Il l'a fait ! Dos au mur et poussé dans ses retranchements à de nombreuses reprises lors de la quinzaine parisienne, Novak Djokovic a endossé sa cape de Joker au meilleur moment pour terrasser ses adversaires un à un et remporter son 2e Roland-Garros. Retour sur ces quinze jours mouvementés où le Serbe a alterné entre interrogations, coups d'éclats et cris du coeur.
1. Les trois premiers tours : les formalités expédiées
Depuis son émergence au plus haut niveau en 2005, Novak Djokovic a disputé 64 levées du Grand-Chelem. Sur ses 64 tournois, il n'a été éliminé avant les 8e de finale qu'à...dix reprises (dont 5 fois avant 2007). Une régularité monstrueuse qui s'est à nouveau confirmée lors de cette édition 2021 de Roland-Garros.
Réglé tel un pendule, distribuant presque trop facilement ses parpaings depuis le fond du court, le Joker n'a cédé que 23 jeux en trois rencontres. Il en a profité pour renvoyer Tennys Sandgren (1er tour), Pablo Cuevas (2e) et Richard Berankis (3e) à leurs études et tranquillement poursuivre sa route jusqu'en 8e de finale. Sans perdre un set en en dégageant une déroutante impression de facilité.
2. 8e de finale : la frayeur face à Musetti
Quand Lorenzo Musetti s'est donc présenté devant l'insatiable Djokovic, peu de gens auraient misé un kopeck sur ce jeune Italien, au jeu intriguant certes, mais au pedigree quasi-vierge. Et pourtant, pendant deux sets et plus de deux heures de jeu, cet effronté transalpin a mené la vie dure au Serbe (6-7, 6-7)
En jouant son jeu, alternant entre les revers longs de ligne et les amorties bien senties d'une part. En faisant preuve d'une rafraichissante audace de l'autre. Mais petit à petit, le Joker est rentré dans son match. Et face à un Djoko qui retrouvait de sa splendeur, l'Italien n'a subitement plus vu le jour. Balayé pendant deux sets (6-1, 6-0) avant de déclarer (peu sportivement) forfait dans la dernière manche, Musetti a mesuré l'ampleur qui le séparait, pour l'instant, des meilleurs.
Mais il a surtout permis à Djokovic de s'occasionner une belle frayeur et de faire les derniers ajustements avant d'entamer l'heure de vérité en quarts de finale.
3. Quarts de finale : le cri du coeur face à Berrettini
C'est donc particulièrement remonté et ambitieux qu'il se présente sur la ligne de départ pour affronter Matteo Berrettini. Un adversaire transalpin qui a eu deux jours de repos après le forfait de Roger Federer et est donc résolument frais. Mais Nole n'en a cure et veut prouver, à qui veut bien l'entendre, que l'imbroglio Musetti n'était qu'une erreur de parcours.
Sentiment confirmé dans la foulée puisque le Serbe acerbe déroule son tennis face à un Berrettini qui ne peut que constater les dégâts : 6-3, 6-2 et un sentiment de toute puissance dégagé par Djoko. Oui mais voilà, comme au tour précédent, la machine Novak s'enraye à un moment et permet à l'Italien de revenir dans la course : 7-6.
Le 4e set devient haletant et les nerfs sont mis à rude épreuve. Tétanisé par cette fin de match hyper intense, Djokovic pète littéralement un câble. Il explose d'abord mentalement et évacue sa frustration en fustigeant son camp en tribunes avant de s'en prendre à un pauvre panneau publicitaire.
Poussé dans ses retranchements, Djoko est à fleur de peau et on le sent. Son cri de rage, déchirant la nuit parisienne sur la balle de match, en est une nouvelle illustration. Mais l'essentiel est ailleurs et le TGV serbe file en demi-finale, malgré quelques arrêts forcés qu'il aurait peut-être aimé éviter.
Demi-finale : le chef d'oeuvre face aux maître des lieux Nadal
Place donc au choc tant attendu, au duel de titans dont tout le monde rêvait au moment du tirage au sort. D'un côté Rafael Nadal, treizuple lauréat du tournoi et incontestable maître des lieux. De l'autre, un Novak Djokovic, une seule fois lauréat à Roland, mais qui rêve secrètement de faire tomber l'ogre espagnol de son piédestal. Une mission quasi impossible mais qu'il a accomplie, une fois, en 2015... sans aller au bout (défaite contre Wawrinka en finale).
Et quand Nadal prend déjà le large (5-0) dans le premier set, on se dit qu'on risque de revivre le même scénario que lors de la finale de 2020. Que le Taureau de Manacor n'est définitivement qu'une équation insoluble sur terre battue et que même Djokovic est trop court pour, ne fût-ce que le faire douter.
Mais Djokovic est un phoenix, il nous l'a déjà prouvé à de maintes et maintes reprises dans sa carrière. Dangereux quand il mène, il devient presque létal quand il se retrouve dos au mur et dans l'adversité. Et quand Docteur Novak se transforme en Myster Djokovic, même Nadal doit s'incliner.
Sous les clameurs d'un stade Philippe-Chatrier, tout heureux de braver le couvre-feu pour assister à ce combat dantesque, Djoko renaît de ses cendres et fait vaciller Nadal. Le duel, intriguant en début de match, devient titanesque et nous gratifie de quelques points déjà légendaires. Les deux hommes sont au sommet de leur art et proposent un show exceptionnel, digne de leur plus joutes en Grand-Chelem. A la fin pourtant, c'est l'ambitieux David qui fait tomber Goliath.
Enfin bon, si on peut affubler un octodécuple vainqueur de Grand-Chelem du surnom de Goliath...
Finale : le come-back contre Tsitsipas
C'est donc le moral au beau fixe que le métronome Djokovic rentre dans l'arène pour sa joute décisive. Les finales Porte d'Auteuil, il connaît puisqu'il en a déjà disputées quatre. Son adversaire, Stefanos Tsitsipas, lui, a beaucoup moins d'expérience et navigue avec fébrilité entre la fierté d'être là et l'ambition timidement avouée de faire encore mieux.
Et malgré son inexpérience, Tsitsipas confirme son talent d'entré de jeu. Comme Musetti en 8e, comme Nadal en demi, il fait déjouer le métronome serbe visiblement déréglé. Ses coups de boutoir long de ligne font souvent mouche et envoient Djokovic dans les cordes. Stupeur sur le Chatrier quand Tsitsipas, cet outsider aux dents longues, s'adjuge les deux premières manches.
Mais on le disait, l'histoire semblait toute tracée pour Djokovic. Sans coup férir, il retrouve son tennis face à un adversaire qui flanche physiquement et met, à son tour, Tsitsipas sous pression. Déjà haletant, le duel devient irrespirable quand les deux hommes s'affrontent lors d'une dernière manche décisive.
Un 5e set, chasse gardée de l'expérimenté Djokovic, qui donne un dernier coup d'accélérateur pour définitivement assommer cette proie récalcitrante. Sourire aux lèvres, doigt vissé vers les tribunes et regard rêveur, Djokovic peut savourer. Il tient enfin son 19e titre du Grand-Chelem au terme d'une nouvelle remontada. Remontada dont il est devenu le spécialiste au fil des derniers jours.
Confortablement assis au volant de son bolide, ses 19 trophées amassés sur le siège passager, il est désormais plus que jamais dans le rétroviseur des deux ovnis, Rafael Nadal et Roger Federer. Et quelque chose nous dit que ce Joker n'a pas fini sa moisson de victoires...