Le rouble est-il pour autant une monnaie forte ? "Absolument pas, répond Julien Vercueil de l’INALCO. Celui-ci n’est soutenu que grâce aux mesures de contrôles des capitaux et aux exportations d’hydrocarbures, et uniquement grâce à ces deux éléments." L’un des deux vient à manquer, et c’est le cours du rouble qui s’effondre.
L’embargo européen sur le pétrole russe, actuellement discuté entre les Etats membres de l’Union européenne, pourrait ainsi faire dérailler cette mécanique et fragiliser le cours du rouble. "Les Russes recevraient moins d’euros et de dollars de leurs exportations de pétrole ce qui diminuerait progressivement la valeur du rouble", souligne Christophe Boucher de l’université de Paris Nanterre.
Cet équilibre artificiel camoufle ainsi une réalité économique bien plus pessimiste. Les sanctions européennes, telles que l’exclusion du système interbancaire Swift, ont entraîné une baisse certaine des importations de biens occidentaux en Russie. A titre d’exemple, l’Union européenne a interdit le 15 mars dernier l’exportation vers la Russie de ses berlines de luxe, champagne, bijoux et autres articles haut de gamme prisés par les élites.
Les répercussions économiques de la guerre vont bien au-delà de la trentaine d’oligarques concernés par les sanctions européennes. "Ce sont les classes à faible revenu et les classes moyennes qui subissent le plus la hausse de l’indice des prix à la consommation ou les pénuries de certains biens du quotidien", indique Anna Creti de l’université Paris Dauphine. L’inflation, qui ne cesse de croître depuis le début du conflit, était ainsi de 17,6% (contre 16,7% en mars), et devrait augmenter au cours des prochains mois pour atteindre un total de 18 à 23% en 2022 selon les prévisions de la BCR.