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Otage belge en Iran : la Cour constitutionnelle suspend la possibilité d’échanger Olivier Vandecasteele contre un détenu iranien en Belgique

Otage en Iran

© Olivier Vandecasteele

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Par Jean-François Herbecq

La Cour constitutionnelle suspend la loi d’assentiment au traité permettant le transfèrement de personnes condamnées conclu entre la Belgique et l’Iran qui aurait permis d’obtenir la libération d’Olivier Vandecasteele. Mais pour la Cour, le procédé est illégal. La famille d'Olivier Vandecasteele est sous le choc, pour son porte-parole Olivier Van Steirtegem, c’est un "séisme" et un "échec absolu de notre diplomatie".

Olivier Vandecasteele est cet otage belge retenu sans aucune raison en Iran depuis le 24 février dernier. Ce jeudi, cela fait 287 jours que ce travailleur humanitaire de 41 ans est détenu dans des conditions extrêmement pénibles. Sa famille s’est mobilisée car son état de santé décline et inquiète.

Ce citoyen du monde, travailleur humanitaire auprès d’ONG actives en Afghanistan pendant la guerre et depuis 6 ans en Iran pour les réfugiés afghans dans ce pays, était retourné à Téhéran en février, c’est là qu’il a été arrêté. A présent, le voilà otage, monnaie d’échange. Les raisons de l’emprisonnement d’Olivier Vandecasteele restent troubles plus de 9 mois après son arrestation. Selon sa famille, il n’a commis aucun délit, il n’existe aucune charge sérieuse. "Olivier est clairement pris dans une situation qui le dépasse totalement", explique son ami Olivier Van Steirtegem, porte-parole de la famille qui vit dans l’angoisse permanente.

Olivier Vandecasteele a comparu devant un tribunal qui l’a jugé pour des charges qu’il n’a pas le droit de préciser avec un avocat commis d’office qui n’a pas ouvert la bouche pendant tout le procès. Depuis, il est rentré en grève de la faim partielle.

Un échange avec un terroriste iranien condamné

La Belgique et l’Iran ont passé un traité de transfèrement qui permettrait de l’échanger contre un prisonnier iranien, Assadollah Assadi, un diplomate iranien condamné pour terrorisme et détenu dans notre pays. A l'été 2022, une controverse a éclaté en Belgique lorsque le ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne a présenté au Parlement, en vue d'un vote en urgence, un traité conclu en mars entre la Belgique et l'Iran portant sur le transfèrement de personnes condamnées. Ce traité a été contesté par une partie de l’opposition car le prisonnier n’est pas n’importe qui : son procès pour terrorisme a montré qu’il a agi sur ordre de l’Iran et l’attentat, s’il avait été mené à son terme, aurait pu provoquer un carnage à Villejuif en France.

Une organisation d’opposition iranienne (National Council of Resistance of Iran) a attaqué ce traité en justice en compagnie de personnalités qui étaient présentes au rassemblement de Villejuif, notamment la franco-colombienne Ingrid Betancourt, ex-otage des FARC. La cour d’appel de Bruxelles l’a bloqué dans un premier temps mais en référé cette décision a été renversée.

La Cour constitutionnelle suspend à présent ce traité. "La disposition attaquée semble violer le droit à la vie des victimes en ce qu’elle permet de transférer en Iran une personne qui a été condamnée en Belgique pour avoir commis une infraction terroriste avec le soutien de l’Iran. En effet, la Belgique sait ou doit savoir que l’Iran n’exécutera pas effectivement la peine dans ce cas", déclare la Cour.

Un "échec absolu de la diplomatie belge"

Oliver vandecasteele est victime de ce qu'on appelle "la diplomatie des otages" du régime iranien. Sa famille est désespérée par cette décision. Elle réagira plus longuement ce vendredi lors d'une conférence de presse.

Pour Olivier Van Steirtegem, c’est un "échec absolu de notre diplomatie et de notre administration. On a mené la famille d’Olivier Vandecasteele sur une fausse piste et un faux espoir pendant 9 mois". "Je pose la question : que va-t-on faire d’Oliver Vandecasteele qui va être condamné ces prochains jours à des années entières de prison. Que fait-on pour le libérer ? Que dit-on à sa famille ? Indirectement cette décision fait porter à ceux qui la prennent la responsabilité de ce qui arrive à Olivier Vandecasteele qui je le rappelle est innocent".

"Olivier est seul et sans recours possible. Il n’a aucun droit dans le pays où il est détenu", rappelle Olivier Van Steirtegem. "C’est un séisme auquel personne ne pouvait s’attendre dans la mesure où il existe déjà 74 traités de transfèrement entre la Belgique et d’autres pays".

Olivier Van Steirtegem: un "échec absolu denotre diplomatie"

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La famille va consulter ses avocats pour voir les actions suivantes à prendre.

La Cour constitutionnelle a à présent trois mois pour statuer sur l'annulation du traité. En attendant, ceci prive le gouvernement belge de cadre légal pour procéder à un échange de prisonniers.

"La Cour a pris ses responsabilités"

Maryam Rajavi, présidente du National Council of Resistance of Iran (CNRI), a salué "une victoire", dans un communiqué.

François Tulkens, l’avocat du CNRI, estime que "la Cour a pris ses responsabilités" car la Cour a fait notamment valoir que, lorsqu’un condamné est transféré vers son pays d’origine, l’État de condamnation doit protéger le droit à la vie des victimes. Or le traité permet que le condamné soit gracié ou amnistié, ce qui se produirait probablement lorsque Assadolah Assadi arriverait sur le sol iranien.

François Tulkens cite le point de l’arrêt qui insiste sur toutes les pressions de l’Iran, régime autoritaire, faisant la promotion du terrorisme, pressions menées sur la Belgique depuis l’arrestation d’Assadollah Assadi.

Pour lui, les juges constitutionnels belges ont été courageux et indépendants en osant "prendre une décision qui va au-delà de la Belgique" et leur arrêt fera jurisprudence à l’étranger.

L'avocat ajoute que c’est la première fois que la Cour constitutionnelle suspend une loi d’approbation d’un traité international. La balle, selon lui, est à présent dans le camp du gouvernement.

François Tulkens: la Cour constitutionnelle a pris ses responsabilités

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