Catastrophes naturelles

Océan pacifique : la faille Cascadia fuit et pourrait provoquer un tsunami et des séismes destructeurs

© Getty Images

Par Chloé Rosier

Des scientifiques de l’Université de Washington annoncent la dispersion de liquide chaud dans le fond de l’Océan Pacifique, le long de la faille de Cascadia qui longe le continent américain, de l’île de Vancouver au nord de la Californie.

Si des sources chaudes existent partout dans le monde, ces échappements de fluides chauds, qui sortent des sédiments au niveau du fond de l’océan Pacifique, ne sont pas anodins et pourraient avoir de graves conséquences.

"Pythia’s Oasis" (l’Oasis de Pythie, en référence à la Pythie de Delphes dans la Grèce Antique) est donc une source d’eau presque douce qui jaillit du fond de l’océan à travers une faille appelée la zone de subduction de Cascadia (1000 km de long). La zone de subduction est une région de la croûte terrestre avec une activité sismique et volcanique intense, où une plaque océanique passe sous une autre plaque. C’est dans ces régions que peuvent se présenter de très gros séismes, d’une magnitude allant au-delà du 9 sur l’échelle de Richter (à titre de comparaison, le séisme qui a eu lieu en Turquie et en Syrie en février était d’une magnitude de 7,8).

Découverte accidentelle

C’est Brendan Philip qui a fait cette découverte accidentelle, en 2015, à 80 km de la ville de Newport dans l’Oregon. Les bulles entrevues auraient pu être un indice de l’existence d’une bouche hydrothermale mais la surprise fut toute autre, comme les scientifiques l’expliquent dans une étude réalisée par l’Université de Washington et publiée dans Sciences Advances.

"Ce qu’ils ont vu n’était pas seulement des bulles de méthane, mais de l’eau sortant du fond marin comme une lance à incendie. C’est quelque chose que je n’ai jamais vu et, à ma connaissance, qui n’a jamais été observé auparavant", a déclaré Evan Solomon, géologue des fonds marins et l’un des auteurs de l’article, dans un communiqué de presse.

Après analyse, les chercheurs ont pu déterminer que les fluides sortant de la faille sont 9 °C plus chauds que le fond marin et ils ont une signature chimique différente de celle de l’eau de mer. D’après eux, cette eau viendrait de 4 kilomètres sous le fond océanique, où la température est estimée à 150-250 °C.

© Philip et al. 2023, Science Advances

Pourquoi cette eau chaude qui se déverse dans l’océan est un problème ?

Comme expliqué plus haut, l’endroit d’où sort cette eau chaude est en fait le chevauchement entre deux plaques tectoniques : la plaque Juan de Fuca qui glisse en dessous de la plaque Nord-Américaine de manière plus ou moins douce pour l’instant. Cependant, la réserve d’eau chaude de l’Oasis de Pythie agit comme un lubrifiant entre ces deux plaques réduisant la friction entre les roches, et, en se déversant, la lubrification est de moins en moins performante.

Le risque est réel selon les chercheurs : "Si la pression du fluide est plus faible, les deux plaques se verrouillent – c’est à ce moment-là que la pression peut s’accumuler." Et si la pression s’accumule trop, à un moment, elle lâchera pour continuer son mouvement et créera alors un énorme tremblement de terre, suivi d’immenses tsunamis avec des vagues de plus de 30 mètres de haut.

© Getty Images

Si ce scénario catastrophe vous semble invraisemblable, sachez qu’il a déjà eu lieu en 1700 lorsque la terre a tremblé à une magnitude entre 8,7 et 9,2. Un évènement traumatisant dont l’histoire s’est transmise de bouches à oreilles dans les communautés amérindiennes jusqu’à aujourd’hui. On a retrouvé des preuves matérielles dans la "ghost forest" dans l’Oregon où l’on retrouve d’anciens troncs d’arbres désormais sous l’eau ainsi que dans des documents japonais faisant état d’un énorme tsunami arrivé sur leur côte orientale à l’époque.

Que peut-on faire ?

On ne peut pas faire grand-chose, si le lubrifiant naturel des plaques fuite, il n’y a rien que l’on puisse faire si ce n’est de surveiller l’activité sismique de la région. Un travail déjà effectué en permanence vu les risques qu’un tremblement de terre dans cette région pourrait engendrer.

Cette découverte permet néanmoins une connaissance plus profonde de la manière dont fonctionnent ces deux plaques entre elles. "Pythias Oasis offre une fenêtre rare sur les processus agissant profondément dans le fond marin, et sa chimie suggère que ce fluide provient de près de la limite des plaques", explique la coauteure Deborah Kelley, professeur d’océanographie à l’UW.

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