Reconnaissance atypique. On a retrouvé Jérôme Gilbert sur ses terres. La Redoute, l’ascension mythique qu’il a grimpée tant de fois avec son frère lorsqu’ils étaient gamins ! Petit café à Remouchamps là où ils fêtaient les victoires de Philippe. Anecdote savoureuse ! On s’est aussi envoyé la Roche aux Faucons. Celle qui décide du futur vainqueur de la doyenne !
La Redoute? 4'30'' à bloc!
Liège-Bastogne-Liège, c’est quand même un fameux dénivelé. 11 côtes. Plus de 6 heures sur le vélo. 258 kilomètres. "C’est égal à une étape du Tour de France en montagne, explique Jérôme. Sauf qu’en montagne, ce sont des longs cols où on va gérer. Ici, c’est à bloc. La Redoute, par exemple, c’est 4’à 4'30'' à bloc."
Justement, nous voici dans La Redoute. Une côte de 1,7 km La Redoute. 9,5% de moyenne avec une pente maximum de 22% dans le petit raidillon mythique.
"Ah si tu veux aller chatouiller un peu tes mollets, c’est à l’intérieur qu’il faut le prendre. A l’extérieur, c’est 17% et à l’intérieur c’est 22%. Ça c’est dur !"
On met le grand plateau sur le dessus comme Vandenbroucke ?
Nous terminons l’escalade du raidillon le plus raide et c’est loin d’être fini. "Bon, ici, Gérald, tu te rappelles en 1999 ? Vandenbroucke et Bartoli ? Là un peu plus loin, ils remettent le grand plateau !"
Et le jeune Rodrigo à l’époque de s’enthousiasmer : "Vandenbroucke est très à l’aise, Vandenbroucke attaque ! Démarrage superbe. Les deux hommes côte à côte. Quel beau spectacle dans La Redoute !"
La dernière bosse est raide. Dingue de revoir les images de Vandenbroucke les mains en bas de cintre avec Bartoli. Un regard. Une attaque. Je propose à Jérôme Gilbert d’essayer de la grimper grand plateau nous aussi. Rien à perdre ! Ça passe plus vite mais on sent les cuisses ! "Et nous, ici, on est frais mais les mecs en course ils ont 220 bornes, voir 230 kilomètres dans les jambes, donc euh grand plateau jusqu’au sommet, ça pique hein !"
Arrivée au sommet, contrairement aux années précédentes, on ne part plus à gauche (là où Remco attaque l’an dernier en soulevant la roue arrière tellement il met les watts !), on bifurque à droite ! "Donc, garde ton grand plateau, ça va descendre à 80 km/h ! C’est mieux des petites routes comme celle-ci où le peloton ne va pas pouvoir s’organiser en se relayant sur des grands boulevards." Donc ça signifie que la côte de La Redoute gagne en importance avant de remonter sur Dolembreux, d'aller chercher la Côte des Forges et puis de descendre vers l'Ourthe et le pied de la Roche aux Faucons.
Un p’tit café à Remouchamps ?
On ne passe pas à Remouchamps sans faire étape au Cheval Blanc situé à 500 mètres de la maison familiale de la tribu Gilbert. Et alors qu’Ivette me sert un café et un chocolat chaud pour Jérôme, ce dernier se souvient d’un certain Grégory Habeaux.
"C’est un coureur qui abandonne ici après avoir fait l’échappée et puis il est mort gelé. Il s’arrête au café. On lui demande " vous voulez quelque chose ? " Il dit un chocolat chaud. On lui présente un bon chocolat chaud comme ceci. Et comme il y avait plein de monde, la patronne avait dit qu’il fallait faire payer tout de suite ! On lui demande 2€. Et il n’avait qu’une barre énergétique et ses dossards dans sa poche. Et alors, comment il a fait ? C’est un supporter qui a payé pour lui !"
"J’aime autant vous dire que Grégory, il ne nous oubliera jamais, enchérit la patronne Ivette !"
La Roche aux Faucons, c’est un autre coup de pédale !
"On est quand même à 11% de moyenne dans la Roche aux Faucons. C’est un autre coup de pédale. C’est plus aérien, c’est plus dur encore, plus raide !"
Jérôme me prévient. Il sait aussi qu’on devra franchir de longs passages à 14% et à 16%. Moi, je suis resté sur le grand plateau et Jérôme me recadre immédiatement !
"Arrête tes conneries, met ton petit plateau ! Ça va être long après ! Les pourcentages les plus forts vont arriver. Là, ça va piquer et tu vas commencer à regretter ton grand plateau du début ! Les coureurs, ils font le contraire en fait. Ils essayent de monter le début petit plateau, et ensuite mettre le grand plateau sur le sommet, là où tu fais des grandes différences !"
Ok. Bien compris la leçon.
"Nous, on est à 11 km/h, lui dis-je. Les pros, ils montent à combien ici ?"
"Bon, je ne vais pas dire le double pour ne pas te démoraliser, mais ça peut rouler vite oui !"
Léger replat… à 8% ! La Roche, ça ne rigole pas ! Dernière bosse, je demande à Jérôme s’il serait d’accord de me montrer la différence qu’on peut faire entre un coureur qui a encore des bonnes jambes et un autre comme moi qui est HS ?
"Bon, ça peut faire vite des dégâts hein !"
Et en effet, c’est impressionnant l’écart qui peut se creuser en moins de 100 mètres !
"Et après, ils redescendent avant de remonter sur Boncelles et c’est souvent là que la différence se fait. Les plus forts vont mettre le grand plateau et là, l’élastique se casse définitivement et les meilleurs filent jusqu’à l’arrivée." Quelle course cette doyenne!