Monde

Origine, fonctionnement... C’est quoi, cette "horloge de l’apocalypse" qui affiche minuit moins 90 secondes en ce début d'année 2023 ?

L'"horloge de la fin du monde" symbolisant les périls pour l’humanité a atteint son plus proche niveau à minuit le 24 janvier 2023, au milieu de la guerre en Ukraine, des tensions nucléaires et de la crise climatique. Le Bulletin of the Atomic Scientists,

© AFP – HANDOUT – US – ATOMIC – DOOMSDAY CLOCK

Tic, tac, tic, tac, … En ce début d’année 2023, les aiguilles de l’horloge de l’apocalypse (Doomsday Clock) viennent d’être réglées et indiquent désormais minuit moins 90 secondes, ce qui signifie que la fin du monde n’a jamais été aussi proche.

La guerre en Ukraine est la principale cause de cette évolution peu réjouissante depuis que Moscou a proféré des menaces à peine voilées d’utiliser des armes nucléaires lors du conflit. Les dangers liés aux centrales nucléaires civiles sont également considérés car ces dernières risqueraient de rejeter des matières radioactives à grande échelle si elles venaient à être endommagées.

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Autre conséquence de la guerre, moins évidente et indirecte, qui est entrée en compte dans la décision d’avancer l’horloge, est l’augmentation du risque climatique dû à la guerre. Les pays dépendants du pétrole et du gaz russes, coupés de leur fournisseur, ont cherché à diversifier leurs approvisionnements, ce qui a entraîné une augmentation des investissements dans le gaz naturel exactement au moment où ces investissements auraient dû diminuer, explique la revue scientifique à l’origine de l’horloge.

De plus, l’explosion des prix du gaz a rendu le charbon plus compétitif, ce qui a mené à une très forte augmentation de l’utilisation de cette ressource pourtant très polluante. Par conséquent, les émissions de gaz à effet de serre ont atteint un nouveau record en 2022. En sachant cela, l’heure indiquée par l’horloge est tout de suite moins surprenante…

Evidemment, cette horloge virtuelle, maintenue par des scientifiques, est avant tout un concept, une métaphore de la vulnérabilité du monde. Une façon de mesurer le temps qu’il nous reste avant l’auto annihilation, représentée ici par minuit.

Mais comment fonctionne concrètement cette horloge : qui décide du changement d’heure, quels sont les risques pris en compte afin de décider d’avancer ou de reculer les aiguilles et quels ont été les événements à l’origine de ses évolutions ?

À l’origine, le nucléaire

Cette horloge conceptuelle a été créée en 1947, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, par le Bulletin of the Atomic Scientists de l’Université de Chicago, fondé par Albert Einstein et des scientifiques ayant travaillé sur le projet Manhattan, qui produisit la première bombe atomique. Avec l’invention de l’arme nucléaire, l’humanité possédait désormais une capacité de destruction massive, capable de menacer sa propre existence.

C’est pour cela que l’horloge a été conçue, afin d’évaluer la possibilité d’une guerre nucléaire mondiale, en soulignant la menace liée à la prolifération des armes nucléaires. Depuis 2007, les scientifiques du Bulletin of the Atomic Scientists prennent également en compte d’autres risques, comme le dérèglement climatique, le terrorisme, la reprise de la course à l’armement nucléaire, le risque les attaques informatiques, les hydrocarbures (pic pétrolier, géopolitique du pétrole) et même les risques liés aux nouvelles technologies.

Qui décide de l’heure affichée ?

Auparavant, le rédacteur en chef du Bulletin of the Atomic Scientists, Eugene Rabinowitch, décidait des mouvements des aiguilles à lui seul. Parlant couramment le russe et leader du mouvement international de désarmement, Rabinowitch était en contact constant avec d’autres experts à travers le monde. Sur la base d’échanges avec ces derniers, il décidait des changements à apporter à l’horloge de l’apocalypse et expliquait sa pensée dans les pages de la revue scientifique.

Depuis sa mort en 1973, le conseil de la science et de la sécurité du Bulletin of the Atomic Scientists a pris le relais et se réunit deux fois par an pour échanger sur les différents événements mondiaux. Par la suite, le conseil peut décider de modifier l’heure affichée par l’horloge s’il l’estime nécessaire.

Ce conseil est composé de plusieurs scientifiques et d’autres experts ayant une connaissance approfondie des technologies nucléaires et de la climatologie, compétences nécessaires à l’estimation des menaces rentrant en compte dans l’évaluation du temps restant avant la fin du monde.

Les aiguilles s’approchent de minuit

Pour chaque évolution des aiguilles de l’horloge et l’heure qu’elles indiquent, il est possible d’y faire correspondre un événement important de l’histoire. En tout, l’horloge a été réglée 25 fois.

En ce qui concerne les événements à l’origine d’un avancement des aiguilles, les plus importants sont liés aux développements des armes nucléaires. En 1949, soit deux ans après la création de l’horloge, l’Union soviétique teste avec succès sa première arme nucléaire et devient par la même occasion la deuxième puissance nucléaire mondiale.

Résultats ? Les aiguilles qui indiquaient 23h53 indiquent dorénavant 23h57, ce qui représente un bon de quatre minutes. La raison de la modification de l’heure paraît assez évidente dès lors que le monde comprenait deux grandes puissances rivales détenant un large arsenal capable de réduire en cendre son adversaire et ses alliés.

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Autre date de grande tension qui a fait avancer l’heure de l’horloge de 5 minutes est l’essai, en 1998, par l’Inde et le Pakistan, d’armes nucléaires dans l’hypothèse d’une agression mutuelle. Dans le même temps, l’ancien bloc soviétique et les États-Unis ne réussissent pas à tenir leurs engagements de réduction des stocks d’armes existants. Il est alors 23h51.

D’ailleurs, comme la revue scientifique prend dorénavant en compte les risques liés à d’autres menaces que le nucléaire, il est possible de cité les modifications liées au changement climatique.

Par exemple, en 2015, l’horloge a été avancée de deux minutes pour cause d’actions insuffisantes pour empêcher un réchauffement catastrophique de la Terre. Pour rappel, l’année précédente avait été la plus chaude depuis 1880. En parallèle, les États-Unis et la Russie lancent de vastes programmes pour moderniser leurs arsenaux nucléaires et brisent ainsi plusieurs avancées dans le domaine de la réduction et du désarmement nucléaire.

Mais elles peuvent aussi reculer

Heureusement, le monde n’a pas connu que des événements susceptibles de nous rapprocher de l’apocalypse. Au fur et à mesure, les deux principales puissances que sont les États-Unis et l’Union soviétique sont arrivées à coopérer et à négocier des accords visant à une réduction des risques nucléaires.

En 1963, tous deux signent le Traité d’interdiction partielle des essais nucléaires, limitant les tests d’engins nucléaires dans l’atmosphère. Par la même occasion, l’horloge est reculée de 5 minutes et le monde s’éloigne quelque peu de sa fin.

En 1991, les États-Unis et l’Union soviétique signent le Traité de réduction des armes stratégiques, ce qui représente une avancée majeure depuis l’invention de cette arme. Peu après, en décembre de la même année, l’URSS se disloque. L’horloge est alors au plus loin de minuit depuis sa création, indiquant 23h43.

"Il est minuit moins 90 secondes": l’horloge de l’apocalypse n'a jamais été aussi proche de minuit

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