Questions-Réponses

Où en est-on avec les dettes wallonnes ? Doit-on s’inquiéter ?

© GettyImages

Par Maud Wilquin

Fin 2022, la dette de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) s’élevait à environ 11 milliards d’euros (14 milliards en 2025 selon les estimations). Un montant que le cabinet de Frédéric Daerden, Vice-Président et Ministre du Budget à la FWB (PS), a commenté pour nous. "Notre notation est de qualité moyenne supérieure et notre accès aux marchés est garanti : nous parvenons à nous financer sans problème et nos charges d’intérêt sont inférieures à 2%", réagit le cabinet. "Comparée aux autres entités, la FWB n’est pas actuellement la plus mal lotie. La Région wallonne, la Région Bruxelles-Capitale (10 milliards d’euros, ndlr) ou le Fédéral (474 milliards d’euros, ndlr) le sont nettement davantage."

Nous n’écrirons dans cet article qu’au sujet des dettes qui concernent la Wallonie. Et en effet, la dette de la Région wallonne est plus importante. Selon les derniers chiffres communiqués par la Région elle-même, la dette avoisine cette année les 34 milliards d’euros (40 milliards en 2024 selon les estimations), soit proportionnellement cinq fois plus que le montant de la dette flamande.

Un fait que le cabinet du ministre wallon du Budget Adrien Dolimont (MR) explique par plusieurs facteurs. "Cette situation ne date pas d’hier, c’est historique", nous indique-t-on. "Le tissu économique wallon n’est pas le même que le tissu économique flamand et la Flandre a rationalisé des structures que n’a pas rationalisées la Wallonie. Les décisions qui ont été prises sont différentes. De plus, les crises que nous avons connues ces dernières années ont explosé le budget. Nous avons par exemple dépensé 3,3 milliards d’euros pendant la crise sanitaire, 2,7 milliards d’euros à la suite des inondations de juillet 2021."

"Les facteurs structurels ne jouent pas non plus en notre faveur", ajoute l’économiste et membre de la Commission externe de la dette, Etienne de Callataÿ. "Le bâti wallon est en mauvais état, le Wallon circule beaucoup en voiture et a une moins bonne agriculture que la Flandre."

Toutefois, la Région ne compte pas rester dans cette situation financière éternellement et entend bien rectifier le tir. "Nous devons nous donner les moyens de le faire et nous en avons la capacité."

 

Comment lutter ?

Pour cela, la Région wallonne n’ambitionne pas de rembourser la dette intégralement mais bien de garantir sa soutenabilité, la rendre stable. "Gommer complètement une dette dans la situation actuelle est impossible", explique le cabinet. Avant la crise un Comité externe de la dette avait proposé à la Région une première trajectoire pour y parvenir. Trajectoire qui a évidemment été modifiée à la suite des crises et inondations citées plus haut. "Si nous avions laissé la courbe évoluer sans rien faire, nous aurions été dans l’impossibilité de pouvoir assurer la dette."

Pour que la dette wallonne soit soutenable, elle ne doit plus représenter 230% de ses recettes comme actuellement mais 180%. "Pour cela, nous devons tout d’abord diminuer la différence entre les recettes et les dépenses, c’est ce qu’on appelle le solde brut à financer. Et nous sommes encore parvenus à diminuer cet écart de près d’un milliard d’euros dans ce conclave", détaille le cabinet Dolimont.

Ensuite, la Région devra réaliser des économies. Mais pas n’importe comment. En 2022, la Région a consenti à une amélioration structurelle et cumulative de minimum 150 millions d’euros par an. En 2023, c’est un nouvel effort de 250 millions d’euros qui était acté, soit plus que ce qui était initialement convenu. "Et nous rajouterons 150 millions en 2024. Jusqu’au moment où nous atteindrons une stabilisation", confie le cabinet.

Enfin, la Wallonie devra limiter ses emprunts.

Vous l’aurez compris, il faudra encore patienter plusieurs années pour garantir la soutenabilité de la dette. Et ce pour une bonne raison : pouvoir absorber un nouveau choc s’il devait encore y en avoir un. "Nous ne réfléchissons pas sur le court terme. Beaucoup de personnes pensent que la dette diminuera, mais non, sinon ce serait de l’austérité", confie le cabinet. "Cela voudrait dire que nous ne pourrions plus nous permettre d’investir. Ce qu’il faut, c’est ramener le niveau d’endettement à un niveau stable, faire en sorte que diminuer la croissance de la dette d’année en année… parce qu’elle continuera à grandir. On le sait, c’est mécanique et automatique."

"Il ne faut pas oublier que la dette, quelle que soit l’entité, n’est pas intrinsèquement mauvaise", confirme la Fédération Wallonie-Bruxelles. "C’est grâce à l’endettement que notre économie a surmonté les crises récentes et investit dans l’avenir."

En avril, un contrôle budgétaire réalisé au niveau régional révélait que le solde brut à financer wallon fixé à 3,141 milliards d’euros dans le cadre du budget initial 2023 était passé à 2,975 milliards d’euros, soit une amélioration de 166 millions d’euros par rapport au budget initial. "Au niveau de la trajectoire budgétaire, le résultat est meilleur également. Le déficit public, hors dépenses "exceptionnelles" (covid, inondations, Ukraine, énergie et relance) est maîtrisé et amélioré de 51 millions d’euros par rapport à la trajectoire prévue dans le budget initial et de 214 millions € par rapport à la trajectoire prévue dans l’accord de gouvernement", peut-on lire sur le portail de la Région wallonne.

Et si la Région reste très attentive à sa situation, elle peut aujourd’hui constater ses premières victoires. "Le niveau de l’endettement n’est pas idéal et reste très élevé, mais la dette est maîtrisée."

 

Ne rien faire en matière de transition est la dernière des solutions

 

Bien que non urgente, "la situation est problématique et aura des portées en termes de bien-être et de négociations institutionnelles", commente Etienne de Callataÿ. Toutefois, "le ministre Dolimont semble convaincu de la nécessité de maintenir le cap budgétaire établi", se réjouit Etienne de Callataÿ. "Mais derrière cela, il faut oser repenser l’efficacité de la dépense publique wallonne. C’est là où le bât blesse." Selon lui, investir davantage dans l’environnement et la formation professionnelle porterait ses fruits. "Ne rien faire en matière de transition est la dernière des solutions."

Et pour cause, la situation de la Wallonie pourrait à terme avoir un impact sur les subsides européens. "Pour l’instant, nous sommes immunisés puisque l’Union européenne ne s’adresse qu’aux Etats nationaux. Mais un jour, cela pourrait être différent. Et si les indicateurs économiques de la Wallonie ne satisfont pas les critères de l’Europe, donc si elle n’est pas capable d’entreprendre les efforts qu’elle aurait dû pouvoir entreprendre, l’Union européenne pourrait décider de ne plus subventionner", estime-t-il. "Pour le moment, la menace plane surtout au niveau fédéral. Si l’État n’a pas accès aux subsides, il ne rétrocédera pas d’argent aux Régions."

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