L’intensité des actions et la quantité des infiltrés, le service d’agents doubles, voire triple s’étendent de façon remarquable chez les autres polices politiques européennes, sous l'impulsion de l'Okhrana. Le besoin de contrôle des Russes les amène à proposer par deux fois aux autres puissances occidentales une sorte d’ébauche d’Interpol, une police européenne antiterroriste. Ce qui leur sera refusé même si des collaborations auront lieu. "Des échanges rendus qui en appellent d’autres en échange" explique Alexandre Sumpf.
Peu à peu, comme c’est le cas aujourd’hui, cette police secrète étend ses méthodes afin d’assurer la protection générale de l’Etat. Mais en privilégiant ses intérêts, l’Okhrana signe son arrêt de mort. En 1917, lors de la révolution bolchévique, elle est une des premières institutions de l’ancien régime à être démantelée par décret du gouvernement provisoire au mois de mars.
Si ses méthodes ont inspiré les polices secrètes de plusieurs pays, on ne peut toutefois pas établir une analogie de cet organisme avec les services secrets soviétiques qui lui ont succédé, précise l’historien français : "Les deux guerres mondiales ont participé à cette radicalisation des moyens utilisés […] Il y avait quand même une limite, je ne sais pas dans quelle mesure elle est franchie ou pas aujourd’hui, très nette au sein de l’Okhrana : on ne pratiquait pas l’élimination, ni de ses propres agents, ni surtout de ses adversaires […] Il n’y avait pas d’assassins professionnels, c’est une grande différence avec ce qu’il se passe après la Première Guerre mondiale et notamment avec les pratiques d’enlèvements des services secrets soviétiques, ce qui n’était pas le cas sous le tsar, et ensuite la pratique des exécutions soit sur place, soit dans les geôles du NKVD (NDLR : l’ancêtre du KGB)".
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