Ecologie

Panneaux solaires, cantine végane, urine recyclée : le club de foot britannique Forest Green Rovers, un champion d'écologie

Royaume Uni : une équipe de football 100% verte

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Qui dit football ne pense pas vraiment écologie. Et pourtant, un petit club anglais de 3ème division intrigue de plus en plus la planète foot. En une dizaine d’années, les Forest Green Rovers ont réussi à se réinventer complètement grâce à un engagement écologique détonnant et un propriétaire sans concession.

Reportage dans la région des Cotswolds, à quelque 160 kilomètres à l’ouest de Londres.

Un football durable

Dans le stade du club, le gazon est 100% bio.
Dans le stade du club, le gazon est 100% bio. © RTBF

L’herbe n’est pas toujours plus verte ailleurs. Pour la petite ville de Nailsworth, c’est même dans le stade de son équipe de foot qu’elle brille de son plus bel éclat. Car ici, le vert, plus qu’une couleur, c’est un combat !

Nous croisons Nigel Harvey, en plein traçage des lignes blanches sur le gazon, juste avant un match à domicile contre une équipe voisine. Il est responsable de la gestion et du développement du terrain au New Lawn Stadium : "C’est du gazon ordinaire, du vrai gazon, à part que tout est bio. Nous n’utilisons pas de pesticide ou d’engrais chimiques", nous confie-t-il.

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Le vénérable club de foot de la localité – fondé en 1889 - vit une petite révolution depuis sa reprise en 2010 par Dale Vince, un ancien hippie fan de ballon rond qui a fait fortune dans les énergies vertes. Écologiste convaincu, il a décidé d’aborder différemment le foot et va très vite transformer l’identité du club. Ambition affichée : offrir un football conforme à ses idées, un football 100% durable.

Dale Vincent, propriétaire du club de football "Forest Green Rovers"

"J’ai opéré des changements dès le premier jour lorsque j’ai vu qu’on servait aux joueurs des lasagnes à la viande de bœuf. J’ai été horrifié parce que ça me rendait complice du commerce de la viande. J’ai demandé au coach et au responsable alimentation d’arrêter ça immédiatement." 

Mais les mauvaises surprises ne s’arrêtent pas là pour le nouveau propriétaire des Forest Green Rovers. "Les semaines qui ont suivi, j’ai relevé plein d’autres choses qui n’allaient pas", explique-t-il. "J’ai vite compris du coup qu’il fallait transformer le club, recréer un club de foot différent, un club de foot vert, et j’ai dû convaincre un public très difficile : des supporters de foot. Pas le public le plus simple à qui parler de durabilité… Et l’idée est partie de là."

Des changements structurels

180 panneaux solaires sur le toit du stade.
Des bornes de rechargement électrique dans le parking du club.

Il y a deux sortes de changements que l’on peut apporter au monde.

Premier changement : les infrastructures. 180 panneaux solaires placés sur le toit du stade, eau de pluie et urine des spectateurs recyclées pour l’entretien du terrain certifié bio, bornes de rechargement de véhicules électriques installés dans le parking du club.

Dale Vincent, propriétaire du club de football "Forest Green Rovers".
Dale Vincent, propriétaire du club de football "Forest Green Rovers". © RTBF

"Il y a deux sortes de changements que l’on peut apporter au monde", nous explique Dale Vince. "Celui que l’on peut faire soi-même, qui est nécessairement limité, et le second, c’est d’être un catalyseur… Montrer aux gens ce qui peut être fait et générer le changement de cette manière, et c’est celui que nous préférons faire."

Paula Brown, responsable commerciale du club nous montre les maillots de l’équipe. Ils sont tous fabriqués avec des matières recyclées.
Paula Brown, responsable commerciale du club nous montre les maillots de l’équipe. Ils sont tous fabriqués avec des matières recyclées. © RTBF

Vert, c’est bien, encore plus vert, c’est mieux! Alors des maillots d’un nouveau type ont été créés sur mesure. Paula Brown, responsable commerciale du club, les décrit : "Celui-ci est fabriqué avec du marc de café et du plastique recyclé.", dit-elle en montrant un maillot vert fluorescent. "On joue tous nos matchs à domicile avec celui-ci. Et quand on joue en déplacement, on utilise le rose qui est à base de bambou."

Des maillots qui semblent enchanter joueurs comme supporters. Les uns d’abord pour leur qualité respirante et légère, les autres pour leur graphisme et une autre valeur importante aux yeux de Dale Vincent : "Sensibiliser aux déchets dans l’industrie du vêtement."

Une cantine végane

Les tourtes sont prêtes à être servies !
Les tourtes sont prêtes à être servies ! © RTBF

La révolution verte s’est aussi invitée dans le régime alimentaire. D’abord des joueurs, les plus faciles à convaincre selon Dale Vince. Ensuite des supporters, plus récalcitrants. Exit la viande et la malbouffe : tourtes, frites, hot dogs, nuggets… Ici, tout est végan, pour tout le monde. La bière est bio et servie dans des gobelets consignés.

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Au départ, les supporters étaient sceptiques, mais ils ont fini par suivre le mouvement, et 13 ans plus tard, ils en redemandent ! Ils rêvent maintenant de servir de modèle à d’autres clubs, comme nous l’explique Philip Doble, fan de la première heure et membre du club des supporters :

Philip Dobble

"Quand le club est devenu végan, ça a été un grand choc pour les supporters. On était habitué depuis toujours à manger nos hot-dogs et nos tourtes à la viande les jours de match et tout d’un coup, on ne pouvait plus. Et dans le café, tout d’un coup, plus du lait de vache mais du lait de soja ou d’avoine ! Ça a pris un peu de temps pour s’adapter", confie-t-il avec un grand sourire.

"Beaucoup d’autres clubs nous trouvent bizarres, mais j’espère que, progressivement, avec le temps, nous pourrons les convaincre que nous sommes peut-être un peu l’avenir et que c’est ainsi que les choses doivent se passer."

Un engagement vert et sportif

Au-delà des projets matériels, l’ambition du club reste avant tout sportive. Il a évolué en parallèle de son changement de philosophie. Avec le même succès. Cette année, pour la première fois en 133 ans d’existence, le Forest Green Rovers est monté en Ligue One (3ème division anglaise). Et ce, Dale Vincent y tient, uniquement avec les joueurs de sa formation. Car fidèle à son engagement, le propriétaire du club refuse un football animé par l’argent. "Pas question", soutient Dale Vince, "de dépenser des montants exorbitants pour transférer l’un ou l’autre joueur !"

Une empreinte carbone réduite au minimum

L’empreinte carbone du club a baissé de manière spectaculaire. Aujourd’hui, Forest Green Rovers est même le seul au monde à être certifié neutre en émissions carbone. De quoi justifier les titres décernés par l’ONU et la FIFA de "champion du climat" et de "club de foot le plus vert au monde". De quoi expliquer aussi l’intérêt croissant des sponsors.

Mais là encore, pas question de déroger à la philosophie du club, explique Henry Staelens, le Directeur général du Forest Green Rovers FC :

Henry Stalens, Directeur général du Forest Green Rovers FC.

"Nous attirons des sponsors actifs dans le domaine de l’alimentation végane, dans l’aide au recyclage ou de l’énergie verte", confirme-t-il. "Nous disons souvent non, car il y a un gros problème de greenwashing en ce moment. Nous ne vendrons jamais notre âme, parce que c’est la mauvaise chose à faire. Tout ce que nous faisons ici est 100% sincère. Les gens ne seraient pas dupes. Si nous prenions une décision contraire à nos valeurs, tout le projet s’écroulerait."

Partenaire privilégiée, l’ONG Sea Sheperd, qui milite pour la protection des océans, est devenue l’un des actionnaires du club. Les maillots qui intègrent son logo font fureur auprès des supporters. Tous les bénéfices des ventes sont reversés à l’ONG.

Fans de foot et d’environnement

L’audacieux pari relevé avec brio inspire la planète foot bien au-delà des frontières du comté de Gloucestershire. Des clubs des 4 coins du monde viennent chercher l’inspiration, voire des conseils, à Nailsworth. Tout comme les Forest Green Rovers, l’équipe andalouse Bétis Séville, suivie de la française LOSC, ont intégré le programme de l’ONU qui engage les clubs à prendre des mesures pour viser la neutralité carbone. 

L’A.D San Carlos du Costa Rica, le Costa del Este FC du Panama, ou encore la Fédération espagnole de football de la région de Murcie ont aussi décidé de suivre, pour sensibiliser leurs supporters au réchauffement climatique et à la neutralité carbone. "Nous avons réussi à transformer des fans de foot en fans de foot et d’environnement. Nous ne faisons pas la morale aux gens, on ne leur dit pas que faire ou pas", explique Dale Vince. "Mais ils voient ce que nous faisons ici, toutes les initiatives que nous prenons, ils voient que ça marche et ça les fait réfléchir".

Des supporters très enthousiastes, dans les gradins aussi.
Des supporters très enthousiastes, dans les gradins aussi. © RTBF

Le club qui comptait 700 fans en 2010 en compte maintenant 4000 dans la localité. Un engouement contagieux : de l’Alaska, jusqu’à l’Australie en passant par l’Allemagne et la Belgique, les supporters de 20 pays dans le monde se sont déjà ralliés aux Forest Green Rovers. Par amour du ballon rond ou par conviction, 120 clubs de supporters ont vu le jour. Aujourd’hui, 6% des ventes au détail de maillot sont maintenant passées depuis l’étranger.

Un succès qui réjouit l’homme qui voulait faire rimer foot et écologie, un homme persuadé de la nécessité et de la viabilité de son combat, même à plus grande échelle : "Le football est un puissant ambassadeur pour défendre l’environnement et Forest Green Rovers fait la démonstration que football et durabilité sont compatibles."

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