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"Opération anti-terroriste" en Turquie : une centaine de personnes pro-kurdes arrêtées à l'approche des élections

Elections en Turquie: arrestations massives de membres de l'opposition

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Par Romane Bonnemé

Le parti du Président turc parle d'une "opération anti-terroriste" quand l'opposition la qualifie de "tentative d'intimidation". A moins de trois semaines des élections, la vague d'arrestation d'une centaine de personnes ce 25 avril a été menée dans 21 provinces, dont celle de Diyarbakır à majorité kurde. Elle aurait principalement visé des membres du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), classé comme terroriste par Ankara, comme par l'Union européenne ou les Etats-Unis. Retour sur les motifs de cette opération menée par le parti au pouvoir, l'AKP, qui n'en est pas à son coup d'essai.

Arrestations en masse motivées par la lutte contre le terrorisme

Qui sont les personnes arrêtées ? Selon le correspondant de France 24, Ludovic de Foucaud, "ce sont des personnes soupçonnées par la justice d'avoir mené des opérations terroristes pour le compte du PKK" interdit en Turquie.

D'après les médias turcs, ces arrestations viseraient des personnes qui auraient organisé des manifestations ou financé l'organisation du Parti démocratique des peuples (HDP) pro-kurde, accusé par Ankara de soutenir le "terrorisme" du PKK et qui fait l'objet d'une répression implacable depuis 2016. Des dizaines de membres du HDP dont sa co-présidente auraient ainsi été arrêtés hier.

Le média d'Etat Anadolu Agency dans un article publié mardi matin indiquait que "parmi les détenus figuraient des collaborateurs terroristes qui ont enlevé les 4 enfants de Diyarbakır".

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Du côté de l'opposition, on dépeint un tout autre profil des personnes arrêtées.

Dans un communiqué publié ce 25 avril, la co-porte-parole du HDP, Feleknas Uca, indique qu'outre le HDP et des organisations pro-kurdes, ces opérations ont également visé "des journalistes, des politiciens, des avocats, des artistes et des militants."

Selon l'agence de presse kurde Mezopotamya Agency, la dizaine de journalistes arrêtée ce mardi se serait vue confisquer par la police ses ordinateurs, livres et autres documents lors de des perquisitions.

L'ONG Human Rights Watch ainsi 17 groupes de défense de la liberté des médias et de la liberté d'expression ont publié une tribune ce mardi pour "demander aux autorités de donner immédiatement aux journalistes, avocats et militants politiques détenus l'accès à un conseil juridique et de divulguer tous les détails des charges retenues. En l'absence de preuves crédibles d'actes répréhensibles, ils devraient être libérés immédiatement".

Feleknas Uca ajoute dans le communiqué du HDP que "ce n'est pas un hasard si les avocats qui protègent les urnes et luttent contre l'illégalité, les journaliste qui informent le public et les politiciens qui combattent l'AKP sur le terrain sont simultanément visés".

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Prochaines élections à l'horizon

Toujours dans leur communiqué, la co-porte-parole du HDP dénonce ainsi "une intimidation et une menace pour la société et ses préférences politiques".

Troisième parti représenté au parlement turc et deuxième parti d'opposition, le HDP est également "dans le viseur de la justice et pourrait tout bonnement être interdit d'ici les élections. Le parti le sait bien et se prépare" indique le correspondant de France 24, Ludovic de Foucaud. En effet, il a été décidé qu'aux prochaines "lections, les candidats du HDP se présenteront sous la bannière du Parti vert de gauche.

Pour la première fois depuis 20 ans, l’opposition s’est unie derrière un candidat, le social-démocrate Kemal Kiliçdaroglu, et semble capable de gagner face au parti du président Recep Tayip Erdoğan aux prochaines élections, le 14 mai prochain.

Comme un air de déjà-vu

Ce n'est pas la première fois que l'AKP au pouvoir procède à ce genre d'arrestations massives de membres de l'opposition.

En mai 2013, l'occupation par des militants écologistes du parc Gezi à Istanbul voué à être détruit, avait violement été réprimée par la police anti-émeute envoyée par l'AKP. S'en est alors suivie une vague de contestation dans tout le pays, qui a duré six semaines, pour dénoncer les méthodes autoritaires d'Erdoğan. La violence policière aurait alors fait six morts

Plus de 3300 personnes avaient été arrêtées durant cet évènement. Elles ont été qualifiées de "terroristes" par l'AKP tandis qu'Amnesty International parlait plutôt de "prisonniers d’opinion"Tayfun Kahraman est l'un d'entre eux. 

Le 25 avril 2022, cet urbaniste a été condamné à 18 ans de prison pour "tentative de renversement du gouvernement" lors des manifestations de Gezi.

Sa femme, Meriç Kahraman voit dans ces prochaines élections l'espoir d'un changement : "Dès que le pouvoir aura changé, dès que les pressions sur la justice auront été levées, dès qu’on pourra à nouveau parler de droit dans ce pays, alors nos proches sortiront de prison. Parce que ce procès n’est rien d’autre qu’un procès politique."

La police retient un manifestant lors d'une manifestation pour la paix organisée par le Parti démocratique des peuples (HDP), parti d'opposition pro-kurde, à Istanbul, Turquie, le dimanche 5 septembre 2021. (Image d'illustration)
La police retient un manifestant lors d'une manifestation pour la paix organisée par le Parti démocratique des peuples (HDP), parti d'opposition pro-kurde, à Istanbul, Turquie, le dimanche 5 septembre 2021. (Image d'illustration) © Halil Ibrahim Ayan/GocherImagery/Universal Images Group via Getty Images

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