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Nobody has to know : maintenant ou jamais...

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Par L'Agenda Ciné via

Phil a quitté la Belgique pour venir s’installer sur l’île de Lewis située au nord de l’Écosse, le fief d’une communauté de presbytériens à la vie ritualisée et austère. Jovial, travailleur, il a su se faire apprécier des habitants. Malgré tout Phil reste l’étranger, celui dont on se méfiera toujours un peu. Et Angus, le propriétaire terrien pour qui il travaille comme homme à tout faire, ne se prive pas de le lui faire savoir. Il faut dire que de cet homme sans attaches, et des raisons qui l’ont poussé à s’exiler, on ne sait rien. Et encore moins après qu’il a été victime d’un AVC, sans conséquences physiques, mais qui lui aura fait perdre la mémoire.

De retour de l’hôpital, Phil est confié aux bons soins de Millie, la fille de son patron, une femme indépendante, travaillant en ville dans une agence immobilière. Célibataire, sans enfant, elle a suffisamment de temps pour aider Phil à reprendre pied dans sa maison et dans sa vie. Discrète, prévenante, elle fait son possible pour que Phil renoue avec ses souvenirs, retrouve ses habitudes et se sente moins perdu face à un environnement et à des gens qu’il ne reconnaît plus.

Mais alors que la mémoire de Phil reste défaillante, Millie lui confie qu’avant son accident ils ont été, dans le plus grand secret, amants…

Le cœur a ses raisons que la raison ignore

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Ultanova, Eldorado, Les Géants, Les Premiers, les Derniers… jusqu’ici Bouli Lanners nous avait habitué à des films conjugués au masculin et qui célébraient l’amitié.

En quittant sa chère Belgique et en plantant sa caméra en Écosse (un autre pays cher à son cœur), Bouli a opéré une petite révolution : tourner en anglais, oser pour la première fois une histoire d’amour (et entre deux cinquantenaires) et nous offrir à cette occasion un superbe portrait de femme illuminé par la non moins superbe Michèle Fairley, actrice anglaise remarquée entre autres dans la série Game of Thrones. Et c’est avec toute la délicatesse et l’humanité qu’on lui connaît, que Bouli Lanners, devant et derrière la caméra, nous embarque dans cette histoire follement romanesque, jouant sur le mystère de ses personnages et la beauté sauvage des paysages de l’île Lewis.

Un ravissement pour les yeux et pour le cœur !

L’Agenda Ciné a rencontré Bouli Lanners pour parler Écosse, cinéma et peinture… quelques-unes de ses passions

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L’Agenda Ciné : Pourquoi avoir choisi l’Écosse et plus particulièrement cette île Lewis pour cadre de votre film ?

Bouli Lanners : J’ai un rapport très fort avec l’Écosse qui vient de je ne sais où, mais que je porte depuis très longtemps, depuis que je suis petit. Cela fait 30 ans que je m’y rends chaque année, quand ce n’est pas deux fois par an. Depuis longtemps j’ai ce fantasme de tourner un film en Écosse et jusque-là, je ne savais pas trop par quel biais attaquer cette histoire, car je ne suis pas Écossais.

Quant à l’île Lewis, c’est la dernière portion de territoire de l’Écosse que j’ai découverte, après avoir fait l’Écosse dans tous les sens, parce qu’elle est plus loin, plus difficile et plus chère d’accès. Et puis ce n’est pas la plus belle des îles… ce que tout le monde dit avant d’y aller.

Ce qui m’a profondément touché en y arrivant, c’est ce quelque chose d’exotique que l’on ne retrouve nulle part ailleurs en Europe où aujourd’hui tout est uniformisé (on a les mêmes chaînes de magasins, les mêmes ronds-points, personne ne va plus à la messe…).

Il faut dire que l’île Lewis est le fief de l’église presbytérienne, une église radicale protestante qui influence, tous les jours et à tous les niveaux, le rythme de la vie. De voir ça, de savoir que ça existe encore m’apaise, même si je ne suis pas du tout presbytérien !

L’île Lewis est aussi le fief de la langue gaélique. Et si les enfants apprennent l’Anglais à l’école, sur l’île tout le monde parle le Gaélique (ce qui existait avec le Wallon dans les années 30, mais qui n’existe plus ou qui relève chez nous du folklore), une langue unique qui n’a ni racine latine ni racine germanique. De voir que tous ces gens, y compris les jeunes, parlent couramment et quotidiennement une langue celte comme il y a 2000 ans, est aussi très exotique et très impressionnant !

Cette île n’est pas extrêmement belle, comparée au reste de l’Écosse où l’on trouve des décors flamboyants. Il règne également dans les paysages une espèce d’austérité : c’est de la lande, c’est plus plat, c’est une île où n’y a aucun arbre… On l’appelle l’île sous le vent. Le vent y est omniprésent. Tout cela lui donne une charge romantique et dramatique très, très forte.

Voici les raisons pour lesquelles, j’ai voulu tourner là-bas.

 

Ce décor fut donc à l’origine de l’histoire de votre film ?

Pas du tout ! L’argument pour pouvoir faire un film en Écosse est venu d’un livre de Peter May que j’avais lu et que j’ai voulu adapter. J’ai demandé avec beaucoup d’insistance à mon producteur de racheter les droits de ce roman… ce qui a pris beaucoup de temps et a coûté beaucoup d’argent. Arrivé sur l’île pour 7 mois, je me suis alors installé pour écrire. Et c’est là, en relisant le livre, que je me suis rendu compte que c’était de la " merde ".

J’étais seul sur l’île, en hiver, face à ma culpabilité de catholique, au milieu de protestants, et je n’osais pas en parler …(rires). C’est en écoutant un morceau des Soul Savers que j’avais déjà écouté que je me suis dit : ça n’est pas un thriller que je dois faire, mais une histoire d’amour… c’est évident !  La seule bonne idée du livre c’était la présence d’un Français sur l’île ! Idée que j’aurais pu avoir moi-même !

 

À partir de là que fait-on ?

On se met au travail ! Être sur l’île de Lewis, seul, en plein hiver avec la nuit qui tombe à 3 heures l’après-midi et où le jour se lève vers 9h, 9h30, quand le dimanche tout est fermé…  t’oblige à travailler ! Tu profites de la lumière du jour pour te promener et t’aérer un maximum, et le reste du temps tu regardes la BBC et tu travailles… plus efficace qu’un monastère !

Le dress code le dimanche est très beau : les femmes sont habillées en noir, avec des chapeaux, les hommes sont en costards noirs. La liturgie est très particulière… tout cela sur fond de landes, dans le vent. Si j’ai établi de nombreuses relations avec ces presbytériens, et si je suis devenu notamment ami avec un révérend, j’ai compris aussi qu’au sein de cette communauté on peut se sentir totalement prisonnier.

Autant d’éléments qui me permettaient d’écrire une histoire d’aujourd’hui avec un décorum qui peut rappeler celui des sœurs Brontë, des Hauts de Hurlevent… celle d’une femme qui se sent prisonnière - en tout cas prisonnière de l’image qu’on a d’elle - et qui s’empêche d’aimer et d’être aimée. Et qui s’émancipe grâce sa rencontre avec un homme venu d’ailleurs.

"... rater une comédie, c'est pas très classe, mais rater une histoire d'amour, c'est carrément pathétique."

Quand vous tournez, vous pensez peinture ?

Je ne pense qu’à ça ! Je vois les peintures, mais je n’analyse pas et ne cherche pas à savoir quel peintre. Je me laisse transporter par la beauté du truc. Je suis un contemplatif, je peux rester des heures devant un nuage, une brindille qui bouge… c’est le seul moment où je peux vraiment m’échapper.

 

Écrire une histoire d’amour, est-ce intimidant ?

C’est hyper intimidant ! J’avais la vague idée de pouvoir un jour écrire une histoire d’amour, avec justement des gens plus âgés. Mais c’était casse-gueule, car rater une comédie, c’est pas très classe, mais rater une histoire d’amour c’est carrément pathétique. Si j’avais raté mon histoire d’amour, cela voulait dire que je n’étais même pas fichu de parler d’amour… la honte !!  Depuis un an et demi que le film est fini, je suis inquiet pour deux choses : celle de savoir si cette histoire d’amour est réussie et si les gens ne vont pas se foutre de moi en me voyant parler anglais. En décrochant le prix d’interprétation à Chicago, j’ai été complètement soulagé ; c’est comme si j’avais obtenu mon visa ! Depuis deux mois, je n’ai que des retours qui me disent que le film fonctionne, que les gens sont touchés. Je suis rassuré !

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