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Pablo’s Eye continue à surprendre après 30 d’existence avec "A Mountain is An Idea"

Le nouvel album de Pablo’s eye : "A Mountain is An Idea"

© Pablo’s Eye

Collectif discret préférant rester dans l’ombre que de profiter de la lumière des projecteurs, Pablo’s Eye revient avec "A Mountain Is an idea". Un album ambient hypnotique et poétique qui plonge, en un battement de cils, les esprits dans un délicieux état de rêve éveillé. Pendant 20 ans, il était impossible de trouver leurs sorties sur les étagères des disquaires, à l’exception des rééditions du label STROOM. Cette fois-ci, les musiciens reviennent en format vinyle, pour le plus grand bonheur de leurs fans. L’occasion rêvée pour discuter avec Axel Libeert, le compositeur et fondateur du collectif belge encensé par Pitchfork. Rencontre au sommet de la montagne avec un artiste humble et passionné.

Salut Axel, comment tu te sens quelques jours après la sortie de votre nouveau projet intitulé : "A Mountain Is an Idea" ?

Je suis soulagé et heureux, naturellement. De nos jours, sortir un disque, c’est compliqué. Il faut en moyenne attendre 12 mois pour les pressages des vinyles. Il reste très peu d’usines capables d’en produire et les grosses maisons de disques les prennent d’assauts pour leurs artistes. Cela engendre des gros délais d’attente pour les musiciens moins grand public. Ceci dit, je suis super content que l’album ait enfin vu le jour.

Pablo’s Eye est un collectif. Est-ce qu’il est plus compliqué de produire un album lorsqu’on n’est pas un groupe à proprement parler ?

En fait, non. Cela fait 30 ans qu’on existe et les personnes participantes à la création des albums, reviennent toujours. Je pense justement que c’est plus facile. Cependant, ça a aussi ses désavantages. Un groupe, il est prêt lorsqu’il faut partir en tournée par exemple. Dans le cas de Pablo’s Eye, ce sont des gens qui viennent pour l’expérience de l’enregistrement. C’est pour cela qu’on joue très peu sur scène.

Je pense qu’on a décidé d’être un collectif car au départ nous avons travaillé ensemble sur des œuvres qui n’étaient pas musicales. Je pense notamment à des installations artistiques. Un collectif, c’est aussi collaborer avec des personnes qui ne sont pas de la même discipline. Ce que je trouve génial. Par exemple, pour les textes, on travaille avec un auteur anglais qui s’appelle Richard Skinner. Le concept du collectif, ça te permet de créer un sentiment d’appartenance même si tu n’es pas musicien.

 

 

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Pourquoi avoir attendu si longtemps pour sortir un nouvel album en vinyle ?

Nous avons sorti des CD’s jusqu’en 2000, il me semble. C’est aussi à cette même période que le streaming illégal a commencée. Je dois avouer que d’un côté, j’étais super enthousiaste. Ces plateformes me permettaient d’écouter de la musique que je n’aurais pas pu découvrir autrement. Tu entendais parler de certains artistes mais impossible de les écouter car tu ne trouvais pas leurs disques à la médiathèque.

De l’autre côté, je sentais qu’au sein des labels et maisons de disques, tout le monde était désespéré par l’apparition du streaming illégal. J’ai compris à ce moment précis que faire des CDs, c’était terminé. Si les vinyles n’étaient pas revenus à la mode et si notre public n’était pas si demandeur, nous n’aurions probablement jamais ressorti d’album sous forme physique. Il y a quelques années, je n’y croyais plus et je me suis trompé.

Nous avons fait nos vrais premiers concerts au Listen Festival de Bruxelles, au Berlin Atonal Festival et en Finlande en 2019. C’est là que nous nous sommes rendu compte de l’engouement du public. Pablo’s Eye n’est pas une formation prévue pour le live à la base et pourtant, des milliers de personnes nous attendaient. Ça nous a donné une vraie impulsion pour notre retour sur album. Les gens pensaient qu’on avait disparu mais nous nous étions jamais arrêtés.

 

Pourquoi ce titre mystérieux :"A Mountain is An Idea" ?

Je le trouvais tout simplement poétique. Et puis, il vient d’un texte de Richard qui est membre de notre collectif. Ce titre évoque aussi le fait qu’on pense que des choses sont insurmontables mais que finalement avec des efforts, on y arrive toujours.

Les personnes plus âgées comme moi, pensent qu’il n’y a plus rien à découvrir. C’est faux. Les plus jeunes voient aussi la montagne devant eux et pensent que le chemin jusqu’au sommet va être douloureux. Cette dernière ne doit pas être un obstacle, tout le monde peut aller très loin avec de la volonté et du travail.

J’aime raconter une histoire en peu de temps et avec peu de choses.

Vos sortez des albums avec des titres d’une durée longue, d’autres d’une durée courte. Pour "A Mountain is An Idea", les morceaux sont plutôt dans cette catégorie. Pourquoi cette alternance selon vos différentes sorties ?

Pablo’s Eye a un aspect expérimental et ce dernier ressort mieux sur des plages sonores longues. Je pense également que nous avons un côté pop. Peut-être pas avec tous les codes liés à ce genre musical, certes, mais j’aime raconter une histoire en peu de temps et avec peu de choses. Puis, je dois dire qu’un vinyle sonne mieux si on ne dépasse pas les 18 minutes par face. Cela m’a permis d’offrir un voyage auditif plus varié à nos auditeurs.

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Sur l’album, il y a un morceau intitulé : "Meiser Place", qui est un lieu bien connu de la commune bruxelloise de Schaerbeek. Qu’est-ce que ce dernier évoque pour toi ?

Tout simplement parce que c’est là qu’est situé Soundscube le studio de Luc Laret, qui fait partie du collectif et qui mixe les albums de Pablo’s eye depuis "You Love Chinese Food". C’est un de mes amis les plus fidèles. C’est donc à cet arrêt de tram que je descendais pour travailler sur le disque. De plus, je suis bruxellois depuis longtemps et je suis heureux de vivre dans cette ville. J’aime tous ses quartiers. Ça me faisait plaisir de faire un clin d’œil à notre capitale. Beaucoup de groupes lui ont rendu hommage en prenant des noms de lieux. Je pense entre autres à Arsenal ou Madou. En fait, le titre de ce morceau représente simplement ma vie quotidienne dans notre capitale belge.

 

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Selon les albums, l’ambiance varie. Sur "You Love Chinese Food", cette dernière est plutôt orientale. Sur "You Have A Yearning For Perfection", elle est plutôt tribale. Pour votre nouveau projet, l’ambiance est plus atmosphérique, où est-ce que tu vas chercher ces inspirations ?

J’ai travaillé sur cet album durant le confinement. C’est vrai, j’y ai inclus des éléments plus intérieurs, plus intimes présent qui doivent être liés à cette période difficile. Cela a beaucoup joué sur ma musique sans forcément le vouloir. J’avoue que c’est un album qui est plus introspectif. C’était des temps compliqués où toute la population s’est posé beaucoup de questions.

J’ai eu envie de pousser plus loin les idées que j’avais lorsque je travaillais pour d’autres personnes.

Tu es réalisateur de formation. Tu as travaillé pour la télévision et dans la pub. Est-ce que ces deux univers ont influencé ta musique ?

Je suis diplômé du RITCS. Durant mes études, nous avions souvent des exercices pratiques à réaliser. J’ai commencé à bidouiller les bandes-son de ces derniers. Très vite, les autres étudiants m’ont demandé de créer celles de leurs projets. Je me suis retrouvé avec plus de travail que ce qu’on nous demandait de faire. C’est venu de cette façon.

À la base, je ne voulais pas être musicien professionnel. Lorsqu’on me commandait de la musique, il y avait toujours un moment où je me disais :"ce que je suis en train de produire est intéressant mais il n’y a pas de place pour cet élément sur ce projet". C’est comme cela que Pablo’s Eye est né. J’ai eu envie de pousser plus loin les idées que j’avais lorsque je travaillais pour d’autres personnes. Je voulais leur donner leur occasion d’exister et le faire en collaboration.

 

Il y a une voix féminine sur l’album, celle de ton épouse, Marie Mandi. Comment ça se passe le travail ensemble à la maison ?

Avant, on écrivait nos propres textes. Marie est traductrice de formation et a beaucoup de facilités avec les langues. Nous avons toujours aimé lire et comparer des écrits. Un jour, nous avons rencontré Richard. Il a été très enthousiaste par rapport à notre musique et a voulu rejoindre le collectif. Nous lui donnons une carte blanche complète au niveau de l’écriture.

Au départ avec Marie, c’était un jeu. Nous faisions déjà des morceaux ensemble avant Pablo’s Eye, lorsque nous nous appelions encore Nightfall In Camp. On avait réalisé un titre très poétique en espagnol. Il a d’ailleurs été réédité il y a quelques années sur le web. 30.000 personnes l’ont liké. À partir de ce moment précis, nous nous sommes dit que cette voix était vraiment intéressante. Ceci dit, elle n’est jamais présente tout au long des morceaux. Pour nous, le texte doit rester un arrangement musical.

Est-ce que vous avez des dates de concerts pour la sortie de : "A Mountain Is An Idea" ?

Nous n’avons rien de prévu. Ce qui est peut-être dommage. Nous avons pourtant énormément de demandes. Nous avons vendu pas mal de disques et nous avons un public dans le monde entier. Du coup, nous devrions prévoir une tournée mondiale. Notre construction financière n’est pas assez solide pour se le permettre. En 2019, nous avons donné plusieurs concerts. Nous avons été en Finlande, en Allemagne ou encore à Bruxelles. C’était quelque chose d’unique et de génial. Si nous avions voulu continuer sur cette lancée, il nous faudrait beaucoup plus de moyens financiers et ce n’est pas l’objectif de base de Pablo’s eye.

 

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