Après cinq jours d’appel à l’aide, l’Ocean Viking peut enfin souffler : la Sicile a autorisé l’équipage du bateau de secours à accoster au port de Pozzallo, au sud-est de l’île italienne. Pour les 549 réfugiés secourus qui sont à bord, c’est le soulagement, après des jours de houle et de chaleur étouffante, dans des conditions particulièrement éprouvantes. "Chaque heure qui est passée était une souffrance pour ces personnes", raconte François Thomas, président de la branche française de l’ONG SOS Méditerrannée, qui organise des sauvetages en mer.
L’Ocean Viking attendait depuis lundi une réponse à ses appels à l’aide des pays méditerranéens, comme la Tunisie, Malte, la Libye et l’Italie. Pour le président de SOS Méditerranée, cette attente est "tout à fait inadmissible". "Le droit maritime est très clair : nous avons effectué des sauvetages, il y avait des naufragés, c’est le devoir de tout navire de le faire, rappelle-t-il. Ensuite, il appartient aux autorités responsables de la zone de nous indiquer un lieu sûr de débarquement. Cette attente, quasiment une semaine pour certains, est beaucoup trop longue." Parfois, cela va jusqu’à deux semaines. Selon lui, il faut améliorer le système de débarquement des personnes, et que les pays européens "affichent une solidarité" avec l’Italie.
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Pour les réfugiés, "chaque jour à bord est un jour de trop", alerte François Thomas. Les conditions à bord de l’Ocean Viking sont particulièrement éprouvantes : déshydratation, infections cutanées et les médicaments venaient à manquer. "Il y a des enfants, des femmes enceintes, il y a du stress psychologique, des personnes qui ont perdu connaissance, énormément de fatigue, explique le président de SOS Méditerrannée. Il est urgent que ces personnes puissent débarquer." Selon l’organisation humanitaire, au moins 118 mineurs d’âge se trouvent encore à bord, dont 94 non accompagnés. "Il y a eu trois évacuations médicales, des personnes pour qui il y avait une nécessité absolue de les débarquer", rappelle François Thomas.
Pour les personnes qui ont fui la Libye, l’horreur de la traversée fait désormais place à l’incertitude. "Ils savent que nous ne les ramènerons pas en Libye, ça c’est sûr, affirme François Thomas. Mais ils se demandent : 'Combien de temps allons-nous rester en mer ?' Cette incertitude est très dure à vivre psychologiquement."
Nous sommes là parce qu’il n’y a personne
L’année 2021 est-elle comparable à 2015 et son million de réfugiés qui ont traversé la Méditerranée ? "Il faut relativiser, note François Thomas. Le nombre de traversées est très inférieur." Mais il a augmenté par rapport à 2020… Pire : la mortalité monte en flèche : plus de 1100 personnes ont perdu la vie depuis le début de l’année en Méditerranée, un chiffre probablement sous-évalué. "L’Europe n’a mis aucun moyen de sauvetage hors des zones côtières, dénonce le président de SOS Méditerranée. Nous sommes là parce qu’il n’y a personne." Le beau temps explique aussi la hausse des traversées, selon François Thomas.
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Au total 700 migrants ont été secourus ces derniers jours par les différentes associations présentes dans la zone. Le Sea Watch, avec ses 257 migrants à son bord, attendait depuis le 1er août.
Malgré l’insécurité, le danger, la Libye reste un point de passage important pour les migrants qui tentent encore et encore de rejoindre l’Europe.