Impossible d’estimer la proportion d’internautes convaincus d’avoir déjoué un mensonge, détecté de faux malades (parce qu’ils ne correspondent pas à l’image qu’ils s’en font ? qu’ils sont dans un état moins grave que d’autres, n’étant pas en soins intensifs ?), repéré des incohérences révélatrices d’une mise en scène (le respirateur, la présence d’une équipe télé dans un lieu difficile d’accès, le sourire d’intervenants…), sans chercher d’autres explications qu’une volonté de manipulation et de propagande de la part de la RTBF. Les explications sont pourtant parfois très simples : le respirateur est effectivement à la fois utilisé pour le Covid et pour d’autres pathologies, une équipe télé a effectivement accès à ce type d’unité moyennant accord de l’hôpital et équipement adapté, il arrive aux gens de sourire dans leur cadre professionnel (est-il vraiment besoin de le dire ?)… Par exemple.
On le sait, les réactions sur les réseaux sociaux ne sont pas non plus le reflet de toute l’opinion publique. A la rédaction, nous sommes toutefois conscients que nous sommes parfois accusés d’en faire trop et d’exagérer, parfois au contraire accusés de minimiser et d’être trop rassurants (notamment par rapport aux chiffres, voir cet article d’Inside à ce sujet). Et nous sommes aussi bien conscients que cela s’inscrit dans un contexte plus général de perte de confiance du public envers la presse. De là à ce que certains concluent que des malades ne sont pas vraiment malades et que le reportage n’en est pas un…
On est dans cette situation qu’on voulait éviter, c’est dommage, et c’est triste, tellement triste
"Le bon ton est difficile car il y a une méfiance (pas chez tout le monde)", réagit Leïla Belkhir. "Ça reste important de sensibiliser. Après moi, je n’ai jamais voulu avoir – je ne pense pas que je l’aie- de discours d’exagération. Je pense qu’il y a moyen de sensibiliser les gens, d’expliquer les faits tels qu’ils sont, sans pour autant en mettre trois couches. La réalité, c’est que depuis quelques semaines, même si on ne voulait pas nous croire, nous cliniciens, on répète : ‘attention au niveau des hôpitaux, ça augmente, ça risque de déstabiliser notre système de soins, on va peut-être être amené à décaler des opérations’… Il y a des gens qui continuent à ne pas y croire, mais on y est malheureusement. A Liège c’est catastrophique, et nous, on commence aussi à déprogrammer, on est dans cette situation qu’on voulait éviter, c’est dommage, et c’est triste, tellement triste."
Aujourd’hui, aux cliniques universitaires Saint-Luc, près de trois semaines après le tournage, la situation a empiré : ce matin, il y avait 19 personnes aux soins intensifs et 76 dans quatre autres unités de soins (plus de 3 fois plus que le 5 octobre). "On ouvre urgemment notre cinquième unité aujourd’hui", précise l’infectiologue. Tous les hôpitaux devront passer en phase "2A" le 2 novembre (60% des lits de soins intensifs réservés aux patients Covid), avec des réalités qui restent actuellement contrastées sur le terrain, certains pouvant accueillir des patients d’autres hôpitaux, d’autres étant déjà en situation critique, comme on l’a vu à Charleroi dans le reportage diffusé au Journal télévisé ce jeudi 22 octobre.
Revoir le reportage consacré à la situation au CHU de Charleroi :