Depuis 2008, des éoliennes pointent le bout de leurs hélices dans la mer du Nord belge. Comment se comporte la vie marine autour de ces éoliennes et quel impact ont-elles sur les oiseaux ? C’est ce qu’observe depuis 13 ans le programme WinMon. BE, qui fait le bilan dans un nouveau rapport relayé vendredi par l’Institut royal des sciences naturelles de Belgique (IRSNB).
Treize ans après les premières constructions d'éoliennes offshore, réparties désormais sur 238 kilomètres carrés le long de la frontière néerlandaise, avec une capacité installée de 2,6 gigawatts fin 2020, un nouveau rapport de WinMon.BE fait le bilan des données collectées jusqu'à la fin 2020. Un rapport crucial alors qu'une deuxième zone pour les énergies renouvelables de 285 kilomètres carrés est prévue dans le nouveau plan d'aménagement des espaces marins belge.
Les invertébrés et poissons, qui s'étaient dans un premier temps installés à proximité immédiate des éoliennes individuelles, se sont désormais étendus aux sédiments mous situés entre les engins. Les récifs artificiels formés à la suite de l'arrivée de ces hélices géantes ont également attiré de nombreuses espèces épibenthiques (vivant à la surface des fonds marins) et des poissons associés aux substrats durs. Il s'agit de la moule commune, des anémones, de l'astérie, du petit oursin vert, du crabe poilu rouge et du bar commun.
Pollution sonore considérable
Les densités et les biomasses globales des espèces épibenthiques sont également nettement plus élevées à l'intérieur des fermes éoliennes. L'attraction des poissons se fait, elle, principalement à l'échelle des turbines individuelles. La plie d'Europe est ainsi attirée par les zones sablonneuses situées entre la protection contre l'affouillement autour des éoliennes offshore, qui lui offre des possibilités de nourriture et d'habitat, illustre l'IRSNB. Les récifs artificiels en développement offrent également des possibilités d'alimentation pour des poissons benthopélagiques comme le tacaud et la morue de l'Atlantique.
Concernant les organismes qui se développent sur les fondations des turbines, les interactions entre espèces commencent à jouer un rôle important, relève le rapport. Ainsi, les coquilles des moules communes fournissent un habitat secondaire attrayant pour les organismes colonisateurs, ce qui contribue à l'augmentation de la richesse des espèces et contrebalance l'appauvrissement de la diversité en espèces "constaté auparavant en raison de la présence abondante de l'anémone plumeuse".
Par ailleurs, la construction de parcs éoliens offshore provoquait une "pollution sonore considérable", par le battage de pieux, particulièrement nocive pour les marsouins communs bien établis dans la mer du Nord belge. Depuis 2016, des mesures d'atténuation sonore sont appliquées, qui "réduisent de manière efficace l'étendue spatiale et temporelle de la zone de construction évitée par le marsouin commun", conclut le rapport.
Les éoliennes n'impactent pas que les fonds marins mais également l'espace aérien et les oiseaux. "Le déplacement des oiseaux marins causé par les parcs éoliens offshore s'est avéré être un processus complexe", fait d'attraction et d'évitement, établissent les scientifiques. Parmi les éléments d'explication de ce phénomène paradoxal, le rapport cite la perturbation visuelle des engins mais aussi la possibilité de repos en mer et de recherche de nourriture ainsi que l'absence de pêche dans les parcs éoliens belges.
Ce phénomène est d'autant plus complexe qu'il peut varier selon la qualité de l'habitat local, la taille et la configuration du parc éolien ainsi que l'emplacement du parc par rapport aux colonies d'oiseaux et aux zones d'alimentation de ces animaux. Le cycle de vie de l'espèce joue aussi un rôle. Ainsi, les goélands bruns adultes semblent éviter le parc éolien Norther tandis que leurs congénères sont attirés par le parc Belwind, situé plus au large. "À plus long terme, certains oiseaux de mer peuvent également s'habituer à la présence d'éoliennes offshore", comme cela pourrait être le cas pour le fou de Bassan, le guillemot de Troïl et le pingouin torda.
Une mise sur pause efficace
Concernant le risque de collision avec les éoliennes offshore, le rapport établit qu’il concerne surtout les oiseaux chanteurs migrateurs volant à hauteur de rotor. Ce risque est accru la nuit et lorsque les conditions météorologiques se détériorent. La mise sur pause des éoliennes dans ces cas-là peut se révéler efficace, les scientifiques ayant calculé que 682 collisions d’oiseaux chanteurs auraient pu être évitées à l’automne 2019 "si les turbines de tous les parcs éoliens offshore belges avaient été mises au ralenti lorsque le flux d’oiseaux à la hauteur du rotor a dépassé 500 oiseaux par km et par heure".
Selon l'IRSNB, l'éolien offshore belge fournit 10% de la demande totale d'électricité en Belgique, soit 50% de la demande d'électricité de tous les ménages belges.
Le programme WinMon. BE est issu d’une coopération entre l’IRSNB, l’Institut de recherche sur la nature et la forêt (INBO), l’Institut de recherche pour l’agriculture, la pêche et l’alimentation (ILVO) et le groupe de recherche en biologie marine de l’Université de Gand.