm).

La définition du greenwashing selon Larousse : technique de marketing utilisée dans le but de se donner une image écologique trompeuse. Les entreprises qui font du greenwashing mettent en avant des préoccupations environnementales qu’elles sont loin d’avoir dans leurs pratiques. (On parle aussi d’écoblanchiment ou de blanchiment vert)

Depuis le début de cette année, le numéro un de l’agroalimentaire mondial a enregistré un chiffre d’affaires en hausse de 9,2%.

Selon nos confrères du Temps, quotidien suisse francophone, Nestlé “se joue de l’inflation” et affiche une santé insolente. “Le pouvoir de fixation des prix du leader mondial de l’agroalimentaire lui a permis d’en répercuter leur hausse sur les consommateurs”, explique le quotidien suisse. Sur les 8,5% de croissance interne depuis début 2022, “7,5% sont imputables à l’augmentation des prix”. La Libre Eco a récemment rédigé un article sur ce phénomène.

Pour rappel, Nestlé est un conglomérat de marques, allant de Vittel à Nesquick en passant par Nespresso, Friskies ou Häagen-Dazs. Vous pouvez consulter la liste des marques possédées par Nestlé sur leur site web.

Le traitement de l’eau par la firme s’est également avéré problématique à plusieurs reprises. Dans une interview donnée en 2005 pour le documentaire We Feed the World, l’ancien CEO de Nestlé Peter Brabeck-Letmathe déclarait que selon lui "l’eau était une denrée comme les autres, qu’elle avait une valeur marchande et qu’il fallait la privatiser".

Il reviendra sur ses propos plus tard, en disant qu’il considérait évidemment l’eau comme un droit humain et que ses remarques ont été sorties de leur contexte. Il se retirera de sa fonction à Nestlé en 2008.

les ONG ont un avis extrême quant au problème de l’accès à l’eau. Ils souhaitent que l’accès à l’eau soit nationalisé, c’est-à-dire que tout le monde puisse avoir accès à l’eau. Mon point de vue n’est pas celui-ci. Il faut que l’eau soit considérée comme une denrée, et comme toute denrée alimentaire, qu’elle ait une valeur, un coût.

Extrait du documentaire We Feed the World (Le marché de la faim), 2005.

Ce n’est pas la seule fois que Nestlé se fait attraper pour sa gestion de l’eau, en 2017 une plainte avait été déposée contre la firme aux États-Unis. Le géant alimentaire était accusé de vendre de l’eau souterraine en la présentant comme de l’eau de source.

Récemment, un rapport publié par Greenpeace USA, a qualifié de "fiction" l’existence d’une économie circulaire du plastique vendue par l’industrie. Selon cette analyse, les foyers américains ont généré 51 millions de tonnes de déchets plastiques en 2021, dont seulement 2,4 millions de tonnes ont été recyclées.

La tendance est à la baisse notamment depuis que la Chine a cessé d’accepter les déchets plastiques de l’Occident en 2018 et du même coup d’en recycler une partie, la tendance est claire : on recycle de moins en moins de plastique.

Pourtant de son côté, Nestlé en utilise toujours plus. Selon le rapport "Branded" de 2019 publié par Break Free from Plastics, coalition internationale composée de 1475 organisations écologistes, Nestlé est désormais le deuxième plus gros pollueur en matière de plastiques juste derrière Coca-Cola.

Comme beaucoup d’industries, Nestlé s’est engagé à prendre des engagements écologiques face à la crise climatique et la montée de la contestation populaire.

Pour 2025, la firme s’engage à atteindre 100% d’électricité renouvelable sur leurs sites, ainsi que 100% d’emballages recyclables ou réutilisables. Un dernier objectif qui semble contredire le rapport de Greenpeace USA qui épingle justement les grandes industries comme Nestlé sur leurs fausses promesses de traitement des emballages plastiques.

Difficile encore de savoir si Nestlé commence à prendre de vraies mesures écologiques, issues d’une conscience environnementale naissante, ou si la firme entreprend juste une énième opération de communication…