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Economie

NewB, de rebondissement en rebondissement : le point sur le dossier

Le marché matinal

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Par Wahoub Fayoumi, avec Anne Poncelet

On peut désormais parler de saga dans le dossier de NewB, la coopérative bancaire. Un tout dernier rebondissement a eu lieu ces derniers jours : une assemblée générale très importante était prévue ce week-end pour acter son mariage avec une autre banque coopérative flamande, la VDK, avec l’objectif de renflouer les caisses.

Mais certains coopérateurs ont obtenu de la justice la suspension de cette assemblée générale. La direction de NewB a convoqué une autre assemblée générale pour le 17 décembre prochain.

Peut-être celle de la dernière chance ? C'est en tout cas l’occasion de faire le point sur ce dossier dans lequel de nombreux Belges ont investi des économies.

Un processus de dix années

Le projet de NewB a plus de 10 ans. Il a germé en 2014. L’objectif était de créer une banque citoyenne qui appartient à des coopérateurs au fur et à mesure du temps.

Ce sont plus de 115.000 coopérateurs, 115.000 Belges qui ont mis de l’argent pour créer cette banque. Et ça, c’est quelque chose d’unique dans notre pays. Mais concrètement, c’est en 2020 que la banque a reçu la licence bancaire, c’est-à-dire l’agrément de la Banque Nationale, le sésame pour pouvoir démarrer ses activités.

C’est donc cette idée d’avoir un autre monde financier, une autre finance.

"NewB est aussi le résultat de la crise financière de 2008. Il y a eu ensuite une grosse remise en question du secteur financier, analyse Marek Hudon, professeur en économie et en gestion à l’ULB. Quel est le rôle de la banque ? Est-ce que c’est normal que les États sauvent des banques ?

Il y a donc eu une envie de beaucoup de citoyens de créer une banque un peu différente, une banque citoyenne.

On est donc là dans une démocratie participative, comme les coopératives sont capables d’en générer, c’est-à-dire une institution financière qui appartient à ses membres, et les actionnaires, qui votent les décisions en assemblée générale, sont des membres. C’est donc cette idée d’avoir un autre monde financier, une autre finance, et c’est le résultat de ceci qui a amené, en 2020, à ce statut d’institution financière.

Cette banque est qualifiée de durable ou d’éthique "parce que les finalités étaient des finalités durables et éthiques, dans le sens où c’était des finalités sociétales, de développement social, de l’environnement, de respect des principes de gouvernance, de transparence", complète Marek Hudon.

Un démarrage difficile

Le projet est beau, ambitieux, mais avec le temps, les difficultés se sont accumulées. Pourquoi est-ce si difficile de faire démarrer ce projet ?

La banque devait se recapitaliser et, in extremis, la direction avait annoncé un mariage -de raison sans doute -avec une autre banque "familiale" flamande, VDK (ndlr: VDK n'est pas une banque coopérative stricto sensu, comme mentionné plus tôt, mais se définit comme une banque "familiale"). Pour la direction, c’était en quelque sorte la dernière chance d’avoir plus de liquidités et d’offrir des produits financiers, comme n’importe quelle autre banque. Mais les problèmes pour y parvenir sont nombreux.

"Il y a eu la récolte de fonds qui permettait d’avoir des liquidités, d’avoir un capital minimum, explique Marek Hudon. Ce capital reste relativement petit par rapport à d’autres banques, mais c’est quand même un événement exceptionnel d’avoir une telle levée de fonds avec 100.000 personnes. C’est gigantesque, quand on voit par rapport au monde coopératif.

Il y avait des craintes que le capital ne soit pas suffisant pour tenir sur le long terme, d’où l’idée de recapitalisation. C’est ça qui s’est passé ces derniers mois, en sachant que la banque n’est pour l’instant pas rentable.

C’est ça, la difficulté. Comme dans pas mal de start-up ou de nouvelles entreprises, on a quelques mois où on perd de l’argent, où on investit pour arriver le plus vite possible à cet équilibre financier. Et là, c’est vrai qu’on n’y était pas encore".

Le modèle de banque coopérative peut-il vraiment fonctionner ?

La question est légitime avec les soubresauts qui accompagnent l’évolution de NewB : le modèle de banque coopérative peut-il vraiment fonctionner ? Oui, car NewB n’est pas la première banque coopérative à être créée; il y en a d’autres, en France par exemple.

Chez nous, la particularité de NewB est que ce sont réellement des coopérateurs, des individus — plus de 100.000, avec des institutions, qui ont investi dans le projet. Et ça, c’est unique, parce que ces banques coopératives sont généralement adossées à d’autres groupes.

Alors, pourquoi tant de difficultés ? "La question n’est pas facile", reconnaît Marek Hudon. Evidemment, s’ils font aujourd’hui face à toutes ces difficultés – une récolte de fonds qui n’a pas marché, le fait que les taux d’intérêt étaient assez bas, donc moins de marge, moins de possibilités de gagner de l’argent, une situation économique et sociétale compliquée, ils ont sans doute beaucoup plus de difficultés qu’il y a trois ans… Tout ça pour dire qu’il n’y a pas de baguette magique.

Il faut sans doute aussi un tout nouveau modèle économique.

Le partenariat avec VDK permettait d’avoir une cohérence avec une autre institution financière qui était une des plus proches, en termes de valeurs, de NewB. Il fallait aller vite, et c’est peut-être pour ça que la décision du tribunal aujourd’hui va retarder les changements qui étaient sans doute nécessaires pour que NewB continue à exister dans le temps.

Et il faut sans doute aussi un tout nouveau modèle économique parce qu’on a vu toutes les difficultés aujourd’hui en Belgique d’avoir ces coopérateurs qui deviennent clients. Le secteur financier est très compétitif et sans doute que le Belge change beaucoup plus difficilement de banque pour plein de raisons : quelques fois il se retrouve coincé dans sa banque à cause de ses prêts hypothécaires, etc.

Il y a donc besoin d’avoir un nouveau modèle. Il n’y en a pas qu’un, mais c’est nécessaire, conclut l’économiste.

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