La Belgique doit-elle tout faire pour libérer Olivier Vandecasteele, condamné en Iran à 40 ans de prison et 74 coups de fouet ? La pression des proches du travailleur humanitaire place l’Etat Belge face à un dilemme majeur: le droit à la vie d’Olivier Vandecasteele face au droit à la vie des victimes du terrorisme.
Raison d’Etat
Où est la raison d’Etat ? Wikipedia évoque "le principe au nom duquel un État s’autorise à violer le droit et la loi au nom d’un critère d’intérêt supérieur". La réponse de l'Etat est connue. Le gouvernement a cédé au chantage iranien au nom de la raison d’Etat. Il a décidé d’échanger un otage contre un détenu, de sauver la vie d’Olivier Vandecasteele en transférant un diplomate iranien condamné en Belgique pour planification d’attentat terroriste. Le traité a été voté à la chambre l’été passé.
Mais la Cour constitutionnelle a une autre conception de la raison d’Etat que l’Etat belge. Dans un arrêt très clair, la Cour constitutionnelle considère que la Belgique sait ou doit savoir que l’Iran n’appliquera pas la peine infligée à son diplomate. Or, rappelle la cour, la Belgique a l’obligation de protéger le droit à la vie. C’est cette obligation qui conduit l’Etat Belge à organiser un système judiciaire qui condamne les auteurs de tentatives d’attentat terroriste. La cour cite la Cour européenne des droits de l’homme qui est très claire elle aussi: "en cas de transfert de personne condamnée vers un autre pays, il faut s’assurer que la peine sera purgée pour que le droit à la vie des victimes soit protégé."
Etat de droit
Pour faire très court, la Cour constitutionnelle rappelle qu’un Etat de droit ne peut pas s’asseoir sur une décision de justice. Il faut l’appliquer. C'est un principe de base. Un principe sur lequel la Belgique n’est pas très regardante, près de 7000 décisions de justice favorable à des demandeurs d’asile sont restées lettres mortes durant des mois.
Dans le cas de l’Iran, la Belgique n’a pas eu beaucoup de scrupules non plus. La Belgique savait très bien ce qu’elle faisait au moment où elle a décidé d’accepter le chantage de l’Iran. Mais donc au nom de la raison d’Etat elle avait décidé de ne pas faire respecter une décision de justice. L’arrêt de la cour est venu interrompre le processus, et maintenant l’Etat belge est en grande difficulté.
Est-ce que l’Etat pourrait outrepasser la décision de la cour ? Une nouvelle fois, ne pas appliquer des décisions de justice ne semble pas trop compliqué pour l’Etat belge. Mais une décision de la Cour constitutionnelle à une autre portée. On verra le jugement sur le fond en février.
Inception
On voit qu’il y a deux dilemmes dans cette affaire. D’abord, le dilemme entre le respect de deux principes fondateurs. Le respect de l’Etat de droit, et le respect du droit à la vie d’Olivier Vandecastele.
Mais dans ce dilemme est enchâssé un autre dilemme comme dans le film Inception de Christopher Nolan où les rêves sont enchâssés. Ici c’est un cauchemar qui est enchâssé dans un autre cauchemar. En cédant au chantage de l’Iran la Belgique mettrait à mal encore un peu l’Etat de droit, c’est le premier dilemme. Mais enchâssé il y a aussi ce que protège dans ce cas l’Etat de droit : le droit à la vie des victimes, c’est-à-dire le droit que nous avons d’être protégé de tentatives d’attentat terroristes.
Le deuxième dilemme oppose donc notre droit à la vie et le droit à la vie d’Olivier Vandecasteele. Le droit abstrait, formel ou général à la vie comme principe de droit et le droit concret, réel et particulier à la vie comme principe humanitaire d’Olivier Vandecasteele. Le droit que la société belge soit protégée de l’Iran et le droit qu’Olivier Vandecasteele soit protégé de l’Iran.
Hier, dans Jeudi en prime, Olivier Van Steirtegem un ami d’Olivier Vandecastele à dit "il vaut mieux 100 terroristes en liberté qu’un innocent en prison". C’est la phrase d’un ami ça. On ferait tout pour sauver un ami. Mais ça ne peut pas être la phrase d’un Etat, il en va de l'intérêt supérieur de l'Etat.