Antonio et Hannah Damasio, auteurs d’un fascinant livre, intitulé "L’erreur de Descartes" et professeurs de neuropsychologie, ont passé une partie de leur vie à analyser la neurologie des émotions et en sont arrivés à formuler l’hypothèse un peu folle des émotions comme pilier de l’évolution.
Pour comprendre ce que peut donner à penser la rencontre entre neurologie et anthropologie, imaginons-nous hominidés des premiers instants de l’humanité. Nous ressentons la joie d’un chant d’oiseau, d’une couleur, d’une situation agréable. Cette joie et les réactions chimiques produisant du bien-être vont laisser dans le cerveau des marqueurs somatiques (sortes d’empruntes émotionnelles). C’est ensuite l’envie de revivre, de ressentir et de partager l’émotion d’origine qui nous poussera en tant qu’hominidé à inventer la représentation puis la peinture, la musique, les mythes, les rites et toutes les sciences, techniques et inventions qui vont avec.
Idem pour la douleur (la vôtre et celle de l’autre) qui nous donnera l’envie d’apaiser, de prendre soin, puis de soigner, ce jusqu’à la médecine moderne : la mort d’un proche provoquant la tristesse engendrera la mystique, l’invention des religions, l’astrologie, et ce jusqu’à la colonisation de Mars. Et enfin : l’angoisse du manque, la faim, l’inconfort de l’incertitude, nous pousseront à domestiquer plantes et animaux, nous sédentariser et créer des structures sociales telle que la famille, le clan et l’Etat.
Dès lors : renier le pouvoir transformateur de nos émotions reviendrait à se priver d’une énergie considérable pour notre évolution et notre adaptation.