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Nyege Nyege, l’irrésistible envie de danser

© AFP or licensors

Par Guillaume Scheunders via

Le Botanique s’apprête à accueillir le collectif ougandais Nyege Nyege ce samedi dans le cadre de la soirée Bota By Night. Un événement qui va assurément retourner la Rotonde avec les musiques électroniques africaines les plus pointues et novatrices du moment. Mais avant de devenir un festival, un label et un collectif mondialement connus, Nyege Nyege était une idée dans la tête de deux personnes, dont un Belge, Derek Debru, avec qui on a eu l’honneur d’échanger quelques mots.

Il existe des tas de récits fascinants dans l’histoire de la musique et celui de Nyege Nyege pourrait bien faire partie des grandes lignes de la musique électronique. Comment, en quelques années, un belge et un greco-arménien ont transformé un concept de soirées dans la capitale ougandaise en un festival, un collectif et un label reconnus dans le monde entier et sortant les sonorités les plus folles de ces dernières années ? Tout commence lorsque Derek Debru, un Belge descendant d'une "enfant volée" du Burundi, déménage à Kampala en 2011. Il y dirige la Kampala Film School avec son acolyte Arlen Dilsizian : "Nous avions tous les deux un intérêt profond pour la musique, beaucoup d’amis dans le milieu underground où résidaient beaucoup de talents malgré un manque d’infrastructures. Au début, on a juste lancé des soirées films alternatifs chaque samedi, avec une jam session à la fin. Beaucoup de MCs, de Djs ou de percussionnistes y passaient régulièrement et ils sont devenus le fondement de notre communauté", se souvient Derek.

Très vite, l’idée de développer cette communauté prendra racine et ils loueront un espace dédié à la musique et à la vidéo où ils organiseront des ateliers et résidences. Les premiers à utiliser l’endroit sont Riddlore ?, de Los Angeles et Alai K, de Nairobi, qui produiront un album de disco vumbi et d’afromutations. En parallèle, Derek et Arlen mettent sur pied leurs premiers événements, sous le nom Boutiq Electroniq.

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De Boutiq Electroniq à Nyege Nyege

Les soirées sont un succès et laisseront petit à petit la place à une petite rave le long d’une rivière près d’une station balnéaire abandonnée. Ce concept deviendra très vite le festival que l’on connait, Nyege Nyege, qui a accueilli 15 000 personnes lors de sa dernière édition en 2019. "Un jour, on a trouvé ce lieu incroyable. À ce moment-là, il y avait peu d’artistes ougandais, la scène kényane bouillonnait et il n’y avait aucun festival de la sorte en Ouganda. On s’est dit qu’il était important pour notre écosystème d’avoir un moment dans l’année où les acteurs du milieu underground créatif puissent se rencontrer et dévoiler leur art", explique-t-il.

On a découvert énormément de musique incroyable dans la région. Kadodi, acholi electronics, singeli…

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En finir avec la world music

Nyege Nyege est organiquement devenu un label mettant en lumière cette scène d’Afrique de l’est qui regorge de talents. Nyege Nyege Tapes est une vitrine de tout ce qui se fait de mieux en musique électronique africaine et ce pour une raison très simple : ils ne s’enferment pas dans les genres traditionnels que sont la techno et la house. "On a toujours eu envie de casser ce formatage culturel de la musique électronique autour de la techno et de la house. En Afrique, on a énormément de genres musicaux électroniques qui méritent d’exister en dehors de leur étiquette de world music, comme l’elone, le gqom, le bikuss, le shangaan, le singeli, etc".

Aujourd’hui, le label explose, tant sur le plan national qu’international. "Nous recevons environ dix soumissions par jour de partout dans le monde", révèle Derek. "Mais malheureusement, on a toujours du mal à joindre les deux bouts financièrement pour engager des personnes et suivre la croissance. On espère pouvoir tenir à ce niveau-là pour que le projet reste viable et qu’on puisse continuer à grandir et servir une communauté d’artistes qui peuvent vraiment bénéficier de notre travail."

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Un rayonnement international

En témoigne cette soirée aux Nuits Botanique, Nyege Nyege a acquis une renommée au-delà des frontières ougandaises. Cette année, le label comptabilise environ 250 shows à travers le monde. "On attire beaucoup les fans de musique mais les personnes issues de la diaspora se sentent aussi fort connectés à notre musique. Malheureusement, c’est un son qui est encore trop de niche chez nous où la musique mainstream commerciale est toujours dominante, ce qu’on aimerait changer. L’Europe a offert de belles opportunités à nos artistes pour tourner. Des festivals comme Unsound, Le Guess Who, BRDCST ou les Nuits du Botanique ont aidé à nous mettre sous les projecteurs", se réjouit le co-créateur.

Samedi, ce sont cinq artistes de qualité qui défileront du côté de la Rotonde pour cette soirée spéciale Nyege Nyege. Don Zilla est l’un de leurs premiers résidents, produisant un son très influencé par la musique traditionnelle. Turkana est l’une des révélations de ces derniers mois. Programmée à Dour, Primavera et au CTM, elle fait preuve d’une énergie sans pareil et passera par moult genres et tempos dans son set. De Schuurman est quant à lui un vrai phénomène venu des Pays-Bas. Après s’être usé sur de la house toute sa vie, il a abandonné le genre et a sorti une mixtape sur le label Nyege Nyege Tapes. Salué par le New York Times, il tourne maintenant tout autour du monde, montrant une technique imparable derrière les decks. Parmi les autres, on notera également Catu Diosis, mais aussi DJ Diaki, un Malien qui produit de la musique depuis 1989 et qui n’a joué en dehors de son pays qu’en 2019 grâce au festival. Une certaine DJ Marcelle l’a qualifié de "découverte du siècle", rien que ça.

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La suite pour Nyege Nyege, c’est le retour du festival, qui aura lieu du 15 au 18 septembre. Pour l’occasion, l’événement se déplace dans un endroit plus sûr, jouxtant l’une des plus grandes cascades du Nil. Musicalement, ils se concentreront sur la musique Carribéenne et ses influences autour du monde, mais auront également de nouveaux noms comme Adomaa ou Kabeaushé. Ils inviteront des webradios pour réaliser la curation de certaines scènes et inviteront évidemment quelques légendes de la musique électronique. "Ça va être une édition historique", conclut Derek.

Nyege Nyege sera aux Nuits Botanique ce samedi 7 mai, avec De Schuurman, DJ Diaki, Catu Diosis, Turkana et Don Zilla. Plus d’informations ici.

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