Politique

Neuf à dix mille enseignants en colère devant le siège du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles

Par Jean-François Noulet, avec M. Sirlereau, T.D. Quach, S. Lepage et Belga

Les enseignants ont manifesté à Bruxelles ce jeudi. Venus de la capitale et des quatre coins de la Wallonie, ils se sont rassemblés vers 10h30 devant la gare centrale.

Ils ont ensuite rallié la place Surlet de Chokier, où se trouve le siège du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Ras-le-bol du secteur de l’enseignement : de la maternelle au supérieur

C’est tout le secteur de l’enseignement qui en a ras le bol et qui veut le faire entendre. Tout le personnel travaillant dans l’enseignement (ouvrier, enseignant, personnel administratif, éducateur, etc.) est concerné et cela de la maternelle jusqu’aux hautes écoles et l’enseignement universitaire.

De nombreux éducateurs, mais aussi du personnel administratif et ouvrier employé dans les écoles, étaient ainsi présents, tout comme quelques représentants des universités également. Quelques enseignants flamands étaient même dans les rangs des manifestants pour apporter leur soutien aux collègues francophones. 

Devant le siège du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, les manifestants étaient plus nombreux que ce qu’espéraient les organisateurs. Ils étaient 9000 selon la police, 10.000 selon les syndicats pour dénoncer leurs mauvaises conditions de travail et la manière dont ils ont été traités durant la crise sanitaire. La vétusté des bâtiments, le manque d’effectifs, un métier pas assez attractif, des enseignants pas assez formés et pas assez payés sont autant de problèmes dénoncés par les manifestants.

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"Je suis en colère et dégoûtée de l’enseignement, je ne partage plus du tout ce qu’on nous demande de faire actuellement", expliquait ainsi Chantal, institutrice depuis 31 ans. "On a des bâtiments moisis, des plafonds qui tombent, des fenêtres qui ne s’ouvrent pas mais qu’on nous demande d’ouvrir", résumait Luca d’Agostino, professeur d’anglais en secondaire supérieur. "Se retrouver, quand une collègue est malade, à 35 en classe, tout ça, c’est difficile pour enseigner de manière correcte", expliquait une autre institutrice.

"L’enseignement est une chose importante à long terme. Quand on voit qu’un tiers des enseignants en a ras le bol, il y a quelque chose qui ne fonctionne pas", s’inquiétait Jean-Gauthier Heymans, professeur à Molenbeek.

Et de dénoncer aussi la charge administrative croissante. "On passe plus de temps à faire de l’administratif qu’à réellement s’investir dans notre métier", regrettait Muriel Feickens, institutrice à Molenbeek. 

La réponse du gouvernement jugée insuffisante

Une délégation a été reçue par le gouvernement. Les syndicats ont pris la parole à l’issue de cette rencontre qui a duré une petite heure. "On a été reçus par tout le gouvernement, ce qui est positif, mais on n'a pas reçu grand-chose", a réagi Joseph Thonon, de la CGSP-Enseignement, à la sortie de la réunion. 

Le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles propose aux enseignants 100€ répartis sur trois ans, versés dans le cadre de la prime de fin d'année, soit une dépense de 32 millions d’euros pour la Fédération Wallonie-Bruxelles, du "bla-bla-bla" et des "cacahuètes" pour les syndicats.  Concernant les négociations sectorielles, il n’y aura pas un penny en plus", a dénoncé de son côté Joseph Thonon, de la CGSP-Enseignement.  "C'est la grande déception", a réagi Roger Lahaye, de la CSC-Enseignement pour qui il s'agit de "100 euros répartis sur trois ans, dans un rattrapage d'une prime de fin d'année que, depuis trop longtemps, est déjà inférieure à celles des autres fonctionnaires"

Pour les représentants syndicaux, le gouvernement n’a rien proposé de neuf pour apaiser le malaise des enseignants, que ce soit pour lutter contre la pénurie d’enseignants, la fin de carrière ou l’amélioration des conditions de travail. "On nous propose beaucoup de groupes de travail dans l'accord sectoriel", a résumé Masanka Tshimanga, présidente de la SLFP-Enseignement. "Nous avons peur qu'ils n'aboutissent pas à quelque chose de concret et à du changement dans les conditions de travail et dans le bien-être au travail pour nos affiliés", a-t-elle ajouté. 

Aussi, les syndicats des enseignants espéraient des reports de mesures du pacte d'excellence. "Il y a quelques reports, mais les grosses mesures phare, comme l'évaluation des profs, c'est toujours programmé. Donc, on a peur que ça mène au clash", s'est inquiété Joseph Thonon, de la CGSP-Enseignement. 

"Je crois que nous allons devoir revenir à 20.000", a ainsi lancé Roland Lahaye, de la CSC-Enseignement.  

Quelles suites les syndicats donneront-ils à cette journée de grève et de manifestation? "On va voir avec nos affiliés", a réagi Joseph Thonon. "C'est une année difficile, il y a du retard scolaire. Donc, on va voir. Est-ce que la grève est encore adaptée?", a poursuivi le leader de la CGSP-Enseignement.   Il faudra donc voir comment les syndicats adapteront la suite de la mobilisation à la fin de l'année scolaire. "On ne manquera pas d'imagination", a averti Roger Lahaye, de la CSC-Enseignement. 

Pour la  ministre de l'Enseignement, Caroline Désir, cette manifestation, "c'est un message qu'on doit entendre".  Elle dit comprendre que le personnel enseignant soit épuisé après les mois de gestion de crise, que les variants Delta et Omicron ont empêché que cette année scolaire soit plus appaisée et que "cela fait ressurgir à la surface beaucoup d'autres demandes qui existaient depuis longtemps dans l'enseignement, que ce soit par rapport aux conditions de travail, à la pénurie des enseignants ou d'autres choses"

Dans les réponses apportées aux revendications syndicales, la ministre confirme le report de certains chantiers du pacte pour un enseignement d'excellence "qui étaient liés à une surcharge administrative supplémentaire", selon Caroline Désir. 

"Ma porte sera toujours ouverte", ajoute Caroline Désir, à l'égard des syndicats de l'enseignement,  les invitant à poursuivre la concertation. 

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