Numa Sadoul raconte son interview avec Franquin : "Sa femme et sa fille ont décidé qu’il était temps qu’il se livre"

Il n’a pas été facile de convaincre Franquin, homme discret et humble, au rire tonitruant, de se prêter à l’exercice de la confidence. C’est un euphémisme de dire que ce livre est un précieux témoignage pour les nombreux fans de l’auteur.

Numa Sadoul raconte comment il est parvenu à décrocher cet entretien presque historique. L’homme avait déjà forgé une amitié privilégiée avec le célèbre auteur : "Avec Franquin, on a passé quelques jours à discuter chez lui dans le Midi. C’était un vieil ami depuis longtemps, donc c’était beaucoup plus facile de donner à nos entretiens ce tour amical, fraternel, chaleureux que j’ai toujours voulu".

Néanmoins, il a mis dix ans avant d’accepter de se confier. "Quand j’ai fait mes premiers entretiens avec Hergé, j’ai tout de suite proposé à Franquin de faire pareil" se souvient l’écrivain français et spécialiste de la bande dessinée. "Il m’a tout de suite dit : 'Non, pas question'. Il n’aimait pas parler en public, se confier, se mettre en avant. Cela a duré dix ans, de temps en temps je le relançais, il rigolait et s’en tirait par des pirouettes. Un jour sa femme et sa fille ont décidé que cela avait assez duré, qu’il était temps qu’il se livre à cet exercice périlleux mais ô combien exaltant".

Elles ont dès lors décidé de le piéger en confrontant les deux hommes. "Un jour qu’on déjeunait ensemble dans le Midi, je suis arrivé avec ma valise remplie d’albums, de cassettes, de matériel et il a bien été obligé de se laisser faire, avec beaucoup de plaisir".

Le résultat s’est traduit par 34 heures d’enregistrements dont on peut entendre les extraits les plus savoureux dans le podcast Franquin par Franquin de Fred Jannin et Nicolas Vandooren. Un projet qui rend encore plus humain ce monument du 9ème art.

Pour Numa Sadoul, il y a d’ailleurs "deux sommets dans la bande dessinée francophone avant les années 80 : Franquin en Belgique et Jean Giraud, Moebius, en France". "Deux génies qui ont marqué leur temps, imprimé leur présence insurpassable dans le monde de la BD mais aussi dans l’imagerie en général. Ils transcendent la BD : Franquin est un grand maître de l’expression, du mouvement, du noir et blanc, de la couleur" analyse-t-il.