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Oscars : "Everything Everywhere All at Once", un tournant dans l’histoire du cinéma selon Hugues Dayez

La Semaine des 5 Heures

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Close n’a pas été récompensé aux Oscars, mais ce sont les films Everything Everywhere all at Once et le remake d’À l’Ouest rien de Nouveau qui ont triomphé lors de cette 95e cérémonie. Un palmarès inattendu il y a quelques mois, révélant une édition peut-être charnière dans l’histoire du cinéma américain. Explications d’Hugues Dayez.

Sorti sur la pointe des pieds à l’été 2022, Everything Everywhere all at Once s’offre un succès retentissant. Dans ce film, Evelyn Wang (Michelle Yeoh), gérante d’une laverie, subit un contrôle fiscal d’une inspectrice revêche (Jamie Lee Curtis). Au cours de cet entretien, tout bascule : son mari lui annonce qu’elle est dans un multivers, où de forces obscures emmenées par sa pire ennemie, un clone de sa fille adolescente, menacent le monde réel.

Outre son humour absurde sur le multivers, le sacre historique de Michelle Yeoh, la belle histoire de Ke Huy Quan, monté sur scène avec Harrison Ford avec qui il s’était révélé dans Indiana Jones et le Temple maudit, Everything Everywhere all at Once marque l’industrie cinématographique pour d’autres raisons.

Un circuit parallèle devenu plus fort que la parole des critiques de films traditionnels ?

On a évoqué le triomphe de la diversité, du cinéma asiatique et indépendant, d’une nouvelle génération de cinéastes. Mais d’autres éléments doivent être pris en compte comme la balance coût-bénéfice.

Everything Everywhere all at Once a coûté 15 millions de dollars, et "de fil en aiguille, par les réseaux sociaux, le bouche à oreille, une critique alternative, tourne autour des 100 millions de dollars de recette" souligne Hugues Dayez. Il a donc sûrement séduit les jeunes votants de l’Académie.

Face à ce film, se trouvaient pourtant The Fabelmans de Steven Spielberg, échec au box-office, Tár, The Banshees of Inisherin ou encore Triangle of Sadness, dernière palme d’Or à Cannes. "Ce sont tous des films qui arrivent péniblement à boucler leurs coûts parce que, oublions les catastrophes qui aux Oscars étaient quasi absentes comme Babylon de Damien Chazelle ou du magnifique Empire of Light de Sam Mendes, tous ces films vraiment plébiscités par la critique traditionnelle, ayant pignon sur rue des Variety, Hollywood Reporter, Guardian, Time, des spectateurs critiques assez âgés aussi. On a l’impression que tout ce cinéma-là est en train de passer un très mauvais quart d’heure car pas en phase des habitudes des spectateurs qui vont encore en salle".

À côté de la critique affaiblie, le monsieur cinéma de la RTBF observe un autre phénomène qui bouscule le modèle traditionnel du cinéma d’auteur. Il concerne les festivals de films. Ceux-ci font en général monter les nominations aux grandes cérémonies du 7e art. Le calendrier de ces événements "est en train, quelque part, de voler en éclat avec un autre modèle" puisqu’ils avaient plébiscité les concurrents du film de Dan Kwan et Daniel Scheinert.

Des heureux accidents qui profitent des errances d’Hollywood

Cette victoire écrasante d’un film perçu comme ovni traduit en réalité une situation préoccupante à Hollywood.

"On est en train de voir qu’il y a un circuit parallèle, un autre public qui fait le succès du film, mais qui permet aussi au film d’arriver un peu comme un sale gosse sur le tapis rouge et de rafler l’essentiel des récompenses, ce qui n’est pas inquiétant mais questionnant" lance Hugues Dayez. "Parce que si des films comme Banshees ou Tár ne peuvent plus trouver de producteurs, on se demande quel est le futur du cinéma d’auteur, s’il peut être uniquement constitué d’heureux accidents comme Everything Everywhere all at Once".

Hollywood en ce moment, est même déboussolé rappelle le critique cinéma de la RTBF : les superproductions comme les derniers Marvel ne règnent plus au box-office. "On est vraiment dans une période charnière pour le cinéma américain où justement, des espèces de films ovni peuvent pénétrer dans la brèche et dans le trou qui existe de par cette situation, osons le dire, assez bordélique, dans le cinéma américain aujourd’hui".

Reste à espérer que "la victoire d’un cinéma ne doit pas immédiatement en supplanter un autre" comme l’avait fait la Nouvelle Vague. Dans l’idéal, pour l’industrie cinématographique américaine, il faudrait que les producteurs permettent encore une cohabitation de différents types de cinéma.

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