Le compte à rebours va terminer sa course aux derniers douze coups de minuit de 2022. Le gouvernement fédéral s’est lui-même enfermé dans cet agenda : boucler un accord avec Engie, sur la prolongation du nucléaire pour ce 31 décembre.
Le décompte est enclenché depuis l’été dernier. Le principe acquis depuis le printemps.
Les revirements du MR et surtout d’Ecolo
En 2003, la coalition emmenée par Guy Verhofstadt (où on retrouvait déjà socialistes, libéraux et écologistes) prononçait la fin de l’énergie nucléaire en Belgique pour… 2015. Problème : les gouvernements suivants n’ont quasiment rien mis en chantier pour remplacer cette énergie qui fournit la moitié de l’électricité belge. Conséquence : la prolongation des réacteurs avec un arrêt définitif établi en 2025, avec recours massif à des centrales au gaz pour compenser, le temps de développer les énergies renouvelables. C’est la doctrine bétonnée sous le gouvernement dirigé par Charles Michel.
L’actuel gouvernement fédéral lors de son installation en 2020 a confirmé ce scénario, en se laissant toutefois une possible ouverture "au cas où". Et c’est là que le MR version Bouchez prenait le contre-pied du MR version Michel, en privilégiant le nucléaire plutôt le gaz et la flambée des prix due à la reprise post-covid et surtout la guerre en Ukraine allaient donner corps à cette ambition.
Face à la situation, les écologistes eux-mêmes finissaient par admettre que l’option nucléaire devait être maintenue. Tout cela plaçait désormais Engie, que l’atome intéresse de moins en moins, en position de force.
Des négociations compliquées
En effet, après avoir signifié à la multinationale française que ses centrales ne l’intéressaient plus, le gouvernement belge devait supplier une prolongation de 10 ans pour éviter la panne de courant dès 2026. Le tout avec en arrière-fond la taxation des surprofits d’Engie, la délicate gestion des déchets radioactifs et le coût exorbitant du démantèlement des vieux réacteurs. Des milliards d’euros sont en jeu et le politique pas véritablement en position de force. Plusieurs éléments interviennent :
- En mars dernier, on optait pour la prolongation des deux réacteurs les plus récents (Doel 4 et Tihange 3) mais on allait constater ensuite qu’il restait un "problème" d’approvisionnement pour l’hiver 2025-26, le temps de remettre en conformité ces réacteurs. Fin mars, le CEO d’Engie Belgique, Thierry Saegeman, avait prévenu que la décision tardive du gouvernement de prolonger les centrales nucléaires les plus récentes implique qu’elles ne seront prêtes qu’en 2027. Elles devront en outre probablement être mises à l’arrêt entre 2025 et 2027 pour les travaux d’adaptation, avait-il averti. De plus, la prolongation nécessitera vraisemblablement une enquête publique qui s’étendra aux pays voisins de la Belgique. Une procédure qui prend des mois et qui compromet également la sécurité de l’approvisionnement électrique comme la construction de centrales au gaz compensatoire, soumises à des permis de bâtir… à négocier avec les Régions. Le gouvernement flamand (sous influence N-VA) fait déjà pression.
- Depuis 2008, l’état ponctionne une partie des bénéfices d’Engie. Chaque année, au moment de payer, l’énergéticien fait la grimace. Cette année, au vu des bénéfices, une perception record est prévue. Mais cette fois, face aux demandes politiques, Engie se trouve en position de force pour négocier, entend bien en profiter et pose ainsi ses conditions. Le litige porterait cette année sur 300 millions €.
- Il est aussi prévu que légalement, Engie cotise afin d’alimenter un fonds censé prendre en charge le démantèlement très coûteux des vieux réacteurs. Doel 3 est mis hors service, Tihange 2 va suivre sous peu. Mais le coût du démantèlement s’élèvera en milliards € et la question de l’enfouissement des déchets n’a même pas encore été envisagée ! Dans sa dernière et toute récente mise à jour, la Commission des Provisions Nucléaires a porté à 3,3 milliards € la somme à exiger d’Engie, qui conteste déjà cette nouvelle hausse.
Les négociations se poursuivent donc cette dernière semaine. Il est toujours question d’aboutir à un partenariat entre Engie et l’Etat belge pour devenir coactionnaires des réacteurs prolongés. Sur la table : la création d’une société mixte où chacun détiendrait 50% des parts, chacun partageant les investissements dans les travaux de prolongation, ainsi que les (éventuels) bénéfices ainsi que les risques d’exploitation jusqu’en 2035. Reste à se mettre d’accord…