Belgique

Nucléaire ? Non mais… oui... mais non… mais oui… merci…

Les coulisses du pouvoir

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Pour la première fois, l’Etat Belge va devenir producteur d’électricité d’origine nucléaire. L’accord avec Engie est donc un tournant pour la politique énergétique de ce pays.

Certes l’Etat Belge a beaucoup investi dans le nucléaire en Belgique en particulier dans la recherche dans les années 50 et 60 à Mol mais n’a jamais été propriétaire et producteur. Ces investissements publics ont débouché sur des initiatives industrielles privées (à l’inverse de la France ou l’initiative est restée largement publique) : les ACEC, Cockerill, la métallurgie d’Hoboken, Umicore, ont investi et bien sûr Electrabel et la générale de Belgique qui s’est constituée en un quasi-monopole national dans un marché très régulé.

Ce modèle sui generis a pu donner l’impression aux Belges que la production d’électricité, en particulier la production nucléaire était une sorte de bien nationalisé, quasiment un service public. Mais il n’en était rien. C’était bien un monopole privé. La politique énergétique du pays était dans les mains des dirigeants de la générale qui a maintenu d’ailleurs des prix plutôt élevés pour assurer ses investissements.

Quand le capitalisme européen s’est dérégulé à la fin des années 80 la Belgique politique est restée passive et à laisser filer sa filière nucléaire aux mains des Français de Suez devenu Engie. Engie qui a refusé tout développement industriel d’Electrabel et malgré un outil amorti a maintenu des prix plutôt élevés pour assurer des dividendes plantureux à ses actionnaires belges et Français. C’est la fameuse vache à lait de la rente nucléaire.

Etat producteur

Cette histoire connaît aujourd’hui une rupture car l’Etat va donc devenir producteur d’électricité. Jusqu’ici l’Etat se contentait de Taxer Engie pour récupérer une partie de cette rente nucléaire, il va donc devenir copropriétaire.

C’est un tournant, car toute la stratégie d’Engie, qui est une logique de marché (et c’est logique), c’est de sortir du nucléaire. Il y a plusieurs raisons, mais la raison la plus importante c’est que la vache à lait ne donne plus beaucoup de lait et qu’elle coûte de plus en plus cher. Et puis la perspective était désormais tracée. Même le gouvernement le plus pro-nucléaire depuis belle lurette, le gouvernement Michel et sa ministre Marie Christine Marghem, ont confirmé, après avoir prolongé deux réacteurs, qu’ils préféraient faire confiance au gaz, aux importations et aux renouvelables. La vivaldi enfonce le même clou.

Pour Engie il n’y avait donc plus de perspectives de développement dans l’atome dès 2017 : le parc est vieillissant et la gestion des déchets est un puits sans fond qui se creuse d’année en année de plusieurs dizaines de milliard d’euros.

Or, la crise ukrainienne est passée par là. Le marché se retourne. Le gaz devient cher et hasardeux et surtout les importations s’annoncent plus compliquées. La sortie groupée du nucléaire en trois ans devient trop risquée pour l’approvisionnement. Il faut prolonger mais Engie considère toujours que le puits sans fond des déchets nucléaires est un risque industriel trop important surtout pour une vache à lait qui a donné presque tout son lait.

Le fond du trou

Engie obtient donc un fond à ce trou. Mieux, Engie obtient la garantie que ce trou abyssal soit rempli par les contribuables, si comme tout le monde s’y attend il continue de se creuser dans les (centaines) d’années à venir.

Engie obtient aussi que l’Etat devienne copropriétaire. C’est une garantie que désormais L’Etat ne soit plus trop difficile sur toute la procédure de prolongation et sa politique de taxation. L’Etat ne voudra pas scier la branche sur laquelle il est désormais assis.

L’Etat devient donc propriétaire de réacteurs nucléaires au pire moment de l’histoire de la filière. Au moment où le privé voit plus les risques et les externalités négatives que les profits.

Ce deal pose beaucoup de questions. Une en particulier mérite qu’on s’y attarde. Est-ce que ce deal n’est qu’une énième répétition de l’adage nationalisation des pertes, privatisation des profits ? La répétition qu’a la fin la politique énergétique est dictée par Engie ? Ou assiste-t-on à un tournant ? Celui évoqué à la fois par le Premier ministre ou le PTB. Celui ou l’Etat belge assumerait les limites du marché face à la transition énergétique et face aux contraintes stratégiques de la production d’électricité. Le début d’une forme de nationalisation ou de production mixte de la production électrique ? Qui vivra verra…

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