Nous sommes aujourd’hui dans des sociétés qui nous assènent l’injonction au bonheur, à tous les instants. Il est devenu interdit de se morfondre, de regretter, de regarder en arrière même, de déprimer. Toujours il faut avancer. Après s’être soumis à l’exercice du bilan, les protagonistes de notre histoire s’interrogent sur la raison pour laquelle ils ne sont plus heureux. Même s’ils l’ignorent, ils sont tous plus ou moins dépressifs. Ils se sentent incomplets, malheureux, car ils ne parviennent pas à faire le deuil de ce qu’ils ont été et de ce qu’ils avaient : la jeunesses, le succès, la reconnaissance, la famille, du sens au boulot.
Est-ce que c’était mieux avant ? Non, ILS étaient mieux avant. Ils sont dans une forme de recherche de leur nouveau eux, conscients que trop souvent ils sont dans le paraitre. Finalement, il y a une forme de culpabilité à ne plus être fidèle à soi-même. Certains ont l’impression d’être des imposteurs, renvoyant au monde un image qui s’éloigne toujours un peu plus de ce qu’ils ressentent et ce qu’ils sont au fond d’eux. N’en sommes nous tous pas là ?
Ne vit-on pas dans une société du paraitre, un monde qui privilégie l’image et qui nous rend un peu schizophrène ? Ce qu’on dit s’éloigne de ce qu’on pense, ce qu’on montre de ce qu’on vit…
Un autre point sur lequel cette minisérie attire notre attention : le nécessaire développement de soi, la quête de la meilleure version de soi-même. Si on est pas heureux, c’est sans doute qu’on est incomplet. La plupart des personnages sont dans la seconde moitié de leur vie. Ce moment où on se retourne, où un premier bilan se fait. Pour eux, c’est celui des déceptions. Bien qu’ils aient été brillants, célèbres, épanouis, heureux, etc. aujourd’hui, ils ne voient plus comment faire, ils pensent avoir perdu la recette du bonheur.
Pourtant la pression est bien là, il s’agit de retrouver ce qui est perdu. Dans nos sociétés, cet âge c’est aussi le moment du reste de notre vie. Maintenant que nous sommes jeunes jusqu’à la pension et au-delà, tous les champs des possibles sont perpétuellement devant nous, tout reste à faire, constamment. Nous pouvons prétendument tout faire, devenir qui on veut, à tout âge, partout…
Est-ce là une nouvelle manière de défier notre condition de mortelle ? A ne plus vieillir, peut-être la mort nous oubliera-t-elle ? L’effet c’est qu’on pourrait finir par culpabiliser de ne pas faire, car il n’y a pas d’excuses. Autour de nous, dans les médias et les réseaux, on trouve les conseils plus ou moins appuyés pour s’accomplir, se réaliser, surmonter, s’épanouir. Baladez-vous sur Instagram ou d’autres réseaux, vous trouverez des gens tout sourire, beaux, équilibrés, bien dans leur peau, bien dans leur tête…
Voyez les applications de méditation, les séminaires ou webinairs (merci les confinements) où on apprend à profiter du moment, le lâcher prise, On ne parle plus de conseillers mais de coache : les coachs sportifs, coachs en nutrition, les coach de vie, les coachs professionnels ; on a aussi les influenceurs/seuses plus ou moins inspirés, les récits de réorientations professionnelles ou de changements de vie radicaux, les loisirs utiles, etc… Tellement simple, pourquoi ne pas commencer demain. Demain qui le premier jour du reste de votre vie ! Ne pas évoluer, c’est ne pas tendre les bras au bonheur.
D’abord nous sommes encouragés à suivre des modèles, pour ensuite tenter d’en devenir un soi-même !
Les réseaux ne sont pas tout à fait étrangers quand il s’agit de flatter nos égos. Vanité et égo sont aussi des moteurs de cette dynamique. Une photo avant/après partagée sur les réseaux, quelques likes et nous voilà remontés à bloc.
Et puis retenons aussi, derrière ces injonctions, ces appels au bonheur, on trouve aussi des annonceurs, des marques, des professionnels. Le bonheur c’est pas gratuit finalement. Comme dans la série où on comprend vite que le coût de la cure est élevé, ce qui est aussi un gage de réussite. En effet, on ne comprendrait pas qu’un tel enjeu aie un coût bradé ! La course au bonheur, effrénée, ne risque-t-elle pas finalement de générer plus de frustration et ainsi nous entrainer sur la dévalorisation de soi, le rejet, et enfin la dépression ?
Autre question que la série aborde, la question des moyens pour guérir de la dépression et du consentement. Puisque les méthodes habituelles échouent, il faut que la gourou expérimente sur eux autre chose. La méthode qui consiste à leur faire lâcher prise. En se dégageant d’eux-mêmes, les patients découvrent une nouvelle perspective qui leur permet de mieux se comprendre, de dégager leurs intentions jusque-là cachées.
Mais peut-on user de tous les moyens pour guérir, ou du moins " aller mieux "? D’ailleurs, est-on malade quand on est pas heureux ? Se pose la question de l’usage des champignons hallucinogènes ici. Ainsi ces dernières années s’est ouvert le débat sur l’usage d’une substance contenue dans certains champignons , la psilocybine, pour combattre la dépression (nombreux sont les témoignages confirmant les bienfaits de cette substance). Une substance qui semble avoir plus d’un avantage sur les habituels antidépresseurs : outre l’efficacité, le fait que leur prise est limitée dans le temps.
La frontière entre ce qui relève de la cure est floue. Les protagonistes signent pour une cure de remise en forme à base de jus détox et de massages, et se retrouvent dans une thérapie médicale expérimentale. C’est une question d’ordre éthique qui est posée ( questionnement de l’assistante de la directrice du centre, mal à l’aise à l’idée de droguer à leur insu les personnages, même si l’intention est louable).
1 saison, 8 épisodes +/- 45 min, disponible sur Amazone Prime
Nicole Kidman Melissa Mc Carthy, Luke Evans, Michael Shannon et Asher Keddie (vue dans Stateless)