Passé de la cave au Salon d’Honneur via un simple changement d’entraîneur, il fait partie de ces bannis qui veulent se relever… en relevant le Standard. Il évoque l’Union St-Gilloise, les écrans vidéo de Luka Elsner, la faute nécessaire, Axel Witsel, une bonne côte à l’os, Cédric Berthelin, le réchauffement climatique et Samuel Gigot. Mais aussi les montres Rolex, Mbaye Leye, les journalistes, Fred Herpoel, les salaires à Mouscron, Hans Vanaken, le syndrome Sclessin et Xavi. Et forcément… l’arche de Noé. Noé Dussenne passe " Sur le Gril ".
Le soleil brille sur l’Académie du Bol d’Air… à l’image de celui qu’il reprend depuis quelques semaines et sa réintégration en équipe-fanion. Noé Dussenne respire à pleins poumons : il a retrouvé le goût du jeu et le plaisir d’un match, après l’éviction de Mbaye Leye mi-octobre.
" Je n’ai toujours pas compris ce qui s’est passé " explique celui qui n’avait joué que… 10 minutes en championnat depuis fin février avant d’être écarté par le prédécesseur de Luka Elsner. " Le coach précédent (NDLA : il ne prononcera jamais le nom de Mbaye Leye durant tout l’entretien…) m’a juste dit que c’était un choix sportif et que d’autres défenseurs me précédaient dans sa hiérarchie. Je n’étais pas forcément d’accord mais je ne pouvais qu’accepter et bosser pour espérer retrouver une chance. Après, je ne cache pas que j’ai eu de gros moments de doute, de frustration… et même de colère. Mais je ne suis pas du genre à casser des portes : je reste positif, poli et respectueux en toutes circonstances, ce sont les valeurs que mes parents m’ont transmises… Vous pouvez plaire à un coach, et pas à un autre : c’est comme ça, allez savoir pourquoi… (Il marque un silence et sourit énigmatiquement…) C’est comme pour une fille : celle-ci vous plaira, mais votre voisin pensera autrement, ce sont les goûts et les couleurs… C’est bizarre, avec l’ex-coach, comme équipiers à Mouscron, on s’était toujours bien entendus… mais ici, il ne m’a plus jamais parlé. Mais soit : place au présent et à l’avenir… "
On lui propose de se situer sur une échelle fictive du Bonheur… " Aujourd’hui, je suis à 8.5-9. Il y a deux mois, j’étais à 3… Ca va vite, hein ? (clin d’œil) Mais je n’ai jamais perdu ma passion du foot, du jeu et du terrain. Il ne me manquait que l’adrénaline des matches. Mais en deux ans, j’ai eu mon lot de galères : j’ai été un des premiers à choper le Covid et j’ai perdu 5 kg… et avant ça, je m’étais fait les ligaments croisés du genou. Une blessure comme ça, c’est encore pire : vous êtes privé de votre outil de travail, vous ne pouvez rien faire. "
" Le Standard en Play-Offs 1 Tout est possible ! "
Cité au Beerschot et à Eupen durant le mercato estival, le défenseur montois n’a pas voulu lâcher son challenge à Sclessin.
" Signer au Standard reste la meilleure décision de ma carrière : déjà chez les jeunes à Mons, on rêvait tous d’être approchés par le plus grand club wallon. Alors quand on m’a téléphoné de Sclessin l’été 2019, j’ai sauté dans le train ! Le Standard reste un grand club. Malgré nos résultats moyens, les supporters sont toujours là et c’est la preuve qu’ils croient en nous : on doit se montrer dignes de leur soutien. Après, c’est vrai qu’on doit faire mieux à domicile (NDLA : les Rouches ne viennent d’engranger que leur… 2e succès à Sclessin). On y fait de moins bons résultats, mais ce n’est pas la pression ! Il y a eu des circonstances de match : contre Louvain et contre Courtrai, on était tout près ! Mais notre match au Club Bruges est la preuve qu’avec de la volonté et de la hargne, on peut viser très haut. Les Play-Offs 1 ? Tout est possible ! En tout cas, le vestiaire a faim : l’ambiance a toujours été excellente, dans le travail comme en-dehors. Un manque de caractère ? Pas du tout : on n’est pas obligés d’avoir de la bagarre à l’entraînement pour sentir qu’un groupe vit, on n’est pas des animaux ! (sic) On se dit les choses quand il le faut, mais ce vestiaire vit très bien ensemble. "
Invaincu sous Luka Elsner (une victoire et quatre partages), le Standard ne décolle pas au classement. Mais l’embouteillage de clubs en milieu de tableau pourrait favoriser sa remontée.
" Depuis son arrivée, Elsner a pris soin de beaucoup parler avec chaque joueur et de se placer très près du groupe : il est très exigent… tout en laissant de la liberté. Il a instauré de nouvelles règles de diététique et installé des écrans vidéo partout, où passent en boucle des images de nos matches et de nos adversaires. Dans le couloir, au vestiaire, à la kiné ou à la salle de muscu, on peut s’imprégner de choses qu’on n’a pas vu en match, comme un mouvement sans ballon, une ligne de course ou une systématique technique chez un opposant. Le coach est aussi ouvert au feed-back depuis le terrain. C’est aussi mon rôle, vu mon expérience : je n’arrête pas de parler en match ! J’aime transmettre aux plus jeunes, j’ai connu ça avec des Cédric Berthelin et Benjamin Nicaise à Mons : j’étais toujours fourré avec eux et ils m’ont beaucoup appris. La tactique m’intéresse : je préfère par exemple une défense à quatre, car les zones sont mieux définies et ça libère un joueur de plus pour le jeu offensif. Les défenses à cinq avec deux latéraux, c’est bien plus complexe ! Après, je ne sais pas si je serai entraîneur plus tard : il faut gérer 30 personnalités différentes et supporter une grosse charge de stress. Ce n’est pas pour moi, ça ! " (clin d’œil)
" L’Union St-Gilloise, c’est le succès d’un groupe "
On lui propose alors un petit quizz, vite fait, pour la route. Le meilleur joueur du Standard ? " Celui qui a en tout cas le plus gros potentiel, c’est Selim Amallah… " Le meilleur équipier côtoyé ? " Samuel Gigot à Gand, le meilleur défenseur que j’ai croisé, et Taiwo Awonyi à Mouscron, trop fort comme attaquant " Le futur Soulier d’Or ? " Question difficile… Noa Lang ? Même s’il est dans le dur pour l’instant… Ou alors Hans Vanaken ? Dans tous les cas, ce sera un Brugeois ! " Même si l’Union St-Gilloise va chercher un titre de champion ? " C’est tout à fait possible, et c’est une magnifique histoire. En tout cas, c’est la preuve que, promu de D2 ou pas, le succès d’un club est d’abord une recette de groupe ! Je suis aussi content pour Felice Mazzù, après ses déboires à Genk. "
On lui demande enfin de composer son onze idéal, toutes époques confondues. " Au but, Marc-André Ter Steegen ; en défense, Dani Alvès, qui garde de très beaux restes, Vincent Kompany, un joueur énorme, Sergio Ramos, mon idole, et à gauche Marcelo ; au milieu, Axel Witsel car il est Belge et incarne le Standard, avec Xavi, qui reste le nec, et sur les côtés Cristiano Ronaldo et Lionel Messi ; devant, Zinedine Zidane et Kylian Mbappé ! "
L’EXERCICE DES PETITS PAPIERS
Autre exercice : celui des petits papiers, qu’il tire lui-même au sort dans une sorte de boîte de Pandore… Premier mot tiré au sort : NOE DUSSENNE ! " Olala, c’est difficile de parler de soi… Disons que je suis quelqu’un de discret et de réfléchi, toujours prêt à aider si on me le demande. Mais je suis aussi très nonchalant : je laisse traîner les factures, ma femme me le dit souvent. Et comme joueur, j’aimerais être moins lent… et aussi être attaquant, car j’adore marquer des buts ! " (rires)
Deuxième mot : FAUTE PROFESSIONNELLE. " Ah, je suis un grand spécialiste ! (il se marre) Moi, je parlerais plutôt de ‘faute intelligente’ : celle qu’on fait quand il faut sauver son équipe. Mais jamais, je ne vais blesser un joueur volontairement, jamais de la vie ! Oui, oui, même ceux qui se comportent comme des crapules… Je dois avoir pris 6 ou 7 cartes rouges dans ma carrière… mais l’une de ces fautes nous a permis de sauver le point du partage. Si le coach m’a félicité ce jour-là ? Non, quand même pas… "
Troisième mot : JOURNALISTES. " Je n’ai aucun souci avec les journalistes, au contraire j’ai de très bons rapports. Quand un article sort, c’est qu’il y a toujours un fond de vérité. Les analyses de personnes extérieures sont toujours utiles pour confronter les points de vue… même si on sait toujours si on a fait un bon match ou pas. Et j’accepte sans problème la critique. Une seule fois, je me suis fait piéger : on me demandait de me situer parmi mes équipiers de défense... et mes propos ont été transformés en critiques à leur égard. Mes collègues m’ont interpellé, à juste titre, mais je n’avais jamais dit ça… et le journaliste a publié un démenti le lendemain ! Après, le développement des réseaux sociaux amène à des dérapages, mais je suis très prudent avec ça : je ne vais pas aller publier une photo de moi au restaurant quand je mange une bonne côte à l’os avec des frites ! Si après, vous loupez votre match, vous vous faites dézinguer. Un peu de jugeote, quand même… " (clin d’œil)
Quatrième mot tiré au sort : PENALTY. " J’ai bien savouré mon péno marqué à Bruges ! Je savais qu’il y avait des chances que je tire vu l’absence de Selim Amallah et la sortie de Joao Klauss : je m’étais donc entraîné la veille avec Laurent Henkinet. J’avais même déjà prévenu mon père et ma femme ! Je n’ai pensé à rien, j’avais choisi mon côté… et but ! Moi, en match, je n’entends rien, je suis dans ma bulle : lors des huis clos, j’étais même surpris de m’entendre crier ! Pour revenir à ma femme, elle suit tous mes matches… mais elle ne connaît rien en foot : elle me dit toujours, ‘t’aurais dû shooter’ ou ‘t’aurais dû faire la passe’… pour des phases où je n’ai même pas le ballon ! " (rire)
Cinquième mot : PAPA. " Je serai papa en février, et ça me remplit de bonheur : pour l’instant, la nuit, j’en rêve tout le temps ! Je suis impatient… et non, je n’ai pas trop de stress ! Les nuits blanches ? Ce sera pour ma femme : moi, j’ai besoin de beaucoup de sommeil ! (clin d’œil) A 22h30, je coupe mon téléphone et je roupille mes dix heures ! " (Il s’esclaffe)
Aider Mons à l’avenir
Formé à Mesvin, comme de certains Mpenza Brothers, et Hennuyer bon teint, Noé Dussenne jette un coup attentif sur le sort de deux de ses anciens clubs, Mons et Mouscron.
" C’est triste ce qui arrive au Canonnier. Je lis aussi que les joueurs ne sont de nouveau plus payés, et ça, c’est le pire car chacun a une maison à rembourser… Il faudrait une fois pour toutes un repreneur solide et stable. Quant à Mons, quitter le Tondreau fut la décision la plus dure de ma carrière : c’était le club de ma ville, le club descendait en D2… mais moi, j’étais prêt à y rester pour remonter avec lui. J’ai attendu un signal, j’étais en fin de contrat… mais les dirigeants de l’époque ne m’ont jamais rien proposé. Pourtant, j’étais jeune, je devais toucher genre 1.500 euros par mois : je n’avais pas un contrat de footballeur ! (sic) Aujourd’hui, j’ai déjà parlé plusieurs fois avec Fred Herpoel de son projet actuel de reconstruction du club : en fin de carrière, j’aiderai avec plaisir ! "
Membre depuis toujours du portefeuille de Mogi Bayat, Noé Dussenne observe aussi les développements récents du dossier Mains Propres. Pour lequel son agent sera poursuivi lors du procès annoncé pour 2022.
" Je ne sais rien de ce procès, je ne connais pas le dossier. Lee enquêteurs ne m’ont jamais interrogé… mais ils peuvent venir tout fouiller chez moi : je n’ai rien à cacher. Des montres Rolex ? (NDLA : après la découverte d’étuis de montres Rolex chez Mogi Bayat, les enquêteurs pensent que ces montres de valeur auraient servi à rémunérer certain acteurs du foot) Non, on ne m’en a jamais proposées : je préfère une prime d’argent, comme ça je choisis la montre moi-même ! (Il s’esclaffe) Je n’ai jamais eu à me plaindre de Mogi, et je lui reste fidèle. On voit beaucoup de complots partout : ça doit exister, mais je pense que ça reste rarissime. Je n’ai jamais été approché, et on peut me proposer ce qu’on veut, je ne mange pas de ce pain-là : ce n’est pas dans mes valeurs de vie ! Si vous mettez le doigt là-dedans, un jour ou l’autre, ça finit par vous retomber dessus ! "
Comportement citoyen
Difficile, avec son prénom, de ne pas terminer par l’éternelle… Arche de Noé. Sorte de rengaine qui a traversé toute sa jeunesse.
" Où est ton arche, Noé ? Cette vanne-là, je la connais par cœur… Et il n’y a pas que moi : il y aussi un jardinier, ici à l’Académie, qui s’appelle Noé. J’adore mon prénom : j’aurais même appelé mon fils comme ça… mais ma femme ne veut pas ! (rire) Je n’ai pas lu la Bible, mais on a aussi connu le Déluge, cet été, dans la région liégeoise. Ces inondations, on voyait ça à la télé, mais on ne pensait pas que ça pouvait arriver chez nous. Plusieurs personnes que je connais ont perdu leur maison, c’est juste horrible… Et ça pose question, avec l’avenir du climat : je cherche une maison dans la campagne de Mons, et je suis très attentif aux comportements citoyens et aux énergies renouvelables. Avec ma femme, et pour notre futur fils, on surveille notre consommation et on privilégie les fruits et légumes ! "
De quoi satisfaire le diététicien qui sommeille en Luka Elsner…