Cinéma

Never gonna snow again, un magnifique OVNI débarque sur la Mostra

La réalisatrice Malgorzata Szumowska présente le film "Never Gonna Snow Again" à la Mostra 2020

© Alberto PIZZOLI / AFP

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Par Hugues Dayez

Un des plaisirs générés par les festivals, c’est quand un film sorti de nulle part ou presque déboule dans la sélection officielle et crée la surprise. On se souvient par exemple de la comédie allemande "Toni Erdmann" à Cannes en 2016. Cette année à la Mostra, le choc vient de Pologne avec une tragicomédie inclassable intitulée "Il ne neigera plus jamais".

Never gonna snow again

Dès les premières images, le ton intrigant du film est donné. Un homme solitaire sort d’un bois, traverse une ville de Pologne et se présente devant un fonctionnaire en déclinant son identité. Il s’appelle Zenia, il vient d’Ukraine, il est masseur et désire exercer son métier dans son pays d’adoption. Zenia a des mains magiques, qui apaisent ceux qu’il approche. Ce grand homme doux et calme ne tarde pas à devenir très prisé dans un riche quartier résidentiel, à la périphérie de la ville : tous les voisins se disputent ses services… Ce mystérieux masseur sorti de nulle part va bouleverser leurs existences.

La tentation, pour un cinéphile, quand il découvre un style nouveau, est de jouer au jeu des comparaisons et des références pour tenter de définir ce qu’il vient de voir. Ce petit jeu est inopérant avec "Never gonna snow again" : la réalisatrice Malgorzata Szumowska et son scénariste Michal Englert ont réussi ici un film puissamment original, qui ne copie personne. Somptueusement filmé, leur long-métrage mêle ironie, onirisme et poésie avec grâce. On peut le voir comme une parabole sur la situation d’un migrant, comme une critique pleine d’humour du conformisme bourgeois contemporain, comme une fable métaphysique sur la recherche du bonheur… Tout est envisageable. Le duo d’auteurs ne donne pas de réponse, il propose un film facétieux, à la fois déconcertant et envoûtant, avec des trouvailles visuelles inoubliables. A l’issue de la première vision de presse, il a été accueilli par quelques applaudissements et un silence groupal : beaucoup de spectateurs avaient sans doute besoin de "digérer" l’étrange spectacle de deux heures qu’ils venaient de découvrir.

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Dear comrades !

Le réalisateur russe Andreï Kontchalovski et l’actrice Julia Vysotskaya à la présentation de "Dear Comrades !"
Le réalisateur russe Andreï Kontchalovski et l’actrice Julia Vysotskaya à la présentation de "Dear Comrades !" © Alberto PIZZOLI / AFP

Le cinéaste russe Andreï Kontchalovski, aujourd’hui octogénaire, a mené une carrière totalement éclectique, à la fois dans son pays d’origine et aux USA, signant à la fois des drames romantiques ("Maria’s lovers", un des plus beaux rôles de Nastassja Kinski), des films à suspense ("Runaway Train" avec Jon Voight) ou encore des gros films d’action ("Tango et Cash" avec Sylvester Stallone et Kurt Russell). Déjà lauréat d’un grand prix du jury à Venise en 2002 pour son film "La maison de fous" (fresque sur un asile psychiatrique en Tchétchénie), Kontchalovski revient en compétition à la Mostra avec un drame historique, filmé en noir et blanc : "Dear Comrades !"

Le film revient sur un drame survenu en juin 1962, sous le règne de Nikita Kroutchev, resté dans l’histoire comme "Le massacre de Novotcherkassk". Suite à une inflation décidée par le régime des prix de la viande et du beurre, des ouvriers se révoltent dans une usine de construction de locomotives. Leur mouvement sera durement réprimé par l’armée et le KGB, avec plusieurs morts et blessés à la clé. Le cinéaste revisite ce drame à travers les yeux d’une femme, Lyuda, agent du KGB, qui va vivre les heures les plus angoissantes de sa vie lorsque sa fille adolescente disparaît pendant les troubles… A-t-elle été victime d’une balle perdue ? Est-elle encore vivante ?

Le générique du début précise que le film a bénéficié de l’aide du Ministère de la Culture de Russie. Ce n’était pas un signe de bon augure : "Dear Comrades !" est un pur produit de ce qu’il est convenu d’appeler l’"art officiel", académique, truffé de références assez opaques pour un public non russe… Et dès lors totalement inexportable.

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